Fluoglacial - Tendances Négatives

Le swing des choses



« Et il paraît qu'il y en a qui s'emmerdent dans l'existence ! Qui se spleenifient!... J'ai vu tellement d'ennuyeux ennuyés qui se servaient de Baudelaire pour excuser leurs immenses trous d'air!... L'ennui est un effilochement psychique filandreux. Je suis l'antispleenétique typique. Je ne m'ennuie jamais parce que rien ne me paraît vide de sens. Tout mérite qu'on le haïsse et nous méritons de souffrir de tout. Le Grand Théâtre n'est jamais fermé. On peut y chialer encore. J'aime détester cette ignominie.

Jamais de ma vie je ne me suis ennuyé une seule seconde. Je ne me laisse pas souffler ainsi mon rôle. J'exècre à mort tous les radasseurs, les endivannés de l'Ennui. Ces feignasses vidées, fiers paons déchirés, oisifs éventails troués arborant un spleen du dimanche, un cafard pour rire au fond, un cafard pour les autres, une détresse de galerie. La plupart de ces paresseux cadavres trouvent dans le spleen le sceau de l'ange: on s'estampille d'art, c'est la coulure, ça a un certain cachet de se faire chier... Ils se trouvent artistes en bâillant, se targuent tels, se décochent la mâchoire en chefs-d’œuvre, ils roucoulent dans les illusoires muses vérolées que sont la Vanité du monde et l'Inintérêt pour tout ce qui existe. Quel aveu de jalousie totale ! Quelle crevure d'envie d'être passionné. Avoir la musique, voilà le péché qu'on ne vous pardonne pas. Si vous savez quoi faire de votre peau, je ne donne pas cher d'elle. Il faut s'emmerder dans la vie pour les autres ou périr sous leurs coups. »

Au régal des vermines, Marc-Edouard Nabe, 1985.
(Picture: Hans Holbein, 1538)

Trackbacks

Aucun trackback.

Les trackbacks pour ce billet sont fermés.

Commentaires

1. Le vendredi 17 août 2012 à 06:26, par Fritz the cat

Un killer ce Nabe. Pour moi, un des plus grands écrivains du moment car s'il y avait plus de mecs comme lui, nous ne croupirions pas lamentablement dans ce boboisme ambiant qui s'éternise encore et toujours. Le boboisme bien pensant enfonceur de portes ouvertes, ces Don Quichotte modernes qui sont les seuls et uniques responsables du déclin du monde ! La lie de notre société actuelle...

2. Le vendredi 17 août 2012 à 14:02, par DIMITRI

« De ses conquêtes, ou plus exactement de ses erreurs, puis de ses chutes, l’homme n’a retiré que des plaisirs qui paraissaient suprêmement excitants au début et qui n’étaient en fait que du poison, de la boue et du toc. Pour ce toc, cette boue et ce poison, pourtant, l’homme, la femme avaient délaissé, avaient profané, à travers leurs rêves et leurs corps dévastés, la joie intérieure, la vraie joie, le grand soleil de la vraie joie. Les bouffées de plaisir des possessions – matière ou chair – devaient, tôt ou tard, s’évanouir parce qu’illusoires, viciées dès le début, vicieuses de plus en plus. Il n’est resté au coeur des vainqueurs passagers de ces enchères stériles que la passion de prendre, de prendre vite, des bouffées de colère qui les dressent contre tous les obstacles et de fades odeurs de déchéance collées à leurs vies saccagées et pourries. Vains, vidés, les mains ballantes, ils ne voient même pas arriver l’instant où l’oeuvre factice de leur temps s’effondrera. »

Les âmes qui brûlent, 1964, du grand Léon, dont j'imagine l'enfant Nabe un admirateur et que j'espère relire parfois ici, si l'honnêteté s'allie au courage.

Ajouter un commentaire

Les commentaires pour ce billet sont fermés.