Fluoglacial - Tendances Négatives

Maître/Esclave



LE VAINQUEUR A TOUJOURS RAISON

"Le monde d'aujourd'hui ne peut plus être, apparemment, qu'un monde de maîtres et d'esclaves parce que les idéologies contemporaines, celles qui modifient la face du monde, ont appris de Hegel à penser l'histoire en fonction de la dialectique maîtrise et servitude. Si, sous le ciel désert, au premier matin du monde, il n'y a qu'un maître et un esclave; si même, du dieu transcendant aux hommes, il n'y a qu'un lien de maître à esclave, il ne peut y avoir d'autre loi au monde que celle de la force. Seuls un dieu, ou un principe au-dessus du maître et de l'esclave, pouvaient s'interposer jusque-là et faire que l'histoire des hommes ne se résume pas seulement à l'histoire de leurs victoires ou de leurs défaites. L'effort de Hegel, puis des hégéliens, a été au contraire de détruire de plus en plus toute transcendance et toute nostalgie de la transcendance. Bien qu'il y ait infiniment plus chez Hegel que chez les hégéliens de gauche qui, finalement, ont triomphé de lui, il fournit cependant au niveau de la dialectique du maître et de l'esclave, la justification définitive de l'esprit de puissance au XXe siècle. Le vainqueur a toujours raison, c'est là une des leçons que l'on peut tirer du plus grand système allemand du XIXe siècle."


LA SOLITUDE C'EST LE POUVOIR

"Il n'y a pas de pensée absolument nihiliste sinon, peut-être, dans le suicide, pas plus qu'il n'y a de matérialisme absolu. La destruction de l'homme affirme encore l'homme. La terreur et les camps de concentration sont les moyens extrêmes que l'homme utilise pour échapper à la solitude. La soif d'unité doit se réaliser, même dans la fosse commune. S'ils tuent des hommes, c'est qu'ils refusent la condition mortelle et veulent l'immortalité pour tous. Ils se tuent alors d'une certaine manière. Mais ils prouvent en même temps qu'ils ne peuvent se passer de l'homme; ils assouvissent une affreuse faim de fraternité. "La créature doit avoir une joie et, quand elle n'a pas de joie, il lui faut une créature." Ceux qui refusent la souffrance d'être et de mourir veulent alors dominer. "La solitude, c'est le pouvoir", dit Sade. Le pouvoir, aujourd'hui, pour des milliers de solitaires, parce qu'il signifie la souffrance de l'autre, avoue le besoin de l'autre. La terreur est l'hommage que les haineux solitaires finissent par rendre à la fraternité des hommes."

L'homme révolté, Albert Camus, 1951. (Picture: Cobra Verde, 1987)

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