Fluoglacial - Tendances Négatives

THE HUNGER (1983)


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Education Francaise ?



On n'a jamais autant lu et entendu cette putain d'expression de "jeunes gens modernes" depuis cet été et le soi-disant renouveau de la scène française (couplé au documentaire d'Entrisme qui porte le même nom pour brouiller les pistes). Lescop fait la couverture partout, les gens redécouvrent La Femme, des collectifs portent le nom de "Nouvelle New Wave", la fièvre touche même Nice ou Biarritz, et ce malgré la grosse panne d'inspiration ambiante. Il n'y a plus aucune frontière entre 'underground' et mainstream, tout est pop. La preuve avec cette compilation qui sortira chez Sony le 5 novembre prochain, son titre: "Éducation Française". Un réel plaisir de découvrir les nouvelles têtes chantantes de notre beau pays, et tous ces clips conceptuels au filtre jauni. Merci, vous nous avez bien fait marrer ! (avec la participation de The Kid Alone)

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Burn Voguing Burn !


DES JEUNES GENS MÖDERNES (2011)



Vous savez que l'entrisme fut une stratégie des trotskistes pour infiltrer et noyauter d'autres organisations (aux idées proches ou pas). Mais est-ce que vous saviez que ENTRISME fut un magazine créé pour infiltrer le "spectre culturel" et devenir leader d'opinion (de qui? de quoi?). Ceux qui ont eu le loisir de tenir un des 6 numéros (plus le numéro zéro) entre leurs mains ont pu s'imprégner des saveurs de la revue "mutante, générationnelle et transversale" et de leurs accroches "game-by-punk" à faire jalouser VICE, qui furent d'ailleurs très bien relayées par Libération ou Les Inrocks, normal. Présente partout où il fallait être (Palais de Tokyo, Colette, Agnès B, nightclubs, galeries, etc) sur le maximum de champs artistiques possibles (musique, photo, art, etc), la "communauté de l'instant" avait compris que la règle de survie en milieu hipster était clairement: "communiquer pour réussir". En guise de testament, les "entristes", génies du marketing DIY, appuyés par le réalisateur rock Jérôme de Missolz (Race d'Ep, Furie Rock, You'll never walk alone) et d'un budget de 700 000€ ont conçu leur propre film documentaire assurant pleinement leur postérité.



Le film aurait pu être nommé plus originalement, mais bon. Dans ce doc, la bande des 4 d'Entrisme, qui ne revendiquait pourtant aucun passéisme ou aucune nostalgie, part à la rencontre d'Yves Adrien (rebaptisé 69-X-69), le poète pote de Pacadis qui roulait sa bosse dans les années Palace (toujours le même refrain). L'association des jeunes gens mödernes et du vieux mec növo devait fatalement arriver. Quand on lit son livre "Növovision" sorti en 1980, on retrouve les mêmes techniques de slogans publicitaires qui sortent de la bouche des intervenants de ce document. Le critique rock transformé en poète mou nous abreuve de sa pataphysique dans de longs monologues fatigants, et les hommes-médias n'ont rien à ajouter ni échanger, évidemment. Le passé ressurgit encore par deux fois, Edwige Belmore (la reine des punks) massacre Brel et Lio verse sa larme sur le bord d'un lit. Le dandy à la rencontre du trash et l'idolisme surpasse vite le clash (qui consiste simplement à jouer au plus arrogant). C'est le superficialisme assumé dans toute sa laideur, comme les tatouages ratés dont la bande s'orne pour se convaincre de sa subversion. D'apparts en apparts, de conversations facebook en soirées Adrien, de New York au Japon (merci le mécénat), la classe créative tente d'analyser son époque sous fond de montage bordel-geek appuyé par tous leurs groupes fétiches (the death set, crystal castles, fuck buttons, poni hoax, this is pop), qui a dit le pire de la décennie ?



Nous sommes en 2012, Entrisme a cessé d'exister depuis la sortie du film et sa présentation au festival de Cannes 2011. Même si le souhait d'être "diffusé dans tous les Leclerc de France" comme fantasmait un des membres ne s'est pas réalisé, ils ont réussi leur pari. Faire parler d'eux. Et ouais, nous sommes maintenant dans l'ère où la visibilité est devenue la seule velléité des protagonistes de cette putain de "sphère culturelle"...

Nabe avait déjà prévu la rencontre des deux mondes, 30 ans avant la sortie du film, en 1984... le voilà le futur d'avant !

« Vous qui entrez, laissez toute élégance ! Voici l'escouade des jeunes gens modernes. Tous le même regard. Ne cherchez pas d'innocence sur leurs visages. Les filles de treize ans ressemblent aux putes de dix-huit. [...] Pour elles, avoir de la classe c'est être vulgaire. On a l'impression d'être toujours au bordel dans la rue.
C'est la génération des magazines. Tout ce qu'il y a de nouveau est beau. L'Histoire commence à partir d'eux. C'est la haine de la continuité. La haine des autres.
C'est l'extravagant cortège hargneux des New-Larves. Ils se rendent vite dans un hangar pour y dégorger leurs énormes manques. C'est la brutalité de la mièvrerie viandée, du fade imberbe, imbu, de la plus effarante singerie de vieilles modes de tous les temps. Nous voici absolument en pleine anthologie de modes. C'est fantastique! On change de mode comme de chemise. Nous en sommes aux ablettes bordées de nouilles qui vont poser leurs pêches aux Ex-Bains ou dans un quelque autre Hall de Gare aux couleurs électriques. [...]
Se faire pédé maintenant est une véritable mode: peut-être la plus tenace de nos années. [...] Les jeunes se font pédés par goût de la minorité d'abord et par mimétisme bêta ensuite, comme des phasmes qui se montent pour faire comme les autres. Pas le quart des pédés d'aujourd'hui est pédé, maladivement pédé, incurable à vomir, tendancieux du berceau... Que les mères se rassurent: dans cinq-six ans leur bambin refermera son paquet de pâtes, il fondera - graphiste ou attaché de presse - une famille normale. Beaucoup d'Undergrounds jointés des années soixante-dix s'en sont très bien sortis, pourquoi pas les tantouzes d'occase ? La folle jeunesse fait son temps: il faut qu'enculage se passe. »

Je hais les (jeunes) filles.


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Radio Londres



Dans la suite de la série commencée avec Berlin sur "Les capitales d'Europe plébiscitées par les jeunes", voici le second abécédaire (la Swiss Life étant hors-sujet), cette fois-ci sur Londres.

ANARCHY: Non, il n'y a plus de punks à Londres. Ils sont devenus banquiers ou branchés.

BREWER ST.: La rue gay pénètre de part en part la Chinatown londonienne, ce qui peut donner d'étranges hybrides à l'image de l'architecture sans queue ni tête de cette ville.

CAMDEN TOWN: Le premier empire de la consommation de masse. Nourritures, gadgets, chaussures, fripes, souvenirs, fish & feet, and so on.

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I was a dickhead before it became so mainstream !

Guerrier du Rêve, Jean-Paul Bourre, 2003.



"Le scoutisme fut vite oublié, dépassé par la rapidité d'enchaînement des évènements. Je tourne les pages du magazine Paris Match, assis sur le canapé du salon. Dans le bouillon de l'actualité certains signes surnagent, flammes vives, comme des signaux d'urgence. La mort de James Dean, les concerts tumultueux d'Elvis, le phénomène social des "blousons noirs", chez nous, en France. Il y avait là une nourriture émotionnelle très forte, un amplificateur de sensations. Basculer ou ne pas basculer dans cette fosse aux serpents ?"

Années 50. Jean-Paul Bourre, alors adolescent dans la mystique commune d'Issoire en Auvergne, bascule pleinement dans la fosse aux serpents du rock'n'roll. Elvis De Lautréamont, Comte de Presley, la poésie rock s'enfourne dans les tripes du petit Jean-Paul qui rêve d'aventure et de westerns. En attendant la révolution, il rencontre les durs du bassin minier, commence à palper la carcasse des motocyclettes et puis celle des filles, avec un succès mesuré !

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NABE, ROMAN.



28ème livre, concret comme cette couverture sans bavure. Je ne présente pas NABE (alias Alain Zanini) ni son derniers bras d'honneur aux éditeurs. Vous l'avez déjà vu ici. Rentrons directement dans la substance de ce livre expérimental. L'HOMME QUI ARRÊTA D'ÉCRIRE ou comment résumer l'aventure de 5 années en une semaine (l'aventure est même dans l'achat du livre). De lundi à dimanche, une sorte de recréation façon Dante ou de loge en loge, on aimerait encore plus plonger tous ces adulateurs dans un fleuve de merde. La comparaison au génie italien n'est pas fortuite, Jean-Phi le fameux bloggeur, qui aiguillera Marc-Édouard dans la nouvelle vie mondaine des années 2000, prend comme pseudo sur la toile le blase de Virgile. À travers la géographie de Paris capitale, les 700 pages chaudes et fulgurantes nous font revivre l'histoire des années 2000, notre histoire, avec le panache de celui pour qui tout est fini, et pour qui tout recommence...

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Blogolocauste

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À la manière de Patrick Sébastien, et pour le Droit Au Respect et à la Dignité, une imitation des sites préférés de les jeunes pour se mettre bien en écoutant les derniers albums encensés par Pitchfork.

VICE MAGAZINE : Quand on a reçu le nouvel album de M.I.A. on s'est demandé si le courrier n'avait pas été égaré par une pipe de facteur vers l'année 2006. En fait non. Meilleure pochette quand même. Comme je n'ai pas écouté le disque et que j'ai pas le swag actuellement nécessaire pour composer une phrase avec 6 verbes conjugués + une référence à un écrivain de droite, je dirais juste que Maya en 2010 c'est très fraggle. Gavé d'effets, gavé de guitares, gavé de gestuelle lo-fi, c'est presque un disque conçu pour toute une génération de gros bébés de 30 ans fantasmant la chillwave exotique des années Nova. C'est juste pété.

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SNATCH: Le charlatanisme culturel



Le sommaire de ce nouveau magazine Snatch m'avait alléché. Ça faisait un bail que je n'avais pas acheté de papier glacé, et bien ça m'apprendra. Je passe les premières pages actu/buzz/like/dislike qui n'intéressent personne pour foncer vers le racolage actif. Ça va enchainer dur, tenez vous bien. Christina Aguilera VS. Lady Gaga + L'Air du Front (National), j'aimerais d'ailleurs comprendre pourquoi tous les hipsters se sentent obligés de parler fun du FN depuis que Le Pen a pris sa retraite, ça ramène des points crédibilité ou quoi ? Ensuite, l'article inévitable sur Romain Gavras et son clip de M.I.A. (il prépare d'ailleurs un long-métrage métaphorique sur la persécution des roux, ça ne finira jamais...). Puis, un point sur la tendance vulgaire des statuts Facebook et Twitter, important de le signaler en effet. Rapport champagne du Printemps de Bourges et fantasme de Cyberguerre précèdent un paragraphe risible sur Clint Eastwood (dont le nom est quand même au sommaire de la une).



Le gros du mag est un entretien avec Kim Chapiron qui parle de son nouveau film Dog Pound, un SCUM à l'américaine. Un peu plus de consistance (la plupart des rédacteurs, au combien nombreux, semblent étudier à Sciences-Po...) dans la seconde partie (qui relève moins de la transposition d'Internet sur papier que le reste). L'autre face du rap avec Alkpote, Alpha 5.20, Seth Gueko qui en lâche des bonnes comme d'hab (c'est pas ma bite qui est dans mon cerveau mais mon cerveau qui est dans ma bite...), Roi Heenok et double-page avec Morsay pour finir. Voilà. Ensuite ça va aller vite, Jamie Lidell on s'en tape, CocoRosie on s'en tape, le film sur The Doors on s'en tape. La tecktonik est-elle morte ? C'est vrai ça. C'est amusant comme des freluquets de 20-25 ans parlent des années 2005-2006 comme de l'avant guerre. "Des reliquats d'une autre époque". Et my balls on your commode ? Bref, vous verrez combien Treaxy possède de chaussures et comment les choses se passent aux Vertifight.



Je crois qu'on atteint le sommet de médiocrité avec cette chose: Une journée sous le Niqab de la rue au sex-shop. L'apothéose. Volez le mag dans votre kiosque pour mieux comprendre. L'interview société met Robert Super Hue à l'honneur. Je suis communiste. Mais je suis communiste autrement. Ben tiens. Parfaite transition pour l'autre dossier: Plongée en territoire skinhead. On y apprend que les skins sont des mods et que Evil Skinner était un fameux groupuscule de la capitale. Coup de langue furtif de Vincent ex-JNR et focus sur Shadow et les Black Dragons (tu sais même pas sur quoi tu frappes mais t'es content quand t'as tapé. [...] Et puis un jour tu réalises pourquoi tu le fais. Contre l'injustice, contre le racisme.) pour terminer de toute beauté avec l'interview de Daphnée, skingirl, dont le féminisme se traduit par la baston contre les mâles et sa skinitude à son polo Fred Perry et sa coupe 3mm, pour pas qu'on lui reproche de ne pas assumer son trip. Bon, ce dossier aurait pu être pire, relativisons.



Ça parle de Boogie ensuite, le photographe serbe de la dépravation. Ça me fait penser que son "It's all good" n'est toujours pas dans mes mains. Rokhaya Diallo, la militante qui refuse le "black" enchaine, en fantasmant sur le système américain qui persécute les médias intolérants... On termine comme on a commencé, par des articles bidons Humeurs & opinions (où l'on apprend que t'as plus de chance de séduire avec un Iphone), les essentiels shooting et revue de mode suivis d'une deuxième revue de mode sur les acteurs de la nuit parisienne, c'est pas jo-jo, des pages art moderne, des chroniques de films que l'on ne téléchargera même pas, et de disques hyper soft pour écouter en chaussures bateaux et pantalon 8/10. Je passe l'éponge sur Disiz La Peste qui se met à l'electro-rock et sur l'incorrigible Woody Allen pour conclure une fois de plus avec une sentence de Huysmans :

Le dilettante n'a pas de tempérament personnel, puisqu'il n'exècre rien et qu'il aime tout; or, quiconque n'a pas de tempérament personnel n'a pas de talent.

Taxi pour Berlingrad

BERLIN EN 22 MOTS



ANTIFASCISME: Tu ne peux pas faire 10 mètres dans la rue sans trouver un autocollant engagé contre le nazisme rampant (tout est tellement antifa que les seuls émigrés que tu croiseras seront espagnols ou français).



BERGHAIN: Si tu veux pénétrer dans ce club (après le safari pour trouver l'entrée) et t'amuser sur des sets de 5 heures d'Ellen Allien, ne sois pas hétéro. La mafia règne. La dialectique veut que tu rentres finalement plus facilement entre mecs...



CHANTIER: Berlin, ville en travaux.



DAZZLE DANZCLUB: Berlin aussi a son Truskel, un club pour rockeurs mineurs qui se mettent bien avant la danz dans Danzigerstrasse. Même pas besoin d'y entrer.



DUNCKERKLUB: Si tout est fermé et que t'en as marre de marcher, tu peux aller y écouter les classiques de DAF et Grauzone, profiter de l'architecture froide de cette chapelle ainsi que de son atmosphère vintage pour de vrai.



EUROPE: Outre la population gay, la plupart des gens que tu croises dans les rues parlent français ou anglais. Sans compter les bruyants espagnols. Berlin, capitale des États-Unis d'Europe.

FREUNDSCHAFT: Russes et Américains sont désormais bras-dessus bras-dessous et posent pour les touristes assoiffés de souvenirs imprimés. Tout ça à deux pas du Reichstag, merci la social-démocratie !



HIPSTERS: Le recyclage du vintage découle naturellement sur l'omniprésence inhumaine des hipsters dans Mitte et Prenzlauerberg. C'est bien simple, si tu as entre 20 et 30 ans et que tu y es installé, tu en es forcément un (à noter, les hipsters gros n'existent pas là-bas).



JEUNOCRATIE: Un srab qui vit là-bas me disait que c'était par ce qu'il y a trop de chômage, que des bons à rien qui vivent sur le dos de leur parents à faire des dessins sur le goudron. Ce postulat d'un ami sociologue explique peut-être l'absence du troisième age à l'Est.



KREUZBERG: Un mélange de terrains vagues, de zone industrielle et de 18ème arrondissement. Turkberg in effect.



KULTUR: Elle est partout. Tu n'y échapperas pas.



MAGNET CLUB: Un truc con, c'est de se pointer dans un club pour un concert alors que ce même club a déménagé 2 semaines avant à l'autre bout de la ville. Damnation.



NUMÉROTATION: C'est quoi cette manie de commencer le côté impair d'une rue dans un sens et le côté pair dans l'autre ? Ça mériterait une déclaration de 3ème guerre mondiale.

RAMMSTEIN: Si tu tombes bien, tu peux les voir 3 jours d'affilée et recevoir la puissance pyrotechnique de l'Allemagne dans les yeux pour la modique somme de 75 EUROS par concert.



RAMONES: Incroyable, un musée entier est dédié au pire groupe punk de l'Histoire. Stop le cirque.



STREET ART: Y'en a partout, c'est LA place où être si tu aimes les gribouillis et les messages engagés contre le temps qui passe sur des immeubles millésimés.



TIERGARTEN: La Nature et le bien-être près de chez vous, prend la porte de Brandebourg à l'envers et va te rouler dans les feuilles de chêne, tu y trouveras peut-être même des goupilles rouillées.



U-BAHN: Très propre. Tu peux y frauder tranquillement en fait (puisque personne ne le fait), ne crois plus au mythe des contrôleurs en civil (du moins jusqu'à ce que tu te fasses choper).

UNTEN DEN LINDEN: Mélange Rivoli et les Champs-Elysées avec un Napoléon qui chevauche la grandeur de l'Allemagne.



VÉLO: Les trottoirs sont tellement verdurés et putain de grands que tu te crois parfois sur des routes de province. À Berlin tu vis large. Par contre, les fixies sont-ils déjà périmés ?



VINTAGE: Paul's Boutique, Made in Berlin, Meins Und Deins, SK Berlin, etc. C'est le rendez-vous de la frippance, sans oublier le marché de Park Wall tous les dimanches matins. Si après ça t'as encore l'air neuf...

WEST-BERLIN: Mais pourquoi tant de mépris pour l'Occident ?

ENTER THE VOID (2009)

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BERNARD BACOS : Branchédavant



Bernard Bacos, l'homme revenu de l'aventure branchée est le créateur d'un des plus vieux sites Internet de France. Paris70 existe depuis 1997 et je vous invite à consulter son EDITO qui remet bien des choses en place, savamment dosé entre nostalgie et réalité. Pour enfin clore le chapitre sur les branchés à travers les âges, après avoir parlé des livres d'Alain Soral, Alain Pacadis et Arnaud Sagnard, j'ai choisi de poser quelques questions à Bernard, qui a connu l'effervescence underground des années 60 aux années 80. L'entretien s'est déroulé en Novembre 2009 et toutes les photos sont extraites de son site. En avant comme avant.

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Bal tragique à Saint-Germain-Des-Prés



LES TRICHEURS (1958)

Les 2 films dont je vais parler ici sont un témoignage de la jeunesse de la fin des années 50. Le génie réaliste de Marcel Carné fait face à la Nouvelle Vague naissante. L'existentialisme a infecté la jeunesse qui ne se nourrit désormais que de faux semblants et d'une idéologie de façade, une norme jeune pour éviter la norme de leurs parents. Êtres supposés supérieurs et détachés de toute réalité, ils s'adonnent au même jeu que les Liaisons Dangereuses. Négation de l'amour, refus d'assumer sa propre personnalité, refus de travailler, libertinage... Cette nouvelle philosophie est le terreau du vice. Mais Carné impose un rempart à la déviance, nous sommes déjà idéologiquement dans les années 60 alors que le personnage central, Bob Letellier (Jacques Charrier), représente encore cette figure droite et carrée des 50's. Étudiant de la rive droite, il va pénétrer l'univers de la rive gauche, où tout semble permis.



D'abord moqué pour ses origines bourgeoises, Bob trainait sur les Champs, Alain (Laurent Terzieff) va lui inculquer les rudiments de sa bande, prônant la liberté à tout prix. Mais une fille va s'en mêler, Mic (Pascale Petit). Bob va devoir apprendre le cynisme et l'immoralité pour espérer atteindre le cœur enfoui de cette fille. Au fil du film, on assiste aux changements d'après guerre. C'est bat. L'arrivée du be-bop qui déchaine les pistes de danse, les fêtes-saccage, le jazz, la cinéphilie, le mythe américain personnifié par James Dean, les scooters, la vitesse, toujours la vitesse, synonyme de pouvoir. Au milieu de cette vie à 100 à l'heure, il n'y a plus de place pour l'amour, et Bob va en faire les frais, Alain le bourreau au blouson noir ayant anéanti ses chances. Un violent jeu de la vérité, lors d'une sur'boum chez la riche et fatale Clo (Andréa Parisy), conclura cette aventure moderne, tragiquement. Tricheur !

LE CAFÉ
LA FÊTE





LES DRAGUEURS (1959)

Jean-Pierre Mocky, première ! En 59 déjà, Mocky s'astiquait le chinois sur la drague de rue dans sa première et excellente réalisation. Jacques Charrier (LE TRICHEUR) est un fin limier qui déambule dans Paris en vieille décapotable. Son activité principale : le hameçonnage. Oh c'est pas des choses qui s'apprennent, on a ça dans l'sang ! Il rencontre Joseph (Charles Aznavour) un après-midi sur les quais, qui est un petit employé poisseux qui drague le samedi dans l'espoir de trouver la femme de sa vie. Vaincu d'avance. Mais Freddy le seigneur va le prendre avec lui durant une escapade nocturne dont il se souviendra. Quand on drague on réfléchit pas, on fonce !



Fiancée, amoureuse, libre ? Le ballet nocturne nous entraine de Saint Sulpice à Montmartre en passant par les galeries du Lido lors d'une incroyable séance où tous les coups sont permis. Une seule règle : éviter la facilité. Les femmes sublimes de l'époque s'enchainent. De la rue aux petits troquets jusque dans une réception de bourgeois décadents (LES COUSINS) où Freddy jouera du poing. Tout ça après avoir semé des Suédoises saoules derrière le Sacré Cœur. Mocky le macho, déjà dans un style provocant, brutal et salement drôle, décortique la pratique, dans tous ses recoins, en faisant ressortir avant tout le monde le côté tragique, maladif et solitaire du prédateur. Une leçon !





LES COUSINS (1959)

Le 2ème film de Claude Chabrol est le pendant plus esthétique des TRICHEURS de Carné. C'est aussi la suite du BEAU SERGE dans lequel la situation était inversée. Maintenant, c'est au tour du provincial de monter à la Capitale. Charles (Gérard Blain) rejoint son cousin Paul (Jean-Claude Brialy) à St Germain. Présent pour ses études, être encore honnête et non perverti par la cité, Charles ne veut surtout pas décevoir sa mère, mais les projets de Paul sont tout autres. Fêtard magnifique, Paul est le leader d'une bande de jeunes fauves et de gazelles lubriques. Il va s'évertuer à dévergonder le cousin, naïf, qui va évidemment tomber en amour avec l'une des filles, Florence (Juliette Mayniel). Le quartier latin plongé aux cœurs des orgies orchestrées par un dandy Brialy complètement incroyable, ça vaut définitivement le détour :



C'est le début du culte de la fête sur lequel Antoine Blondin reviendra dans son classique Monsieur Jadis ou L'école du soir. Syndrome d'une génération hédoniste et déculturée décriée par le libraire du coin (Balzac ? Ils ne savent même plus ce que c'est ! Ils ne voient plus que par les polars !). Saint-Germain bidon bidon bidon chantait Lavilliers... Le couple est toujours l'ennemi absolu, le cynisme restant seul maître à bord. Malgré le tragique, il y a beaucoup d'humour, et de dialogues croustillants, contrairement aux futurs films grotesques de ses collègues de la Nouvelle Vague. La fin est un peu trop pompeuse mais ce film reste un superbe état de lieux de ces anciens fils à papa décadents, premiers branchés avant les minets (et les yéyés!), marquant un tournant dans le divertissement. La nuit était leur royaume, que sont-ils tous devenus ?

Vous êtes sur la liste ?, Arnaud Sagnard, 2008.



LES DEUX DOIGTS DANS LA PRISE PART.III (PART.I, PART.II)

C'est bien joli les années 70, mais que sont devenus les branchés aujourd'hui ? Ou plutôt les hipsters devrais-je dire. Ces multiactivistes du néant propageant leur culture de façade depuis trop longtemps. Ces idiots utiles du capital bien plus asservis au marché que les consommateurs lambdas qu'ils méprisent. Ces suiveurs consensuels se complaisant dans la sécurité de leur environnement capitonné. Ces mutants uniformes ayant progressivement gagné les classes dirigeantes. Le glas a sonné pour ces vers !

Et c'est Arnaud Sagnard qui tire sur la corde avec cet ouvrage empli de haine positive. Journaliste (20 Minutes, Technikart, GQ) créateur (Irreverent), dégouté du milieu dans lequel il baignait, le trentenaire mal rasé à lunettes a mené cette enquête sur la tyrannie des branchés. Travail sociologique décapant et ordonné, le verbe est acéré et le résultat sans appel : la hype ne sert plus qu'à une seule chose, être elle-même. Un CHIC TYPE en avait déjà fait un excellent résumé que je vous invite à lire. Je vais donc plutôt vous citer quelques passages clés du livre. La bise à Tania et Mouloud.



LA NUIT CONSANGUINE





Noblesse, luxe, secret, uniformisation, entre-soi, la nuit branchée est consanguine. Ce goût pour l'exclusivité n'est rien d'autre qu'une culture déguisée de l'exclusion. Plus les cercles concentriques des réseaux de connaissances se resserrent, moins de gens peuvent participer aux évènements et paradoxalement, de plus en plus en parlent. [...] S'il était possible d'ouvrir des lieux encore plus petits, nous serions les premiers à nous y précipiter. Il reste les toilettes me direz-vous. [...] Voilà où s'achève la succession de cercles concentriques composant la nuit des branchés, elle aboutit à la formation d'un parfait petit enclos transparent sur fond blanc où flottent quelques merdes.

A chaque fois que la hype sort, elle passe son temps à immortaliser sa présence à l'intérieur. Jamais un échantillon de population ne s'est autant enregistré, montré et regardé. [...] Si certains pouvaient s'enculer sur place devant l'objectif de leur iPhone, ils le feraient volontiers. Il ne s'agit pas ici de se reproduire, cela ferait un initié de plus, mais de s'assembler pour ne faire qu'un afin de gagner de la place. Moins on est de fous, plus on jouit.

Sur toutes ces images, on ne voit pas d'intrus, aucun mec en mocassins achetés chez André, ni sous-pull, ni de choucroute blonde. Non qu'ils ne veuillent pas les photographier mais parce qu'il y en a tout simplement pas. Personne ne peut y atterrir par erreur. La branchitude est un système surefficace, il y a trop de gens à connaître, trop de sas à franchir.

L'été, je ne croise jamais sur le bateau Concorde Atlantique ma boulangère, qui aime pourtant danser, et encore moins de BTS Force de vente. La nouvelle hygiène sociologique a triomphé.





QUELLES LUNETTES POUR QUEL BRANCHÉ :

Chez Jeannette, on croise un taux de lunettes à montures carrées noires le plus élevé au mètre carré. Il s'agit d'un indicateur infaillible du degré de branchitude. [...] Le sommet de la hype étant de porter de larges montures sans verre comme le fait parfois Yvan Rodic, facehunter le plus célèbre d'Europe. Quelques éléments pour se repérer : les montures rectangulaires classiques appartiennent aux membres de la tribu des médias, les montures excentriques mais de forme angulaires sont l'apanage des architectes et des designers, les lunettes à la Terry Richardson dénotent une appartenance au monde de la mode, les formes inspirées des bésicles portées dans les années 50 sont le signe d'un goût prononcé pour la culture numérique. Enfin les larges montures semblables à celles que portaient les groupes de rap américains au début des années 80 vous aident à repérer une personne travaillant dans le milieu musical. Ceux qui ne portent pas de lunettes y songent tout simplement.


C'est cela la morale de la hype, la phrase qui s'inscrit dès qu'un des membres accepte qu'un inférieur devienne son ami sur myspace.com, "Thanks for the add". Merci de m'avoir ajouté, merci de m'avoir laisser entrer dans le cercle, merci de ne pas me laisser dehors avec les autres.



LE PETIT PEUPLE BRANCHÉ


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Il y a l'énigmatique trimestriel Standard dont le rédacteur en chef bénévole gagne sa vie comme veilleur de nuit, WAD, trimestriel consacré à la mode mais qui parle surtout de ses amis à ses amis. [...] On retrouve décuplé le culte du copinage que nous, branchés, reprochons aux hebdomadaires ou au Monde littéraire. A cet égard, WAD n'est d'ailleurs pas sans rappeler l'émission de Michel Drucker Vivement dimanche diffusée sur France 2. [...] On trouve également dans notre librairie Clark, magazine qui a découvert la street culture (le graff, le hip-hop, le skate...) depuis qu'elle a précisément quitté la rue. Malgré ses vingt ans de retard, cette publication a l'avantage d'accorder une large place au graphisme. Il faut y ajouter les revues hors de prix, Purple et Nuke qui offrent en grand format l'étalage du vide contemporain.


LA RECETTE DU MAG BRANCHÉ :



Une fois trouvés les annonceurs, il suffit de placer entre les publicités des articles présentant les derniers objets arrivés chez Colette, faisant l'éloge d'un designer avec des photos de ses œuvres libres de droit ou révélant une sélection de disques choisis par un DJ, des bons plans de sortie énoncés par des semi-people et enfin retranscrivant un entretien avec un artiste contemporain en promo. Il faut également multiplier les séries de mode, encenser chaque objet culturel chroniqué, célébrer tous les restaurants ouverts le mois précédent, inventer des typologies de branchés, parler de New York et de Shangai comme si on y allait tous les soirs, accumuler les photos de wannabes prises en soirées. Et bien entendu ne jamais questionner, simplement constater, vanter et faire savoir. Enfin, n'importe quel article ou photo relatant l'activité de l'acteur Vincent Gallo, du photographe Terry Richardson et du cinéaste Harmony Korine passeront en priorité.


Qu'ils soient DJ, graphistes, designers, musiciens, architectes, journalistes ou attachés de presse, ils exercent tous la même activité, analysée au siècle dernier par Paul Valéry : "Tous ces métiers dont le principal instrument est l'opinion que l'on a de soi-même, et dont la matière première est l'opinion qu'ont les autres de vous." Leur unique fonction est d'être branché et de le montrer.


LE CULTE DE L'AVANCE





Début 2007, la hype ne s'était toujours pas remise de cet accident de la route : comment peut-elle avoir sept ans de retard sur des ploucs au look gay, dansant bizarrement sur de la techno bas de gamme mixée par des DJ comme Niki Beluci, Joachim Garraud ou, comble de la honte, David Guetta ?

A la différence des banlieusards gominés, les Fluokids n'existent que virtuellement. Inutile de se déplacer pour les rencontrer, il suffit de surfer sur internet. Les Tecktoniks demandent au branché de sortir de chez lui, les Fluokids d'y rester. [...] Là où les Tecktoniks produisent une danse et un look, les Fluokids rassemblent ce qui existe déjà ailleurs, des morceaux de musique, des photos et de la critique musicale légère. [...] Une bande enrichit le branché, l'autre le fait régresser. Après quelques connections sur le blog Fluokids, n'importe quel moderne un peu largué par la vague électro peut passer pour un DJ expérimenté tandis qu'après trois nuits au Mix, au Metropolis ou au Complexe, il ne sera toujours pas capable d'enchaîner une bonne séquence de mouvements Tecktoniks. Les premiers ne demandent aucun effort, il suffit de lire, d'apprécier puis de répéter, les autres exigent attention, entraînement, performance physique et un look spécifique. Voilà pourquoi en sept mois les Fluokids ont intégré la hype, ce que n'ont pu faire les Tecktoniks en sept ans.

Contrairement aux apparences, leur matière première n'est pas la musique mais la nouveauté elle-même. Leur principale activité consiste à transmettre et non à produire du savoir. [...] Sur le blog, nous sommes dans un lieu sans passé ni mémoire soumis à un renouvellement permanent. [...] Le site alimente une sorte de fièvre. Une bonne partie des branchés de la planète s'y ravitaillant, ils reproduisent partout ce qu'ils y voient, aggravant le processus d'uniformisation. [...] L'internaute n'émet plus, il ne choisit rien, il reçoit et répète indéfiniment.



À LA SOURCE, L'UNDERGROUND





Contrairement à ce qu'il croit et faire croire, le branché est en réalité moins un émetteur qu'un copieur. Malgré le culte qu'il voue à l'avance, il est en retard. Nombre de ses découvertes n'en sont pas. Elles viennent, en effet, d'un seul et même univers, l'underground.

À la différence des branchés, les précurseurs sont passionnés par la parcelle qu'ils explorent, que ce soit un genre musical, l'adoration d'un artiste ou la constitution d'une œuvre. Il leur est impossible de papillonner d'un culte à l'autre. Les vrais Mods londoniens ne sont pas passés à la culture hippie, les premiers hippies ne sont pas devenus punks sur le tard, les gabbers de Rotterdam ne se sont pas mis à écouter de la hard house, les fans de musique soul ont maudit l'avènement du disco... [...] Quant aux Skinheads, ils continuent d'effrayer d'éventuels imitateurs.

A la manière des radios et chaînes de télévision diffusant des clean edits débarrassés des mots grossiers, les branchés gomment les aspérités de leurs objets de prédilection, ils les évident. [...] La hype n'examine jamais l'altération qu'elle fait subir aux ouvrages originels, elle est trop concentrée sur une autre distorsion bien plus flatteuse à son égard. [...] Quand les branchés sont certains que la masse a identifié le phénomène, ils le lui abandonnent et snobent les nouveaux adeptes dans un même mouvement. En prenant le pli, la plèbe salit l'objet désiré avec ses gros doigts et celui-ci se trouve aux yeux des passeurs frappé d'obsolescence immédiate définitive. La popularité, c'est l'ennemi.



LA CULTURE DU VIDE





La question n'est pas de savoir si Inland Empire est un navet ou non, elle est de comprendre pourquoi il est aujourd'hui impossible de penser, dire ou écrire que ce film puisse en être un. [...] Les branchés appréhendent l'auteur comme une marque, un concept. Ce qui permet en passant de se déclarer "lynchien" ou de parler d'"atmosphère lynchienne" dès qu'une ampoule grésille dans une chambre d'hôtel.

Le branché répète, raconte, reproduit, au mieux décrit, mais il n'utilise aucun des instruments qu'il prétend posséder : regard subjectif, lucidité, sens critique, connaissance approfondie de son milieu, décodage, analyse. Cet épisode nous livre un nouvel élément pour comprendre les rapports qu'entretiennent les branchés avec la culture. S'ils ont si peu à dire de leurs œuvres préférées, c'est peut-être que celles-ci sont vides.



LE BUSINESS DE LA HYPE





Il existe un lieu au carrefour de la hype et de la grande distribution, un endroit qui sert de ravitaillement aux branchés comme aux simples passants. Cette enclave est située dans un établissement parisien symbolisant l'exploitation commerciale de la branchitude. [...] Ce mégastore baptisé Citadium devait être à l'origine un "temple du sport" pour les clients ayant honte d'aller chez Go Sport ou Décathlon, envahis de banlieusards en survêtements. Les Parisiens ne pratiquant une activité sportive que lorsqu'ils courent après un bus, qu'assis sur un Vélib' ou promenant leur chien, le magasin s'est rabattu sur la mode streetwear . Revêtir l'uniforme officiel de l'attitude cool ne demande en effet aucun effort physique aux clients, il faut juste accepter qu'une marque au nom imprononçable vous vende un T-shirt soixante euros.

Les branchés sont d'abord des personnes interdépendantes. Quel que soit son métier, il n'a finalement qu'une fonction, celle de VRP de lui-même. Nuit et jour, il se promeut, il se markete.



LE VILLAGE DES PRISONNIERS





Il est un domaine où l'esthétique branchée fait des ravages. La musique que nous écoutons a, en effet, souvent des allures de table basse. Dans chaque lieu branché, de la musique est diffusée, souvent la pire qui soit, celle qui est inoffensive. [...] Le DJ prend parfois conscience de son rôle de diffuseur d'ambiance. Lui qui se rêvait comme un démiurge enflammant la piste de danse réalise qu'il émet de la musique d'ascenseur social afin que les conversations entre victimes et bourreaux de l'économie ne se mélangent pas.



LA GÉOSTRATÉGIE DES BRANCHÉS





À Alphabet City, quartier où l'été, de jeunes mamans porto-ricaines faisaient à la fin des années 90 jouer leur pitbull avec l'eau propulsée par les bouches d'incendie, on boit désormais du jus de fruit bio en consultant ses mails. [...] Un tour à Williamsburg suffit également à vacciner le visiteur. Personne de plus de quarante ans, pas un bar qui ne soit pas WiFi, partout des étudiants faussement bohèmes dont les parents payent un loyer de trois mille dollars fêtant l'ouverture d'une galerie, d'un bar bio ou d'une boutique de vêtements vintages.

Berlin est devenue au fil des années une sorte de camp de réfugiés pour branchés. [...] La ville est désormais usée, envahie d'étrangers profitant de l'argent de leurs parents ou des aides sociales, de trentenaires à poussettes et à sandales, de boutiques de streetwear. Le centre culturel de Tacheles a fermé, le systématisme des looks roots et de la nourriture biologique est devenu insupportable. [...] Imaginez trois arrondissements de parisiens occupés uniquement par des boulangers ou des apprentis ne parlant que de pain à longueur de journée. Ici, c'est la même chose avec les artistes - le plus souvent "sans oeuvres"...

La géostratégie branchée, c'est cela : la négation de régions entières, de pays et de leurs populations. [...] Chacun sait qu'ils existent mais on les occulte. Si beaucoup de branchés viennent de province, ils le taisent. Ils sont d'ailleurs les premiers à accumuler les signes de branchitude pour compenser l'infamie de leur extraction.



LES BRANCHÉS DU FUTUR





Nous sommes parvenus au stade ultime de la supercherie rock'n'roll. Plus besoin de fabriquer des groupes bidons via la téléréalité, ils se fabriquent tout seuls. Leurs membres ont intégré la formule : look + absence de talent + medias = buzz = plus de médias = succès. [...] Le public suit lui aussi, mieux, il copie les copies, tout le monde devient figurant d'une gigantesque comédie. [...] Les post-adolescents qui hurlent sont tous bien élevés, beaux, leur père roule en berline, ils s'en sortiront toujours, c'est écrit sur leur visage, ils sont entrés dans le rock comme on entre dans une agence de voyages, ce sont les DRH du futur.

"Ils sont le rock" affirmaient les empailleurs de Rock & Folk, Libération voyait en eux un "antidote au poison de la Star ACademy". Ils se sont trompés, Naast c'est précisément la Star Academy et les branchés ont remplacé TF1. Ces jeunes musiciens n'incarnent pas la nouveauté, la rébellion, la pureté ni la sophistication mais ils préfigurent les branchés de demain : conformistes et factices.





Entretien complet avec Sagnard sur DISCORDANCE.

Et quelques sites relayant l'esprit du livre :

CASSEURS 2 HYPE
FÉRUS DE MODE
FREE WILLIAMSBURG
HIPSTERS ARE ANNOYING
HIPSTER RUN OFF
SYNDICAT DU HYPE

Tu peux aller crever des fixies maintenant.


Nightclubbing, Alain Pacadis, 2005.



LES DEUX DOIGTS DANS LA PRISE PART.II (PART.I, PART.III)

Ce recueil d'articles de 850 pages est disponible aux éditons Denoël X-TREME. Pour tout connaître sur les lieux, personnes, magazines, etc. cités plus bas; pour consulter photos et récits d'époque, je ne peux que vous conseiller l'excellent site de Bernard Bacos : PARIS DANS LES ANNÉES 70.


LES ANNÉES ROCK (1973-1977)

Alain Pacadis et sa mine patibulaire commence à écrire dans Le Saltimbanque dès 1973. Il passera par la revue Pluriel avant de signer la plupart de ses papiers pour Libération à partir de juin 1975, dans sa fameuse chronique WHITE FLASH, inspirée du VELVET UNDERGROUND. Le groupe new-yorkais sera d'ailleurs souvent mis à l'honneur dans ses lignes (Nico, Lou Reed), tout comme Andy Warhol, Bowie, Burroughs et Gysin. Le contenu de ses écrits est donc directement branché, concentré de punk balbutiant, de rock avant-gardiste, de culture pop, de restes de la génération beat, de réflexions philosophiques et de cinéma expérimental. Pourvu que ça ne soit pas populaire... Pédé subversif, Pacadis s'intéresse aussi très tôt au cinéma porno d'outre atlantique, de Marylin Chambers à Kenneth Anger, il écrira d'ailleurs pour Gai Pied et Playboy.



Mais revenons à la musique. Août 1975, le premier festival rock purée dure en France est organisé à Orange. Alain en est. Son rapport est électrique. Les français découvrent la rage en musique. Au fil des pages, l'alcool devient une préoccupation de plus en plus grande pour lui, souvent abordé entre deux prédictions futuristes. Iggy Pop devient son nouvel idole et ami, puis les STINKY TOYS deviennent ses chouchous. Les chroniques de disques sont peu nombreuses mais étayées, les entretiens sont pointus avec l'avant-garde cinématographique d'époque, Philippe Garrel ou Werner Schroeter. Puis après Orange, c'est Mont-de-Marsan qui organise son festival tonitruant l'été suivant. L'Angleterre riposte.



Octobre 1976. Le premier festival punk est organisé par Malcolm McLaren au Club 100: Les clients arborent le brassard rouge orné d'une croix gammée noire sur fond blanc à droite, le portrait de Marx en toile tissée en Chine populaire à gauche. Pacadis veut être partout. Revues de mode font leur apparition entre autres fêtes, expos ou concerts. C'est ce qui fournira la matière de son journal d'un jeune homme chic. Novembre 1976, le mot DISCO fait son apparition. 1977 est l'année punk, outre sa longue rencontre avec Serge Gainsbourg, Pacadis goûte l'euphorie révolutionnaire des CLASH et le nihilisme total des SEX PISTOLS. L'Été sera chaud et Mont-de-Marsan croulera sous les punks. Son ami Yves Adrien lui souffle AFTER-PUNK et la première NIGHTCLUBBING apparaît. C'est l'aube d'une nouvelle ère.



LES ANNÉES NIGHTCLUBBING (1978-1982)

La nuit, la drogue, c'est du pareil au même, Pacadis va entrer dans l'excès et accessoirement dans L'Écho des Savanes, Façade et Le Palace magazine. Un nouveau courant fait déjà son apparition pour enterrer le punk, le nouveau romantisme. New Wave oblige, tout est bon pour échapper au punk, il faut être möderne, voire növo, se replonger dans Wagner... Les branchés ne savent plus quoi inventer pour se démarquer. En 1978, un long entretien avec Charles Bukowski met à nu toutes les addictions des deux hommes. Aiguilles usagées et pédophilie non-dissimulée, la subversion à son maximum. Le rock féminin déferle et Alain interroge SIOUXSIE, il retrouve Gainsbourg qui rentre de Jamaïque puis on pénètre au cœur de Paris by Night.



Alain sort tous les soirs et ça tombe bien puisque Fabrice Emaer vient d'ouvrir Le Palace. L'ancien théâtre du faubourg Montmartre accueille désormais fêtes majestueuses en tous genre, son histoire est indissociable de celle de Pacadis qui y est constamment fourré (pas de mauvais esprit). Toute la branchitude parisienne s'y retrouve, sous le concept auréolé du mélange. Mais la réalité du couloir d'entrée a dû en laissé plus d'un amer ! La physionomie possède ses reines, Edwige Grüss-Belmore, Jenny Bel'Air ou Paquita Paquin. La donne change tout de même comparée aux clubs privés des années 70 qui recevaient une clientèle majoritairement homosexuelle comme le Club 7 ou le Pimm's. Pacadis traîne aussi aux Bains-Douches, évidemment, au Klub 78 (quand l'équipe d'Hara-Kiri ne fait pas caca sur le bar), ainsi qu'au Backstage ou au très secret Death Club. Voir, être vu. L'apparition du namedropping dans ses chroniques signale l'entrée de plein pied dans les années 80.



En 1979, il interviewe le chanteur de DEVO, groupe alors à l'opposé du concept de KRAFTWERK. Rapprocher la machine de l'homme, leur discours sur les mutations génétiques se veut fun et bien dans son époque. Pacadis nous fait tellement ressentir l'attente de 1980, que lorsqu'elle arrivera, il ne se passera rien. Le tournant ayant été amorcé bien avant. Fini les longues tirades de sa période hippie/punk. Comme le chantait DÉBUT DE SOIRÉE (ouais), 1980 c'est tout pour la danse, ou tout pour le mongolo-bop. Nouvelles boîtes, nouveaux paradis artificiels, ils s'appellent Broad, Galaxie, Colony, Limelight ou La Main Bleue, énorme complexe disco en périphérie de Paris ouvert en 77. À côté de ça, Le Privilège est ironiquement créé sous Le Palace. Un endroit encore plus confiné, pour les élus de la nuit n'aimant pas se mélanger à la classe festivante.



Entre mondanités et désespoir, Pacadis se fait l'écho de l'ère post-punk en France. Musique synthétique, esprit futuriste, cynisme, amour banni, son mentor Yves Adrien (alias l'inventeur du punk ?!) et son livre Novövision préfigure toute la nouvelle vague française. Son entretien avec Genesis P. Orridge de THROBBING GRISTLE est d'ailleurs grandiose. "Cosey Fanni Tutti a fait des actions artistiques comme s'injecter du sang à l'aide d'une seringue dans le vagin ou découper ses vêtements avec une lame de rasoir..." - "La musique est considérée comme une distraction, le mot industriel est antidistraction. Il est inexorable. Nous n'avons rien à voir avec le show-biz et l'industrie des loisirs".



Après WHITE FLASH et NIGHTCLUBBING, c'est l'heure de la SLOW DEATH, la poésie de la descente aux enfers. Le spleen de Pacadis est permanent et le ton rebelle envers les nouvelles stars seulement passager. Mai 1981. Overdose de fun, Jack Lang danse sur Amanda Lear au Palace. Fini les usines métallurgiques et le carrelage blanc, bienvenu au rock thermidor et aux folies romantiques des SPANDAU BALLET et des DURAN DURAN. Trop XIXème le plan. En 1983, Fabrice Emaer disparaît. Le père du Palace n'est plus, plus rien ne sera jamais comme avant. Pacadis le clochard se transforme en débris mondain, et enchaine plats de petits-fours et entretiens bidons. L'éclair blanc s'éteint.



LES ANNÉES SHOW-BIZ (1983-1986)

Paris la nuit c'est fini ? L'after-fêtes est pour bientôt. Le pot mélangeant tous salaires et toutes fonctions s'est transformé en avènement de l'argent roi. Dans un premier temps, Alain s'intéresse encore quelques peu à l'underground, il suit de façon lointaine le courant cold-wave, et ses odes aux nuits blanches nous renseignent toujours sur les nouveaux lieux émergents comme le 120 nuits, le Garage, la Piscine, le Soleil Noir, le Haute Tension et bientôt le Palace II. Mais son mélange alcool/drogue n'est qu'une autodestruction de loisir, en 83, une nouvelle maladie infecte la communauté homo, le SIDA.

1984 est un tournant, ses chroniques ne seront plus qu'un ramassis de mondanités dégueulasses, de récits déprime de type "il ne m'a toujours pas appelé" et d'interviews barbantes de chanteurs de variété française (Excepté celle de Fernando Arrabal, excellente). Son environnement comprend aussi bien politiques couche-tard (Jack Lang, De Villiers...) que personnalités de la télé (Ardisson, Mourousi...), très mode. Le monde change. Son arrogante intelligence des débuts a fait place depuis longtemps à cette arrogance du vide, malheureusement à l'honneur actuellement. Pas de doute, les branchés d'aujourd'hui sont les mêmes que ceux des 80's (Les années 80 seront növö-cyniks, on rira d'un rien, on écoutera tout, on ne pensera plus...).


Alain Pacadis mourra étranglé par son compagnon transsexuel en Décembre 1986, à l'age de 37 ans. Triste fin pour une triste existence parmi tant d'autres, anecdotique. Il aura quand même réussi à franchir presque 4 décennies sur Terre, son auto-destruction n'était finalement que façade. Successivement hippie, rocker, punk, mutant, dandy, néo-romantique, ami des stars, son parcours est le guide du branché ultime. L'éponge jetable absorbeuse de courants, sans face décapante et résistant mal à l'essorage. L'individu qui voulait être tout avant tout le monde, connecté sur toutes les disciplines artistiques de l'underground. La mort d'Alain Pacadis voit aussi celle du branché utile originel, dénicheur passionné de tendances et transmetteur d'idées, ce qu'on ne pourra objectivement pas lui enlever.

La mort est ma cible, tout ce que je fais, tout ce que je signe, les modes que je lance, les rapports que j'ai avec les gens, c'est pour me perfectionner. En prenant la mort pour cible, j'ai l'impression qu'à chaque seconde je m'aiguise, à chaque seconde je deviens plus tranchant, plus vrai, c'est ma façon de tailler parmi les obstacles que ce soit des gens, des villes ou des concepts. Tout ce que je fais, c'est pour l'apporter à la mort comme des offrandes que je veux déposer à ses pieds. Yves Adrien.


LES MOUVEMENTS DE MODE expliqués aux parents, 1984.



LES DEUX DOIGTS DANS LA PRISE PART.I (PART.II, PART.III)

LMDM, c'est le meilleur vendeur de 1984, et c'est la première apparition sur papier d'Alain Soral, bien avant la drague de rue et les élucubrations politico-médiatiques... Il est alors allié de 2 potos : Alexandre Pasche et Hector Obalk, qui anime maintenant l'émission Palettes sur Arte. Les 3 livrent une enquête sociologique très croustillante des modes chez les jeunes, du début des années 60 au début des années 80. 400 pages satiriques, justes et surtout drôles. Si les modes signifiaient encore quelque chose aujourd'hui, il serait amusant de faire une version années 2000. 8 catégories sont passées au crible par ordre chronologique : Pop, Babas, BCBG, Minets, Punk, New-Wave Hard, New-Wave Cool et Fun. Portraits, interviews, lexique, vocabulaire et dialectique d'époque, c'est ultra complet et le ton "intello-démon" est hyper jubilatoire. Un ouragan de désnobisation. Si tu le trouves, consomme direct. En attendant, réalise dès maintenant ton test de personnalité.


LES 24 HEURES DE LA VIE D'UN BRANCHÉ





LE ROMAN PHOTO DU MINET






LE BABA




LA BABA RICHE




LE BABA-HARD




L'INTELLECTUEL DE GAUCHE TRISTE




L'INTELLECTUEL DE GAUCHE GAI




LE MINET




LE RINGARD SHOW-BIZ




FILIATION HIPPIES/BABAS




FILIATION GLOBALE PUNKS




LES PLANS DE LA NEW-WAVE




CE QUI EST TRÈS...


HIPPIE / GAUCHISTE




BABA-COOL / BABA-HARD





COOL / FASCISTE





B.C.B.G. / MINET




POP / PUNK




NEW-WAVE HARD / NEW-WAVE COOL




HYPERCLEAN




FIN / FUN




FIN.

VICE PARTY, Nantes.