Fluoglacial - Tendances Négatives

Snob?



Telle est la force de l'étiquette - celle que nous a donné la naissance, celle que nous infligent les vivants, pas celle que nous souhaitons dans le secret de notre âme. Que les bourgeois aient horreur d'être appelés bourgeois, les aristocrates aristocrates, les facteurs facteurs, les flics flics, les juifs juifs - je l'ai déjà dit et ne veux pas dresser de nouveau une liste trop longue. Toujours est-il qu'un jour, gênés d'être ce que nous sommes, nous brûlons d'être ce que nous ne sommes pas. Et c'est là sans doute la caractéristique la plus frappante du snobisme - s'efforcer par tous les moyens d'échapper à son milieu.

Snobissimo, Pierre Daninos, 1964.


LA DOCTRINE TUE LE DANDY

" ...mais est-que la politique tue le snob? Le snob est certainement politique dans son comportement mais cela ne veut pas dire qu'il cherche le pouvoir, ce qui l'amuse c'est l'influence. Ce qui le griserait c'est de donner l'impression du pouvoir, mais sans aucune preuve vivante. Etre puissant mais ne jamais devoir s'exécuter. [...] Ce qui fait une si mauvaise réputation au snob, c'est son isolationnisme fondamental, son égotisme, son égoïsme et aussi une attitude d'admiration des grands qui vient d'un sentiment plus bas que nature. A cet égard, nul n'a encore compris depuis Machiavel ou le petit Mazarin que l'ambition vraie c'est d'être le second, encore le second, toujours le second d'un premier qui n'existe pas. [...] Au contraire de cela, le snob n'admire pas pour s'élever en permanence, il admire pour mieux écraser ceux qui n'ont pas droit à son admiration. On ne regarde jamais assez les pieds des snobs, ils ont une forme particulière à force d'avoir piétiné la tête des autres. On pourrait croire là à un geste de violence, en fait c'est une expression de rage. La devise d'échec du snob est celle que lui a donnée Proust: "Assez de force pour désirer, pas assez pour vouloir." Voilà pourquoi, mesurant ses impossibilités, le snob va préférer au pouvoir, les apparences du pouvoir. " (Gonzague Saint-Bris)


LE COMPLEXE DE CRILLON

" Ce que je proposerai de baptiser "complexe de Crillon" peut être approximativement défini comme le besoin de participer ou tout au moins d'assister à la création de l'Histoire. Cela pourrait apparaître à première vue comme une particularité propre à un petit nombre d'ambitieux et d'envieux, mais je crois que ce besoin est plus profond qu'il ne semble, et qu'il affecte à divers degrés beaucoup de gens. [...] L'envers de ce désir est la crainte de "rater quelque chose" de ne pas exploiter pleinement l'occasion, la volonté d'être un contemporain, un témoin de son temps. Le complexe de Crillon produit une variété assez touchante de snobs sociaux: les Indiscrets de l'Histoire, obsédés par le désir "d'y avoir été", et de connaître les gens importants qui, dans un domaine ou dans un autre influent sur les destinées de leur temps. [...] La vie mondaine est pénétrée par le complexe de Crillon, et la façon dont nous choisissons nos relations en est fortement influencée. Nous avons une préférence pour les êtres ayant accompli quelque chose qui, si éloignée soit-elle de nos propres occupations, fait d'eux des personnages qui semblent avoir laissé une trace sur notre époque. [...] La valeur des êtres sur le marché mondain est déterminée non pas ce qu'ils sont, mais par ce qu'ils représentent. Être soi-même ne suffit pas; il faut être quelqu'un. " (Arthur Koestler)


STYLE N'EST PAS MODE

" Les mass-media généralisent le snobisme, donc nivellent vers le "haut" la société. Certes, les snobs volubiles, débitant en "hexagonal" l'actualité devenue lieu commun, sont fastidieux! Mais en quoi l'homme cultivé ou érudit - prêchant, citant, répétant les vestiges révolus du passé - serait-il supérieur? Il y a une crise de civilisation (phrase snob, pourtant vraie), la jeunesse penche vers le nouveau. L'humanité restructurée à partir de la génétique, nuance, diversifie ses individus: ceux qui donnent et ceux qui reçoivent ou prennent, ceux qui proposent ou ceux qui acceptent ou disposent, ceux qui créent et ceux qui exécutent, puis consomment. Le type par excellence du snob n'invente rien, ne crée rien. Il mime, répète, colporte les trouvailles d'autrui. Ce n'est pas sa propre dialectique, mais la nouvelle vague de mode qui changera son vocabulaire. Il a toutefois sa place dans la "méritologie" terme cent pour cent snob. Mon langage plastique, fruit de recherche, d'invention et de création - en un mot: mon œuvre - est style et non pas mode, par conséquent échappe au snobisme. Par contre la traduction de l'œuvre en théorie, son interprétation discursive - par moi ou par d'autres - n'échappera pas à l'emprise du snobisme. " (Victor Vasarely)

Qui est snob?, Gonzague Saint-Bris, 1973.
(Illustration: Victor Vasarely, 1956)

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