Fluoglacial - Tendances Négatives

LES MOIS D'AVRIL SONT MEURTRIERS (1987)



Mon père disait toujours que les gens du Nord donnent l'impression d'être froids, mais c'est pas vrai. On les croit froids mais c'est de la dignité. Et c'est cette dignité qui a disparu dans les années 60... Y'a plus d'idéal. Tout c'que j'peux faire dans la tristesse de cette vie sans toi ma p'tite fille, c'est faire ce que je crois juste, en dépit du mal. Mais c'est démodé. Les gens n'savent plus qu'aucune balle ne puisse faire souffrir autant qu'un amour perdu.


NOIR. Fred (Jean-Pierre Marielle) est un flic cynique et froid. Des années de métier derrière lui, une haine des institutions politico-médiatiques et un dégout des criminels l'ont fait stagné dans son commissariat du Nord. Récemment frappé par la vie, il fait toujours le deuil de sa fille poussée sous un autobus par sa mère, celle-ci devenue cinglée et internée. Il lui rend de brèves visite à l'asile, récoltant d'avilissant "Tes yeux puent la mort, regardez, ses yeux puent la mort".



T'es pas dans "Bienvenu chez les ch'tis" t'as compris. Mais plutôt bienvenue dans cet entrepôt où un indic préalablement tué au pistolet d'abattage s'est fait découper en morceaux et bouillir dans plusieurs marmites. Restent 4 sacs poubelle, volontairement laissés sur place, la tête est reconnue et l'enquête est lancée. L'intuition de Fred l'amène au 8ème étage, 2ème porte à droite. Gravier (Jean-Pierre Bisson) est un ancien militaire, sexuellement déviant, malsain, ayant déjà donné dans le meurtre artisanal et fraichement sorti du trou. Le bras de fer commence.



Fred est certain d'avoir mis la main sur le coupable. Une nouvelle circulaire de la police visant à éradiquer les réseaux terroristes lui donne le droit de pénétrer chez les suspects à n'importe quelle heure, sans frapper. Il met la pression sur Gravier, jour et nuit. Borné et Brutal. (Façon Michel Bouquet dans DEUX HOMMES DANS LA VILLE). Mais si Gravier est resté sur les lieux du crime c'est bien parce qu'il est plus malin qu'il en a l'air. L'affaire mouille du monde, et quand le mot ministre est laché, Fred laisse tomber. Vomissant ces magouilles.



Gravier, rattrapé par son cerveau malade ne s'arrêtera pas là. Tuant encore, par nécessité et par plaisir (Entendre un homme agonir est aussi bon qu'entendre une femme qui jouit). Et les rôles vont s'inverser. C'est maintenant Gravier, hors d'atteinte, qui hantera Fred. Allant jusqu'à profaner la tombe de sa fille d'un "Crève sale flic, comme ta pute de fille". Ne jamais énerver Jean-Pierre Marielle. Jamais. Duel final. Qui en sort grandi ? Personne.



Un film de patron, ni plus ni moins. On reconnait la touche agréable mais prétentieuse de Bertrand Tavernier (qui a co-écrit le script) avec ses flics cinéphiles, ses criminels qui lisent et ces témoins passionnés de musique. Malgré ça, l'accent poétique (la voix narrative de Fred) et la foisonnance de phrases chocs en fait un gros gros classique. Morose à mort. Spectateur d'une époque grise (Le rêve des gens n'est plus de faire des choses mais de passer à la télé), en froid avec la modernité (le design des bureaux de police, Marielle qui perd aux échecs sur son IBM...), où les crimes sont monnaie courante, et ne surprennent plus personne.



L'adaptation de la nouvelle de l'écrivain américain Robin Cook, par le réputé Laurent Heynemann, tient sa promesse. La musique de Philippe Sarde aussi, comme toujours. L'apparition de François Berléand est accessoire. Bisson est aussi inquiétant et dérangeant que dans MORT UN DIMANCHE DE PLUIE l'année d'avant. Marielle est parfait, comme d'hab. Toujours en noir, en retrait, se déplaçant tel un corbeau, l'ombre d'un flic résigné, sans raison de vivre, ni de mourir. GRIS.


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