Fluoglacial - Tendances Négatives

BLACK & NOIR : 1947-1949



1941. Le faucon maltais d'Humphrey Bogart va déployer ses ailes noires et créer un nouveau genre cinématographique pour la décennie à venir, influençant pour longtemps le grand écran. Nourri de littérature pulp, dans le prolongement des films de gangsters des années 30 et du réalisme français de Renoir ou Carné, on baptise ce courant hollywoodien d'un sobriquet français : FILM NOIR. Fritz Lang, Robert Siodmak, Billy Wilder, immigrés autrichiens et allemands, Howard Hawks, Orson Welles ou Alfred Hitchcock, vont tous contribuer à l'affirmation de ce style de métrage précis et cynique.

Royaume du mensonge, du parler dur et des intrigues complexes. Univers peuplé d'individus fatalistes, vicieux et corrompus, vêtus de longs impairs beiges. La rupture avec la romance et le mélodrame traditionnel est consumée. C'est une autre vision de l'après-guerre, décadente, perdue dans l'alcoolisme, l'adultère, le jeu et le crime. C'est aussi l'avènement de la femme fatale, vénale et machiavélique. Lauren Bacall, Veronica Lake, Rita Hayworth et Ava Gardner magnifieront ce rôle. Voici un passage en revue de 13 films marquants, réputés ou non, sortis dans la prolifique décennie 1945-1955.



OUT OF THE PAST (1947) Jacques Tourneur



Ça commence très fort. Après avoir tâté du zombie, Tourneur emploie deux des meilleurs tronches de l'époque pour son meilleur film. Robert Mitchum VS. Kirk Douglas. Le second, ressurgit dans le présent du premier. Anciens partenaires en crime, Sterling réengage Bailey pour retrouver sa femme, échappée à Acapulco. Évidemment, Jane Greer va séduire Bailey le tombeur, et ils vont tenter de s'enfuir ensemble, mais on ne fuck pas avec Kirk Douglas (My feelings? About ten years ago, I hid them somewhere and haven't been able to find them). Le vice de Jane Greer atteint les limites du raisonnable. Les dialogues sont d'une qualité incroyable. Ironiques, cyniques, sexistes et drôles, sortant de la bouche de Mitchum (accompagnée de la voix off inhérente au genre), ils prennent encore plus d'ampleur (You're like a leaf that the wind blows from one gutter to another). Filmé au Mexique, Nevada, Californie et NY. Si tu ne devais en voir qu'un...


RAW DEAL (1948) Anthony Mann



Case prison. Rick doit du dollar à Joe, un voyou sans pitié enfermé à sa place. Il organise donc son évasion en espérant qu'il se fasse descendre, ainsi, plus de dette débitable. VICE. Seulement Dennis O'Keefe pas trop. Non seulement il réussit à sortir du bordel mais en plus, s'engage dans un road trip mouvementé, avec sa femme collante, et son avocate désirable. Destination : le plus loin possible. Pas banal comme scénario. Il y a une scène géniale où, cachés chez un vieil ami de Joe, au milieu d'une forêt, un autre truand débarque dans la nuit pour se planquer, suivi par une armée de flics. Confusion totale. Tiraillé entre les 2 femmes, jusqu'à la dernière minute du film, il règlera ses comptes avec Raymond Burr comme prévu, au rendez-vous fixé avant l'évasion. Mais sait-il ce qu'il l'attend ? Une bonne affaire pour Monsieur Mann.


THE STREET WITH NO NAME (1948) William Keighley



Deuxième film de Richard Widmark, après son rôle diabolique dans le KISS OF DEATH d'Hathaway où il pousse une mémé en fauteuil du haut des escaliers ! Il joue ici un criminel plus stable mais tout aussi tyrannique. Son règne n'a que trop longtemps duré. Mark Stevens, un flic sous couverture, va pénétrer son gang pour tenter de le prendre en flag. Leur coutume est de faire coffrer chaque nouveau membre de la bande pour vérifier son casier. Alec Stiles est ensuite sûr de pouvoir compter sur lui. Après avoir côtoyé salle de boxe et salle de jeu, Manly assiste à la préparation d'un nouveau casse, tout en tenant informé un collègue installé dans un hotel miteux en face du sien. Manly va découvrir qu'Alec possède un mouchard haut placé dans la police et son entreprise va devenir très périlleuse. Entre gangster et noir, un suspense haletant pour un film policier précurseur. La rue. La nuit. Top.


ACT OF VIOLENCE (1948) Fred Zinneman



Changement de registre pour un thriller qui aurait très bien pu s'appeler PURE VENGEANCE, BACK FROM HELL, ou un million d'autres possibilités de ce type (par le réalisateur du CHACAL). La seconde guerre mondiale a laissé des séquelles. Joe Parkson est un ancien prisonnier des nazis et tombe sur la photo de son compatriote Frank Enley dans un journal. Van Heflin a réussi et mène une vie paisible au sein de sa communauté californienne. Seulement ce que ni les gens ni sa femme ne savent, c'est qu'il n'a pas hésité à trahir les siens pour se sauver des griffe allemandes. Robert Ryan est le seul survivant, boiteux, et tient bien se rembourser en nature pour le devoir de mémoire. Un homme terrorisé, qui va toucher le bas-fond et s'acoquiner avec des gangsters de bas-étage, face à un ennemi vengeur et déterminé. Une traque qui ne peut s'achever que de manière irréversible. Un film qui ne plaisante pas.


THE SET-UP (1949) Robert Wise



Robert Ryan la tête de mule, passe ici du côté de la victime dans un intelligent film de boxe. Stoker est un vieux boxer risible qui n'intéresse plus personne. Sa meuf qui ne supporte plus sa gueule amochée a décidé de ne pas se rendre à son combat ce soir, et d'aller plutôt trainer sur le boulevard, l'âme en peine. Pendant ce temps, on suit le petit monde de la boxe et l'enchainement d'une nuit au gymnase vue du vestiaire. Les jeunes fauves, les vieux briscards, les réalistes et les idéalistes. Un portrait authentique et drôle. Dernier combat de la soirée. Stoker surprend tout le monde, solide jusqu'au 3ème round, et voyant l'absence de sa moitié dans la tribune, il met KO son adversaire 10 ans plus jeune, frôlant l'épuisement. Mais la joie est de courte durée, le caïd du coin a truqué le match et Stoker ne s'étant pas couché, il va devoir s'en expliquer. Justice du milieu impitoyable et drame sportif sans précédent. Un classique signé Robert Street-Wise.


WHITE HEAT (1949) Raoul Walsh



Rencontre de deux géants. Raoul Walsh dit le borgne, pionnier du cinéma américain, et James Cagney dit le teigneux, le plus authentique gangster que le cinoche ait connu. Tout commence par une attaque de train façon western. Cody Jarrett, gang leader psychopathe, est envoyé au trou. Pour attraper ses complices, un jeune flic sous l'identité de Vic Pardo doit ingénieusement se travestir en pote de cellule. Et tout va aller très vite. Inquiet pour sa mère, qui est tout pour lui (comme Ma et Joe Dalton), Cody va accélérer les choses et sortir tout seul. Vic désormais membre de la bande va difficilement garder le contact avec ses collègues, fabriquant toutefois un capteur radio à l'aide d'un vieux transistor (McGyver n'a rien inventé). Cody doit surveiller sa santé (crises de haine), sa femme volage qui flirte avec son bras droit et le prochain hold-up en prévision. Et rassurez-vous, tous les traitres seront démasqués. La prestation diabolique et violente de Cagney est un plaisir pour les yeux et les oreilles. La fin du film est atomique, à tous les degrés. Une jouissive démonstration de force.


THE THIRD MAN (1949) Carol Reed



Après les bas-fonds de Frisco, LA, Chicago ou NY, le film noir nous entraine sur les pavés glissants européens. Carol Reed se rend à Vienne après avoir exploré l'Irlande dans son autre classique, ODD MAN OUT. C'est tellement riche que je vais tenter de faire court. 1945, la ville est coupée en 4 comme Berlin. Soviétiques, Américains, Britanniques et Français se partagent le gâteau. Holly Martins, écrivain US de polars en vogue, s'y rend pour voir un ami. Pas de bol, Harry Lime vient de se faire tuer par une voiture. Holly va se substituer au héros de ses livres pour mener lui-même l'enquête sur ce louche accident. Avec Anna, l'ex-compagne d'Harry, mêlée à une sombre affaire de faux papiers, et un soutien ambigu du Sergent britannique Paine, il va lui aussi jouer avec sa vie et découvrir que Harry a organisé sa mort pour agir en souterrain et continuer son marché noir de morphine. Orson Welles performe et ce long final dans les égouts viennois est un délice. Ambiance mystérieuse, nuits sombres et scénario savant. Sisi peut sucer ça. Une démonstration de finesse.

LA SUITE : 1950-1955

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Commentaires

1. Le mercredi 6 janvier 2010 à 13:01, par Marco

Yo Rod! j'adore ton blog, je fanatise depuis les débuts (j'ai même les derniers numéros de Hey You!!) super chronique de film comme d'hab, mais j'arrive pas à les putain de trouver en streaming sur le net. Tu aurais un plan stp??

2. Le mercredi 6 janvier 2010 à 14:06, par Le Patron


Sur PirateBay, c'est tous les jours les soldes !

3. Le jeudi 7 janvier 2010 à 20:07, par Marco

Merci Patron!!! Je vais enfin pouvoir rêver devant des blockbuster
hollywoodiens au propos subversif engagé contre le sida et
l'incompréhension entre les peuples!

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