Fluoglacial - Tendances Négatives

Il ne se passe plus rien...



« Jadis, s'aventurer c'était partir. Aujourd'hui aussi, moins pour changer le lieu que pour changer notre rapport au lieu; partir parce qu'il faut s'extrader, pour percevoir toute l'incohérente richesse de la cité et se désœuvrer pour ressentir la perte de son territoire. Seuls habitent réellement les villes les étrangers et les sans-attaches à qui leur état d'expatriement évite le confort lénifiant de l'intériorité et du repli (ainsi, nul n'a mieux parlé de Paris que les écrivains américains exilés en Europe entre les deux guerres). La ville a ceci de fascinant que la seule manière d'y être c'est de ne pas en faire partie. Tous ces imbéciles qui vous confient dans un aveu gluant: "Il ne se passe plus rien, les rapports sont "vachement inauthentiques", c'est tout manipulé, etc.", crachats nauséabonds qui marquent l'impuissance de ceux qui les énoncent à se déterrer de leurs habitudes, leur confiance excessive dans les vertus de l’œil, du spectaculaire parce qu'une ville où il se passe quelque chose cela sous-entend toujours cet endroit suprêmement chic où l'on voit les films en exclusivité et qui rassemble la plus forte concentration de spectacles, d'émeutes, de perversions, de théâtres, de restaurants, alors que le moindre trou de province est un réseau inépuisable d'intrigues, un champ brûlant de mille anecdotes, et qu'il est lâche d'imputer à un lieu mon infortune présente quand c'est mon propre rapport à lui qui demande de toute évidence à être modifié par un départ, un déménagement, un suicide, n'importe. »

Au coin de la rue, l'aventure, Pascal Bruckner & Alain Finkielkraut, 1979.
(Picture: L'Uomo In Piu, 2001)

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Commentaires

1. Le mercredi 4 juillet 2012 à 19:38, par Nom ou pseudo :

C'est ghetto !

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