Comme annoncé dans la chronique de l'Acte I, l'Acte II des CARNETS NOIRS pointe ce qu'il s'est passé dans la musique froide au niveau français et plus largement francophone ces 30 dernières années. Et comme dans le précédent volume, on peut regretter l'absence de discographie en fin d'ouvrage, qui aurait ainsi permis de mieux s'y retrouver et d'ajouter plus de groupes (sont principalement abordés ici les groupes ayant sorti un ou plusieurs albums). En tous cas, il y a largement de quoi faire parmi les multiples épopées et anecdotes qui ponctuent ces 350 pages. On ne progresse plus uniquement par famille musicale mais par cycle, plus ou moins en corrélation avec l'époque, et ça commence par...


LE ROCK TRANSFIGURÉ
Liaisons dangereuses entre punk et new wave





Il y a avant tout STINKY TOYS, formé en 1976, qui pratique un rock punk dépressif influencé par le VELVET UNDERGROUND. 2 albums pas terribles et JACNO s'échappe seul dans le col du succès. Son mini album publié en 1979 rend une musique électronique et simpliste accessible à tous. Il sortira 3 albums dans cette mouvance electro-pop avec l'ex-chanteuse de STINKY TOYS, Elli Medeiros. Entre temps, il produit beaucoup (le 1er l'album d'ÉTIENNE DAHO, l'album de MATHÉMATIQUES MODERNES), notamment pour les labels CELLULOÏD et DORIAN, où l'on peut croiser Maurice G. Dantec et son groupe ARTEFACT. Puis il sombrera dans la chanson française et la variété à la fin des 80's, comme tout le monde.

En Belgique, les pionniers s'appellent TELEX. Une sorte de parodie de KRAFTWERK crée en 1978. A la manière de SILICON TEENS en Angleterre, ils reprennent des hits rock mis à la sauce techno-pop. Ils sortiront 5 albums, plus commerciaux sur la fin, mais toujours dans un registre ironique, et collaboreront, en passant, avec les SPARKS.





Retour à P.A.R.I.S. pour la naissance de TAXI GIRL, l'enfant maudit de TALKING HEADS et JOY DIVISION. Leur chanteur Daniel Darc ne fait pas semblant et va jusqu'à se taillader les veines en concert. Signature chez EMI, tournée avec les STRANGLERS et on cherche le garçon. Leur unique album sort en 1982, synthétique et proche de VISAGE, quelques singles plus tard le groupe réduit à 2 se sépare. Darc entame une carrière solo en 1988 qui dure encore aujourd'hui, tandis que Mirwais produira pour Madonna à l'aube du 3ème millénaire.

KAS PRODUCT (en photo sur la couv du livre) est un duo mixte nancéen, et est un des plus beaux exemples de la touche froide française. Rock synthétique aliénant composé de Spatz aux synthés et de Mona Soyoc, la chanteuse de formation jazz à la somptueuse voix. Ils fourniront 4 albums de 1982 à 1988. Spatz travaillera plus tard avec Alain Bashung et Wim Wenders.

Le groupe qui aurait dû être cité en premier est évidemment MÉTAL URBAIN. Dans la place en 1975, 3 singles sortent jusqu'à des remaniements et un line-up fixe en 1981. "Les hommes morts sont dangereux" sort la même année, concentré de punk mécanique et malsain rythmé par une boite. Du jamais vu en France. Le quatuor disparait peu à peu au fil des années 80, laissant Éric Débris aux commandes de DR MIX & THE REMIX, groupe de reprises sans grand impact.





L'endroit clé de ce début 80's à Paris, c'est le studio WW, situé Quai de la Gare. Tous les nouveaux groupes punks s'y croisent, de LA SOURIS DÉGLINGUÉE à CHARLES DE GOAL... C'est Patrick Blain qui répond à ce pseudo, et qui est le seul membre réel de CDG. Après son expérience au sein de l'excellent groupe electro-punk C.O.M.A., il va balancer 4 albums de punk-rock noir et décalé de 1981 à 1986. A noter qu'il a aussi participé à LE disque gothique français, le maxi de DANSE MACABRE en 1983.

C'est aussi en 1981, sortie des fours WW que débute la carrière de WARUM JOE, excellente formation punk cynique. 6 albums dans les bacs de 1981 à 1993, évoluant d'un registre noir et industriel vers une veine plus new wave et accessible pour finalement revenir au synthétisme froid. Ils refuseront de participer à la mascarade du rock alternatif, et après 10 ans de silence reviendront avec un excellent album en 2003. Dernier fait marquant de l'écurie WW, AUSWEIS. Acte post-punk très inspiré de KILLING JOKE. Peu de productions à leur actif, 2 disques entre 1984 et 1986 puis le groupe ajoute un clavier et s'oriente vers un registre dub dès 1987.





La vague froide déferlera de Rennes. Dès 1978, le rock torturé de MARQUIS DE SADE s'élance sur plastique. EMI est emballé et "Dantzig twist" sort l'année d'après. Une référence. Le deuxième album sera fatal pour le groupe qui se sépare en 1981. Les uns vont former OCTOBRE, l'autre MARC SEBERG. MARC sera auteur de 4 albums sombres, monotones et sophistiquées jusqu'en 1991. OCTOBRE quant à eux, accoucheront d'un album funk-new-wave en 1983.

M.K.B. (MESSAGEROS KILLERS BOYS, MKB FRACTION PROVISOIRE) naît à Toulouse en 1980. Mené par l'écrivain/cinéaste dérangé François Ossang, le trio sort un 45 tours, un album puis un split avec LUCRATE MILK en 1984. À mi-chemin entre rock, avant-garde et musique industrielle. Instable quoi, tels ses films décrits comme du "Godard sous acide". Ossang s'exile au milieu des 80's, caprice d'artiste ? Retour du groupe en 1987 qui sort 4 albums jusqu'en 1993, plus cold-wave et retenus. Ils splittent l'année d'après.


Passage furtif en Belgique sur les traces du groupe hors-norme T.C. MATIC, où officie le chanteur alcoolique ARNO. Après des 70's rythm'n'blues, la formation se tourne vers un rock sombre et désabusé pour son album éponyme en 1981. 3 albums et une tournée avec SIMPLE MINDS plus tard, le groupe se sabote et le Gainsbourg belge se retrouvera seul sur les planches.





On repasse au studio WW pour parler vite fait d'OBERKAMPF, actif de 1978 à 1985, auteur de 2 albums passés de punk à new-wave. Puis de BERURIER NOIR formé la même année, et qui après des débuts très sombres avec leur célèbre boite à rythme passeront à la postérité après 1984 et lanceront le cirque alterno. Et enfin LES PORTE-MENTAUX, créé en 1979, qui eut du mal à percer malgré leur présence dans des films érotiques de l'époque, ah M6 ! C'est en 1986 que les portes de la gloire s'ouvriront pour leur punk-pop-rock, et leur claqueront finalement à la face après leur échec de 1989. Clôture du chapitre par le procès d'INDOCHINE pendant 6 pages...