Fluoglacial - Tendances Négatives

Jules Dassin (1947-1955) : Le film NOIR a son patron


Pendant ses premières années de réalisateur, Jules Dassin, père de Joe, se spécialise, non pas dans les petits pains au chocolat, mais dans les romances tragiques, avec notamment comme fond la seconde guerre mondiale (NAZI AGENT, REUNION IN FRANCE). Attiré aussi par la comédie (YOUNG IDEAS, A LETTER FOR EVIE), c’est en 1946 que sa carrière prend un tournant avec TWO SMART PEOPLE. Il s’essaie pour la première fois au crime et au film de genre, ce qui le poussera la décennie suivante, à réaliser 5 classiques du film NOIR. Chassé des USA (il est communiste), il se réfugie en Europe dans les années 50 et notamment en Grèce, où il poursuivra tranquillement sa carrière, dans une optique plutôt différente…




BRUTE FORCE (1947) - Les Démons de la Liberté

East Coast, pénitencier de Westgate. Dans la tradition d'Alcatraz, la prison est située sur une île et est hyper surveillée, jusque là, personne n'a réussi à s'en échapper vivant. Ce n'est pas l'avis de Joe Collins (Burt Lancaster). Lui et tous ses potes de la cellule R-17 rêvent à leur évasion depuis un petit moment déjà. Leur volonté de mettre les voiles est appuyée par un changement qui va faire fracas dans l’établissement. Le sadique Capitaine Munsey, s'adonnant aux sévices morales et physiques sur les prisonniers, va bientôt prendre la place du vieux directeur, aidé par un licenciement en douceur. Haït unanimement par tous les détenus et même le personnel, cette décision pousse Joe à s'activer.



Un plan est vaguement établi. Ce sera demain à 12h15. Le portail de la prison étant sous forme de pont-levis, actionné d'un mirador, si la tour n'est pas prise, il n’y a aucun moyen de s'enfuir. Film noir oblige, le plan échouera et tous les occupants de la cellule R-17 périront, sans exception. L'aspect social et acide est présent du début à la fin, agrémenté de nombreux dialogues choc et de réflexions sur l’enfermement, l'autorité et la liberté. On ne s’ennuie pas une seconde, rares dans les films de cette époque. C'est un classique à 100%.




THE NAKED CITY (1948) - La Cité sans Voiles

NYC, fin des années 40. La trame commence idéalement. Le narrateur passe en revue toutes les couches de la société New-Yorkaise d’après guerre. Nuit et jour, actifs et voyous. Mi-film, mi-documentaire. Puis, on suit l'inspecteur Irlandais Dan Muldoon, qui enquête sur la mort suspecte d’une mannequin (Jean Dexter) retrouvée morte dans un hôtel de luxe sur la 52ème. L'intrigue est longue, on peine un peu à suivre, le film avait trop bien commencé. C'est surtout une bonne occasion de voir New-York de haut en bas, et d'est en ouest. Les poursuites dans le metro ou sur le Williamsburg Bridge valent le détour. Dassin dresse un large panorama de la cité, du travail répétitif et sans fin d'enquêteur, ainsi que du train-train quotidien des citoyens américains moyens (métro, boulot, dodo), qui ont été filmés en caméra cachée pour être le plus proche possible de la réalité. Une belle odyssée. (Le film sera à l’origine d’une série TV de qualité diffusée entre 1958 à 1963)




THIEVES’ HIGHWAY (1949) - Les Bas-fonds de Frisco

San Francisco. Nick Garcos (héros grec, comme la femme de Dassin) est un jeune homme fougueux et courageux, décidé à venger son père, rendu impotent à la suite d’un accident (provoqué) de tchamtar. Il suit le chemin du daron, au volant d'un camion, et longe toute la côte ouest pour livrer des pommes à Figlia, le truand italien (pléonasme?) responsable du drame. La logistique et les transports routiers de l’époque n’étaient pas aussi fiables que maintenant, à l’image du SALAIRE DE LA PEUR (sorti quelques années plus tard), la vétusté des machines et les nombreuses embûches vont rendre le parcours interminable. Son collège Ed n'arrivera d'ailleurs pas à bon port et brûlera dans la taule froissée.



Sur place, dans les docks sombres et poisseux de la Bay Area, Figlia essaiera de lui voler sa marchandise, ignorant à qui il a à faire et usant des charmes de Polly, une prostituée. Mais la furie se retournera vite contre lui. Bon, ce n'est pas le film le plus attractif de la période NOIRE de Dassin. On met d'ailleurs du temps avant de déceler le crime. C'est en réalité plus vicieux que ça. Dassin s'attarde à nouveau sur le sort des petites gens, à qui on ne fait jamais de cadeau, et prouve une fois de plus, qu’une fortune ne se constitue jamais les mains propres (partout où il y a de l'argent, il y a du crime).




NIGHT AND THE CITY (1950) – Les Forbans de la Nuit

Londres. Pas de baskets, ni de rock’n’roll. Dassin change de continent mais pas de genre. Harry Fabian (Richard Widmark) est un margoulin des faubourgs (oui c'est la traduction du hustler ici!). Son activité principale se résume à tromper son monde et inventer des affaires qui ne marchent jamais. Il travaille comme rabatteur pour le club privé "Le Renard d'Argent", dirigé par le gros Nosseross et sa vénale femme, Helen. Ce renard de East End a le nez fin. Un soir, après un combat de catch, il réussit à se mettre dans la poche le champion de lutte gréco-romaine Gregorius The Great, feintant comme lui son dégoût de ce sport spectacle qui renie la discipline originelle.



Les combats de catch de la ville sont organisés par le fils de Gregorius, Kristo, sorte de parrain du quartier. Harry décide donc de monter son entreprise en organisant strictement des combats de lutte (Avec le père du Parrain de son côté, il devient intouchable). Mais c'est le début des emmerdes. Magouilles, vols, pots de vin… Harry se met dedans jusqu'au cou. Il se retrouve en cavale sur les quais brumeux de la ville, suite au décès accidentel de Gregorius (qui n'a pas résisté à la spectaculaire prise de l'Ours !), dans un combat contre le terrifiant Strangler, que finalement personne ne verra. Un film fin, ingénieux, du cinéma de patron synonyme d'une époque. Sombre, "insensé" et tragique, comme une vie de voyou.




RIFIFI (1955) – Du Rififi chez les Hommes

Paris, Paris. Et ses gangsters des années 50 affublés de délicieux pseudonymes, qui déambulent à Pigalle. Ce dernier film de la série noire de Dassin, tiré du roman d’Auguste Le Comte (qui, plus tard, sera adapté de nombreuses fois au cinéma avec succès) est sûrement sa plus belle réussite. Tony le Stéphanois (Jean Servais, le mec le plus froid de la Terre) sort de 5 ans de zonze. A peine a-t-il retrouvé son ex-femme, Mado, pour l’humilier et lui faire culpabiliser de son infidélité (elle est désormais sous la joute de Grutter, puissant ponte des nuits parisiennes), qu’il se voit proposer le braquage d’une bijouterie de renom par Jo le Suédois, son ex-pote. Alliés à Mario (Robert Manuel), le spécialiste des alarmes, et César le Milanais (Jules Dassin pour la 1ère fois devant la caméra), expert en bijoux, ils préparent le casse du siècle.



Évidemment, noirance oblige, le coup pourtant bien maîtrisé va mal tourner, à cause d’une femme, évidemment. César le charmeur, a offert une bague d’un million à une des danseuses de Grutter, celui-ci le découvre le jour du casse et avec son flair de truand, fait directement le rapprochement entre les 4 gusses. S’en suit une course haletante contre la montre, avec Tony en point de mire, une femme mourante et un enfant pris en otage. Le final, une lente descente en voiture vers la mort le long des rues de Paris, est somptueux. L’apparition de Robert Hossein en homme de main, complètement camé, est surprenante. Des décors urbains, gris et froids. Un scénario parfait. Les années 50 en plein effet.

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Commentaires

1. Le vendredi 26 septembre 2008 à 04:05, par Gifle au gout public

Je trouve pas mon pyjama :/

2. Le dimanche 28 septembre 2008 à 23:39, par Masterkiller

C'est clair que ça bute, ils sont tous bons mais mon favoris restera Les forbans de la nuit, Widmark meilleur acteur des années 50 avec James Stewart.

Check aussi les films de Anthony Mann, Samuel Fuller et Robert Aldrich, grosses saveures noires et brutales comme la demo de Merauder.

3. Le lundi 29 septembre 2008 à 05:42, par Le Patron

Je connais pas du tout Mann, je vais essayer de choper Side Street et Raw Deal, les noms fleurent bon. Fuller, j'ai Pickup On South Street (avec Widmark) et Underworld USA sous la main. Aldrich, j'ai vu Les Douze Salopards (excellent). Il est plutôt branché film de guerre on dirait... Attack a l'air pas mal. Sinon, tout à fait d'accord pour Widmark. D'autres sombreries à venir...

4. Le lundi 29 septembre 2008 à 18:22, par Masterkiller

Aldrich c'est le film de genre dans son ensemble (noir, western, guerre ...), check Kiss Me Deadly, de loin son meilleur, et aussi Vera Cruz et El Perdido, westerns qualité technicolor, très bon.

Les premiers Mann sont bien street et violents oué, et l'esthètique est folle, ses westerns aussi sont haut de gamme comme la Winchester 73 de James Stewart. Vois-en le plus possible, il a presque fait que des bons films à 2-3 trucs passables près, la même chose pour Samuel Fuller.

Shock Corridor, Naked Kiss, 40 Guns, The Big Red One, ... de la lourdeur ballistique sur pellicule, sauvage et puissante comme on en fait plus, tu devrais kiffer.

5. Le lundi 29 septembre 2008 à 21:16, par Le Patron

C'est noté.

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