Fluoglacial - Tendances Négatives

DES JEUNES GENS MÖDERNES (2011)



Vous savez que l'entrisme fut une stratégie des trotskistes pour infiltrer et noyauter d'autres organisations (aux idées proches ou pas). Mais est-ce que vous saviez que ENTRISME fut un magazine créé pour infiltrer le "spectre culturel" et devenir leader d'opinion (de qui? de quoi?). Ceux qui ont eu le loisir de tenir un des 6 numéros (plus le numéro zéro) entre leurs mains ont pu s'imprégner des saveurs de la revue "mutante, générationnelle et transversale" et de leurs accroches "game-by-punk" à faire jalouser VICE, qui furent d'ailleurs très bien relayées par Libération ou Les Inrocks, normal. Présente partout où il fallait être (Palais de Tokyo, Colette, Agnès B, nightclubs, galeries, etc) sur le maximum de champs artistiques possibles (musique, photo, art, etc), la "communauté de l'instant" avait compris que la règle de survie en milieu hipster était clairement: "communiquer pour réussir". En guise de testament, les "entristes", génies du marketing DIY, appuyés par le réalisateur rock Jérôme de Missolz (Race d'Ep, Furie Rock, You'll never walk alone) et d'un budget de 700 000€ ont conçu leur propre film documentaire assurant pleinement leur postérité.



Le film aurait pu être nommé plus originalement, mais bon. Dans ce doc, la bande des 4 d'Entrisme, qui ne revendiquait pourtant aucun passéisme ou aucune nostalgie, part à la rencontre d'Yves Adrien (rebaptisé 69-X-69), le poète pote de Pacadis qui roulait sa bosse dans les années Palace (toujours le même refrain). L'association des jeunes gens mödernes et du vieux mec növo devait fatalement arriver. Quand on lit son livre "Növovision" sorti en 1980, on retrouve les mêmes techniques de slogans publicitaires qui sortent de la bouche des intervenants de ce document. Le critique rock transformé en poète mou nous abreuve de sa pataphysique dans de longs monologues fatigants, et les hommes-médias n'ont rien à ajouter ni échanger, évidemment. Le passé ressurgit encore par deux fois, Edwige Belmore (la reine des punks) massacre Brel et Lio verse sa larme sur le bord d'un lit. Le dandy à la rencontre du trash et l'idolisme surpasse vite le clash (qui consiste simplement à jouer au plus arrogant). C'est le superficialisme assumé dans toute sa laideur, comme les tatouages ratés dont la bande s'orne pour se convaincre de sa subversion. D'apparts en apparts, de conversations facebook en soirées Adrien, de New York au Japon (merci le mécénat), la classe créative tente d'analyser son époque sous fond de montage bordel-geek appuyé par tous leurs groupes fétiches (the death set, crystal castles, fuck buttons, poni hoax, this is pop), qui a dit le pire de la décennie ?



Nous sommes en 2012, Entrisme a cessé d'exister depuis la sortie du film et sa présentation au festival de Cannes 2011. Même si le souhait d'être "diffusé dans tous les Leclerc de France" comme fantasmait un des membres ne s'est pas réalisé, ils ont réussi leur pari. Faire parler d'eux. Et ouais, nous sommes maintenant dans l'ère où la visibilité est devenue la seule velléité des protagonistes de cette putain de "sphère culturelle"...

Nabe avait déjà prévu la rencontre des deux mondes, 30 ans avant la sortie du film, en 1984... le voilà le futur d'avant !

« Vous qui entrez, laissez toute élégance ! Voici l'escouade des jeunes gens modernes. Tous le même regard. Ne cherchez pas d'innocence sur leurs visages. Les filles de treize ans ressemblent aux putes de dix-huit. [...] Pour elles, avoir de la classe c'est être vulgaire. On a l'impression d'être toujours au bordel dans la rue.
C'est la génération des magazines. Tout ce qu'il y a de nouveau est beau. L'Histoire commence à partir d'eux. C'est la haine de la continuité. La haine des autres.
C'est l'extravagant cortège hargneux des New-Larves. Ils se rendent vite dans un hangar pour y dégorger leurs énormes manques. C'est la brutalité de la mièvrerie viandée, du fade imberbe, imbu, de la plus effarante singerie de vieilles modes de tous les temps. Nous voici absolument en pleine anthologie de modes. C'est fantastique! On change de mode comme de chemise. Nous en sommes aux ablettes bordées de nouilles qui vont poser leurs pêches aux Ex-Bains ou dans un quelque autre Hall de Gare aux couleurs électriques. [...]
Se faire pédé maintenant est une véritable mode: peut-être la plus tenace de nos années. [...] Les jeunes se font pédés par goût de la minorité d'abord et par mimétisme bêta ensuite, comme des phasmes qui se montent pour faire comme les autres. Pas le quart des pédés d'aujourd'hui est pédé, maladivement pédé, incurable à vomir, tendancieux du berceau... Que les mères se rassurent: dans cinq-six ans leur bambin refermera son paquet de pâtes, il fondera - graphiste ou attaché de presse - une famille normale. Beaucoup d'Undergrounds jointés des années soixante-dix s'en sont très bien sortis, pourquoi pas les tantouzes d'occase ? La folle jeunesse fait son temps: il faut qu'enculage se passe. »

Le gain de prestige



« En s'assimilant totalement au besoin, l'oeuvre d'art empêche d'avance les hommes de se libérer du principe de l'utilité, alors qu'elle devrait pourtant permettre cette libération. Ce que l'on pourrait qualifier de valeur d'usage dans la réception des biens culturels est remplacé par la valeur d'échange; au lieu de rechercher la jouissance on se contente d'assister aux manifestations "artistiques" et "d'être au courant", au lieu de chercher à devenir un connaisseur on se contente donc d'un gain de prestige. Le consommateur devient l'alibi de l'industrie du divertissement aux institutions de laquelle il ne peut échapper. [...] Tout est perçu sous ce seul aspect: pouvoir servir à autre chose, même si cet autre chose est aussi vague que possible. »

Kulturindustrie, Theodor W. Adorno & Max Horkheimer, 1944/2012.
(Picture: Last Summer, 1969)

Bruxelles XL


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BARRES (1984)


Le swing des choses



« Et il paraît qu'il y en a qui s'emmerdent dans l'existence ! Qui se spleenifient!... J'ai vu tellement d'ennuyeux ennuyés qui se servaient de Baudelaire pour excuser leurs immenses trous d'air!... L'ennui est un effilochement psychique filandreux. Je suis l'antispleenétique typique. Je ne m'ennuie jamais parce que rien ne me paraît vide de sens. Tout mérite qu'on le haïsse et nous méritons de souffrir de tout. Le Grand Théâtre n'est jamais fermé. On peut y chialer encore. J'aime détester cette ignominie.

Jamais de ma vie je ne me suis ennuyé une seule seconde. Je ne me laisse pas souffler ainsi mon rôle. J'exècre à mort tous les radasseurs, les endivannés de l'Ennui. Ces feignasses vidées, fiers paons déchirés, oisifs éventails troués arborant un spleen du dimanche, un cafard pour rire au fond, un cafard pour les autres, une détresse de galerie. La plupart de ces paresseux cadavres trouvent dans le spleen le sceau de l'ange: on s'estampille d'art, c'est la coulure, ça a un certain cachet de se faire chier... Ils se trouvent artistes en bâillant, se targuent tels, se décochent la mâchoire en chefs-d’œuvre, ils roucoulent dans les illusoires muses vérolées que sont la Vanité du monde et l'Inintérêt pour tout ce qui existe. Quel aveu de jalousie totale ! Quelle crevure d'envie d'être passionné. Avoir la musique, voilà le péché qu'on ne vous pardonne pas. Si vous savez quoi faire de votre peau, je ne donne pas cher d'elle. Il faut s'emmerder dans la vie pour les autres ou périr sous leurs coups. »

Au régal des vermines, Marc-Edouard Nabe, 1985.
(Picture: Hans Holbein, 1538)

Jesus Loves August



AIDS side

A1 - A PLACE TO BURY STRANGERS - Dissolved
A2 - LESCOP - Tokyo, la nuit
A3 - CROCODILES - Picture my face
A4 - ZIG ZAGS - Scavenger
A5 - RIK L RIK - Teenage destiny
A6 - LUST FOR YOUTH - Solar flare
A7 - ACUTE LOGIC - Moroccan nights
A8 - YOUNG MICHELIN - Les copains

ACID side

B1 - STEVE SUMMERS - The sunrise in your eyes
B2 - FUNKINEVEN - Must move
B3 - LEGOWELT - Pussy groove
B4 - ORGUE ELECTRONIQUE - In aller welt
B5 - INNERGAZE - Relax
B6 - VIOLET TREMORS - Autosuggestion
B7 - DREXCIYA - Dead man's reef
B8 - THE HACKER - Night drive

« А за усилением незабываемой атмосферы мы обратились к очень авторитетному и талантливому французу Роду Гласиалу который любезно составил плейлист , как раз для таких вот открытых мероприятий... »

A playlist for Original Life Spotters