Fluoglacial - Tendances Négatives

UN TÉMOIN DANS LA VILLE (1959)


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1950's


[Lino engagé contre le pignon fixe et pour le port du harrington/converse, 1959.]


1951: MIRACULO A MILANO - Vittorio de Sica : "Sole! Sole!"
Chef d'œuvre du Neorealismo. Après le dramatique voleur de bicyclette, De Sica passe au registre tragi-comique. Toto, un idiot né dans les choux, veut répandre l'amour dans un bidonville de la banlieue milanaise. Le nouveau messie des pauvres va faire enrager la police et les patrons qui veulent raser leur camp grâce un incroyable don. Drôle, Beau, et une fin surréaliste !


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Bruno Dumont #1


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LE TROU (1960)



Le film de prison ultime. Clint Eastwood peut rentrer à Alcatraz. Jacques Becker met en scène 4 compagnons de cellule, qui sont tous enfermés à la Santé pour un moment. Afin d'éviter de tourner chèvre, ils planifient une évasion, et quel plan ! Un trou est d'abord creusé à l'aide d'un bout de sommier, puis recouvert par les lattes du plancher, ce qui leur permet d'accéder au sous-sol de la zonze en toute sécurité. Les longues galeries les entrainent dans les égouts où ils entreprennent de creuser un tunnel. Chaque soir pendant des nuits et des nuits ils se relaieront deux par deux, avec des clés, outils et sablier confectionnés avec les moyens du bord, creuseront encore et encore. Tout ça en utilisant d'incroyables combines pour tromper la vigilance des gardes. La puissance de Michel Constantin en espadrilles et le cerveau de Jean Keraudy feront le reste.



Seulement dès le début de leur entreprise, un évènement va troubler la manœuvre. Un jeune condamné a été attribué dans leur 9m2. (Situation similaire à l'excellent UN CONDAMNÉ A MORT S'EST ÉCHAPPÉ de Bresson) Ils le mettent vite au parfum pour éviter de se retrouver dans la moutarde. Les rapports entre les murs vont ensuite se muscler. Le jeune bourgeois, coffré pour une tentative d'homicide sur sa femme, fait tache au milieu des prolos. Lorsque le directeur le convoque dans son bureau pour lui annoncer l'annulation de la plainte à son encontre, tout va devenir noisettes. Gaspard va t-il trahir ses frangibus de cellule ? Va t-il transcender l'esprit de classe ? Va t-il opter pour sa liberté et céder au chantage institutionnel ? Tu le sauras en allant au bout de cette œuvre sans précédent, aussi froide, austère et dure que le béton. Une histoire vraie signée José Giovanni.

TERRAIN VAGUE (1960)

BLACK & NOIR : 1950-1955



SIDE STREET (1950) Anthony Mann

Il était une fois New York, la ville aux 365 meurtres par an... Cette intro me rappelle THE NAKED CITY de Jules Dassin. Mais là c'est Mann, qui attaque la tentation sans concession dans un noir urbain. Farley Granger est facteur et en faisant sa tournée, il entrevoit 2 billets de $100 dans le tiroir d'un avocat mafieux.. Le lendemain matin, il explose le casier avec la hache à incendie. C'est plus 200 mais $30 000 qu'il trouve !

Joe Norson sue à grosses goutes, le cas de conscience s'installe. Rapporter l'argent volé à des truands surveillés par les cognes ? Le garder et vivre toute sa vie dans la clandestinité ? Surtout qu'il attend un gamin et que sa femme panique (Cathy O'Donnell, le même couple que dans le tout aussi pessimiste THEY LIVE BY NIGHT de Nicholas Ray). Trahisons, cadavres, truands, cache-cache. La fatalité va décider pour lui et la descente s'achèvera dans une putain de course poursuite entre les gratte-ciels. CALL THE MEAT WAGON. Une valeur sûre.


THE ASPHALT JUNGLE (1950) John Huston



Après tout, le crime... ce n'est qu'une forme dégénérée de l'ambition... Quand l'originateur du genre récidive après son faucon noir, ça fait boom, la détonation obligatoire pour faire sauter le coffre. Il est ici affaire de casse, un fil conducteur qui sera repris pendant des années et des années. Une planification réfléchie et travaillée qui, bien entendu, finira mal, la faute à cette satanée détonation. La galerie de personnages est épicée, comme d'habitude chez Huston. Il y a la brute, l'homme de main (Sterling Hayden), le dandy docteur (Erwin Riedenschneider), l'aristocrate ruiné (Le baron Emmerich) et sa potiche vénale (Marilyn Monroe), l'entremetteur balance (Cobby), le perceur de coffres (Anthony Caruso), le pilote droit mais bossu (James Whitmore), etc.

Tous sont mêlés à la subtilisation d'un butin à 7 chiffres. Alibis douteux, razzia policière, planques inutiles depuis la diffusion de leur photo dans les journaux, un à un, ils vont se faire rattraper par la patrouille de façon plus ou moins tragique, comme le baron, préférant se suicider que d'être jugé. Un polar extrêmement sombre et minutieux aux dialogues grandioses. PARFAIT.


THE NARROW MARGIN (1952) Richard Fleisher



L'étranger du train d'Hitchie a donné des idées à Richie. Fini les parties de tennis de Farley Granger, dans cette sombre histoire de train, Charles McGraw, sergent de police, doit protéger un témoin de la mafia et le conduire à la cour. 3 scélérats sont aussi du voyage, et une de leur tire suit les rails. Le voyage va être long, très long. Je révèle le secret dès le départ car quand un film est bon, ça n'a pas d'importance. La femme qu'il croit cacher dans son compartiment voisin est en fait une flic, excitante et capricieuse poulette, la précieuse veuve (Marie Windsor) déambule donc librement dans les wagons.

Brown va apprendre qu'il a été berné bien plus tard. Les nombreux face à face dans un espace si restreint sont étouffants. La scène de bagaaaarre dans les toilettes des ladies est impressionnante. Le suspense est continuel, on ne sait plus qui est qui, qui commande, et si cette liste noire que la mob recherche existe vraiment. Mais comme disait le gros Alfred, "le public s'en tape, seul le suspense compte". Un remake plus bougeant a été réalisé en 1990 avec Gene Hackman. Ça reste un must.


PICKUP ON SOUTH STREET (1953) Samuel Fuller



So you're a Red, who cares? Your money's as good as anybody else's. C'est toujours savoureux de voir Richard Widmark plus cabotin que jamais à l'écran, voyou libre ou mourir. Pickpocket de haute voltige, il se fait pourtant prendre en chouravant le portefeuille d'une femme dans le tramway (scène metro sexuelle). Les bleus la surveillaient. L'ami de Candy (Jean Peters) est en effet soupçonné de collaboration avec l'ennemi communiste. On est en 1953 et c'est la chasse aux rouges ! (Dédicace à Elia Kazan) Chaque personnage du film est anti-commie par défaut, ils ne veulent rien savoir, et surtout ne pas être inquiétés par les brigades de McCarthy quand on leur pose des questions. Leur patrie ? La rue.

Le portefeuille chipé contenait bien un microfilm avec formules de type chimiques. Un vrai jeu de la souris va alors s'établir entre Skip McCoy, qui possède toutes les cartes en main (+ la femme volée), les gangsters traitres de la nation, et la police locale, appuyée de détectives, prête à tout pour se faire mousser. New-York noir et exotique (Skip habite une cabane sur pilotis dans le bowery !), décor idéal pour un thriller de professionnels. Combat final haletant dans le métro. BANCO.


THE BIG HEAT (1953) Fritz Lang



You're about as romantic as a pair of handcuffs. Fritz n'est pas le maître pour rien. Avec un scénario très conventionnel pour nous autres, enfants du cinéma qui ne recharge jamais son arme, il parvient à amener un degré de violence et d'excitation rare pour l'époque. Glenn Ford n'est clairement pas le mec à faire chier. Flic intègre, père de famille comblé, c'est la puissance de l'American Way of Life dans sa vie. Mais il faut bien que le rêve s'arrête, nous ne sommes pas dans un Film Blanc.



Trop intègre, ses supérieurs vont vite le lui faire comprendre lorsqu'il va enquêter sur le suicide d'un ex-sergent de police. Coups de téléphone anonymes, filatures, et le drame, une bombe sur le démarreur de sa berline : sa femme en subit la létale conséquence. Fini de jouer, Dave Bannion haït la terre entière et bien qu'ayant rendu son étoile, part en croisade contre la corruption et la pourriture qui étouffe sa cité. Lagana, le maître de la ville, va essuyer de lourdes pertes et ce n'est pas ses sbires (Lee Marvin le bastonneur de femmes) qui stopperont Glenn la haine. Et ce sera une fois de plus une femme, (la maitresse de Marvin), qui assènera le coup de grâce. Pure vengeance.


KISS ME DEADLY (1955) Robert Aldrich



Women are worse than flies. Tout commence par de l'autostop, pratique désabusée chère au film noir (voir l'excellent DETOUR de 1945). Et c'est le début des problèmes pour le détective Mike Hammer. Christina vient de s'échapper d'un hôpital psychiatrique. Ils passent le premier barrage avant d'être piégés par un long corbillard. Puis plus rien. Hammer se réveille à la clinique 3 jours plus tard. Toujours suivi de prêt par les scélérats qui ont manqué leur coup, l'énigme du tragique "Remember me!", dernière parole de la victime, va se dévoiler au fur et à mesure (grâce à un recueil de poésies).

Mais la curiosité creuse des tombes, tous ceux supposés savoir sont supprimés, même Nick, le garagiste de Mike, un grec lubrique complètement timbré ! Qui sont-ILS ? Pourquoi la police ne fait rien ? Hammer va vite se rendre compte du complot. Avant de mourir, Christina avait avalé une clé, clé qui ouvre un casier d'une salle de gym, casier qui contient un mystérieux coffre, coffre qui contient... THE BOMB ! I'd just say three words : Project Manhattan. Trinity. Los Alamos. Le démoniaque docteur Soberin qui aura enfin récupéré son bébé, se fera devancer par sa maitresse, toujours les mêmes... Non, n'ouvre pas la boite ! Suspense Noir scientifiquement fictionnel, Lynch n'a rien inventé. Les années 60 arrivent, tous aux abris.

FIN

LE DÉBUT : 1947-1949

BLACK & NOIR : 1947-1949



1941. Le faucon maltais d'Humphrey Bogart va déployer ses ailes noires et créer un nouveau genre cinématographique pour la décennie à venir, influençant pour longtemps le grand écran. Nourri de littérature pulp, dans le prolongement des films de gangsters des années 30 et du réalisme français de Renoir ou Carné, on baptise ce courant hollywoodien d'un sobriquet français : FILM NOIR. Fritz Lang, Robert Siodmak, Billy Wilder, immigrés autrichiens et allemands, Howard Hawks, Orson Welles ou Alfred Hitchcock, vont tous contribuer à l'affirmation de ce style de métrage précis et cynique.

Royaume du mensonge, du parler dur et des intrigues complexes. Univers peuplé d'individus fatalistes, vicieux et corrompus, vêtus de longs impairs beiges. La rupture avec la romance et le mélodrame traditionnel est consumée. C'est une autre vision de l'après-guerre, décadente, perdue dans l'alcoolisme, l'adultère, le jeu et le crime. C'est aussi l'avènement de la femme fatale, vénale et machiavélique. Lauren Bacall, Veronica Lake, Rita Hayworth et Ava Gardner magnifieront ce rôle. Voici un passage en revue de 13 films marquants, réputés ou non, sortis dans la prolifique décennie 1945-1955.



OUT OF THE PAST (1947) Jacques Tourneur



Ça commence très fort. Après avoir tâté du zombie, Tourneur emploie deux des meilleurs tronches de l'époque pour son meilleur film. Robert Mitchum VS. Kirk Douglas. Le second, ressurgit dans le présent du premier. Anciens partenaires en crime, Sterling réengage Bailey pour retrouver sa femme, échappée à Acapulco. Évidemment, Jane Greer va séduire Bailey le tombeur, et ils vont tenter de s'enfuir ensemble, mais on ne fuck pas avec Kirk Douglas (My feelings? About ten years ago, I hid them somewhere and haven't been able to find them). Le vice de Jane Greer atteint les limites du raisonnable. Les dialogues sont d'une qualité incroyable. Ironiques, cyniques, sexistes et drôles, sortant de la bouche de Mitchum (accompagnée de la voix off inhérente au genre), ils prennent encore plus d'ampleur (You're like a leaf that the wind blows from one gutter to another). Filmé au Mexique, Nevada, Californie et NY. Si tu ne devais en voir qu'un...


RAW DEAL (1948) Anthony Mann



Case prison. Rick doit du dollar à Joe, un voyou sans pitié enfermé à sa place. Il organise donc son évasion en espérant qu'il se fasse descendre, ainsi, plus de dette débitable. VICE. Seulement Dennis O'Keefe pas trop. Non seulement il réussit à sortir du bordel mais en plus, s'engage dans un road trip mouvementé, avec sa femme collante, et son avocate désirable. Destination : le plus loin possible. Pas banal comme scénario. Il y a une scène géniale où, cachés chez un vieil ami de Joe, au milieu d'une forêt, un autre truand débarque dans la nuit pour se planquer, suivi par une armée de flics. Confusion totale. Tiraillé entre les 2 femmes, jusqu'à la dernière minute du film, il règlera ses comptes avec Raymond Burr comme prévu, au rendez-vous fixé avant l'évasion. Mais sait-il ce qu'il l'attend ? Une bonne affaire pour Monsieur Mann.


THE STREET WITH NO NAME (1948) William Keighley



Deuxième film de Richard Widmark, après son rôle diabolique dans le KISS OF DEATH d'Hathaway où il pousse une mémé en fauteuil du haut des escaliers ! Il joue ici un criminel plus stable mais tout aussi tyrannique. Son règne n'a que trop longtemps duré. Mark Stevens, un flic sous couverture, va pénétrer son gang pour tenter de le prendre en flag. Leur coutume est de faire coffrer chaque nouveau membre de la bande pour vérifier son casier. Alec Stiles est ensuite sûr de pouvoir compter sur lui. Après avoir côtoyé salle de boxe et salle de jeu, Manly assiste à la préparation d'un nouveau casse, tout en tenant informé un collègue installé dans un hotel miteux en face du sien. Manly va découvrir qu'Alec possède un mouchard haut placé dans la police et son entreprise va devenir très périlleuse. Entre gangster et noir, un suspense haletant pour un film policier précurseur. La rue. La nuit. Top.


ACT OF VIOLENCE (1948) Fred Zinneman



Changement de registre pour un thriller qui aurait très bien pu s'appeler PURE VENGEANCE, BACK FROM HELL, ou un million d'autres possibilités de ce type (par le réalisateur du CHACAL). La seconde guerre mondiale a laissé des séquelles. Joe Parkson est un ancien prisonnier des nazis et tombe sur la photo de son compatriote Frank Enley dans un journal. Van Heflin a réussi et mène une vie paisible au sein de sa communauté californienne. Seulement ce que ni les gens ni sa femme ne savent, c'est qu'il n'a pas hésité à trahir les siens pour se sauver des griffe allemandes. Robert Ryan est le seul survivant, boiteux, et tient bien se rembourser en nature pour le devoir de mémoire. Un homme terrorisé, qui va toucher le bas-fond et s'acoquiner avec des gangsters de bas-étage, face à un ennemi vengeur et déterminé. Une traque qui ne peut s'achever que de manière irréversible. Un film qui ne plaisante pas.


THE SET-UP (1949) Robert Wise



Robert Ryan la tête de mule, passe ici du côté de la victime dans un intelligent film de boxe. Stoker est un vieux boxer risible qui n'intéresse plus personne. Sa meuf qui ne supporte plus sa gueule amochée a décidé de ne pas se rendre à son combat ce soir, et d'aller plutôt trainer sur le boulevard, l'âme en peine. Pendant ce temps, on suit le petit monde de la boxe et l'enchainement d'une nuit au gymnase vue du vestiaire. Les jeunes fauves, les vieux briscards, les réalistes et les idéalistes. Un portrait authentique et drôle. Dernier combat de la soirée. Stoker surprend tout le monde, solide jusqu'au 3ème round, et voyant l'absence de sa moitié dans la tribune, il met KO son adversaire 10 ans plus jeune, frôlant l'épuisement. Mais la joie est de courte durée, le caïd du coin a truqué le match et Stoker ne s'étant pas couché, il va devoir s'en expliquer. Justice du milieu impitoyable et drame sportif sans précédent. Un classique signé Robert Street-Wise.


WHITE HEAT (1949) Raoul Walsh



Rencontre de deux géants. Raoul Walsh dit le borgne, pionnier du cinéma américain, et James Cagney dit le teigneux, le plus authentique gangster que le cinoche ait connu. Tout commence par une attaque de train façon western. Cody Jarrett, gang leader psychopathe, est envoyé au trou. Pour attraper ses complices, un jeune flic sous l'identité de Vic Pardo doit ingénieusement se travestir en pote de cellule. Et tout va aller très vite. Inquiet pour sa mère, qui est tout pour lui (comme Ma et Joe Dalton), Cody va accélérer les choses et sortir tout seul. Vic désormais membre de la bande va difficilement garder le contact avec ses collègues, fabriquant toutefois un capteur radio à l'aide d'un vieux transistor (McGyver n'a rien inventé). Cody doit surveiller sa santé (crises de haine), sa femme volage qui flirte avec son bras droit et le prochain hold-up en prévision. Et rassurez-vous, tous les traitres seront démasqués. La prestation diabolique et violente de Cagney est un plaisir pour les yeux et les oreilles. La fin du film est atomique, à tous les degrés. Une jouissive démonstration de force.


THE THIRD MAN (1949) Carol Reed



Après les bas-fonds de Frisco, LA, Chicago ou NY, le film noir nous entraine sur les pavés glissants européens. Carol Reed se rend à Vienne après avoir exploré l'Irlande dans son autre classique, ODD MAN OUT. C'est tellement riche que je vais tenter de faire court. 1945, la ville est coupée en 4 comme Berlin. Soviétiques, Américains, Britanniques et Français se partagent le gâteau. Holly Martins, écrivain US de polars en vogue, s'y rend pour voir un ami. Pas de bol, Harry Lime vient de se faire tuer par une voiture. Holly va se substituer au héros de ses livres pour mener lui-même l'enquête sur ce louche accident. Avec Anna, l'ex-compagne d'Harry, mêlée à une sombre affaire de faux papiers, et un soutien ambigu du Sergent britannique Paine, il va lui aussi jouer avec sa vie et découvrir que Harry a organisé sa mort pour agir en souterrain et continuer son marché noir de morphine. Orson Welles performe et ce long final dans les égouts viennois est un délice. Ambiance mystérieuse, nuits sombres et scénario savant. Sisi peut sucer ça. Une démonstration de finesse.

LA SUITE : 1950-1955

RAPT (2009)

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NAKED (1993)



Les ailes noires de la dépression planent à 15 km, au dessus des autres films, NAKED sourit mesquinement. Une scène de viol, dans une rue sombre de Manchester, c'est comme ça que ça commence. Johnny fuit pour éviter les représailles. Arrivé à Londres, il se pointe chez une ex-copine, Louise. Mais c'est Sophie qui l'accueille, une goth camée qui succombe à son charme froid et cynique. Elle ne tarde pas à se coller et donc il décolle, laissant les deux filles dans le souvenir. Il traine ses guêtres dans la rue et survit au fil de rencontres. D'abord Archie et Maggie, deux écossais perdus et dérangés. Puis Brian, un veilleur de nuit qui réfléchit beaucoup, beaucoup trop, comme Johnny. Ou encore cette serveuse de café qu'il suivra chez elle, une fille d'une tristesse si profonde qu'il n'aura aucune chance de pénétrer son âme.

LA BIDON-ANNONCE
L'APOCALYPSE SELON ST. JOHNNY

David Thewlis est bluffant dans ce rôle de zonard au Q.I. plus qu'élevé, drogué à la littérature et à l'art de la séduction. Parallèlement à lui, quelques moments de la vie de Greg Cruttwell sont évoqués, une sorte d'English Psycho, yuppie sadique, provocateur et libertin, 7 ans avant le film de Mary Harron. Ils se rencontreront lors de la scène culminante du film, sûrement la meilleure réalisation de Mike Leigh, digne d'une tragédie grecque. La joie de vivre est dans le coma pendant 2 heures, troquée contre le pur réalisme anglais qui offre une vision de la vie à 666°, philosophique, sexuelle, sociale, économique... Les dialogues sont d'une élaboration plus que savante, drôles et assassins. Le fond est noir et accablant, aucune solution n'est imaginée comme le démontre l'anti-héros en s'échappant continuellement, simplement une fuite infinie vers l'avant.



Maggie: Have you ever seen a dead body?
Johnny: Only me own.

Sophie: What is a "proper relationship"?
Louise: Living with someone who talks to you after they bonked you.

Johnny: You're guarding space? That's stupid, isn't it? Because someone could break in there and steal all the fuckin' space and you wouldn't know it's gone, would you?
Brian: Good point.

Sophie: You shouldn't stick anything up your cunt that you can't put in your mouth.

Johnny: You can't make an omelet without cracking a few eggs. And humanity is just a cracked egg. And the omelet stinks.

THE MIST (2007)



Il y eut FOG de John Carpenter... 30 ans plus tard voilà MIST de Frank Darabont. Le brouillard s'est nettement épaissi et il n'annonce plus l'arrivée de grotesques pirates mais l'ENFER. Les créatures de l'au-delà ont débarqué sur Terre grâce à une porte inter-dimensionnelle malencontreusement ouverte par l'Armée. Sacré Stephen King ! L'ouragan précédant la brume force tous les habitants de cette petite ville du Maine à faire leurs réserves au supermarché local. Mais ceux-ci se retrouvent vite coincés par ce brouillard à couper à la hache, l'ancien qui débarque tel un dératé au magasin, le nez ensanglanté, ne va rien arranger... C'est parti pour un huis-clos hautement mist-anthropique.

"I'm not sure I believe it, and I was here. What we saw was impossible". En effet, impossible. La première apparition d'éléments surnaturels : des tentacules gluantes, est vraiment (dino) risible. On se dit que c'est mal barré... mais la terreur fait progressivement transpirer. Il y a les convaincus, les sceptiques, puis les angoissés qui vont, au fur et à mesure de l'occupation des rayons, se fier corps et âme à la prêcheuse apocalyptique de la bourgade, Mrs. Carmody. Elle est le personnage le plus marquant du film, plus que David Drayton le héros sur papier, une sorte de Tom Hanks dianabolé. "The end of times has come. Not in flames, but in mist".



Les humains vont alors se dresser les uns contre les autres projetant le danger à tous les niveaux de l'aventure, aussi bien à l'intérieur (dévots incontrôlables) qu'à l'extérieur (apparition d'araignées et de moustiques géants (scène géniale!) et de bestioles futuro-préhistoriques immondes). Le temps presse. Tour à tour le nombre de survivants décroit, entre ceux voulant braver la brume se retrouvant démembrés, ceux se suicidant par dépit (cachets, pendaisons), et ceux que l'Ancien Testament amèneront à s'affronter violemment. Certains dialogues restent marqués. Une seule solution pour éviter l'expiation : PARTIR.

Amanda: You don't have much faith in humanity, do you? People are basically good; decent. My God, David, we're a civilized society.
David: Sure, as long as the machines are working and you can dial 911. But you take those things away, you throw people in the dark, you scare the shit out of them - no more rules.



Ce qui va suivre dévoile des éléments clés de l'intrigue

Ils seront 8 au départ, 5 une fois dans la 4 roues motrices. Le plan : rouler jusqu'à ce que le réservoir crie famine. Mais le brouillard ne faiblit pas et lorsque les 5 civils terrorisés entendent la surface se scratcher, ils savent que l'ampleur du phénomène les dépasse. Une créature de 60 coudées leur passe au dessus, sans broncher. Ça pue la fin des temps, le sort du Monde est désormais irréversible. Plus d'essence, comme seule porte de sortie, un revolver, mais 4 balles seulement. David se sacrifie et tue de sang froid les 4 autres occupants de son 4x4 dont son fils. Désespéré, il sort et attend que le futur vienne l'enlever... Et c'est là que Darabont bluffe tout le monde, en montrant lors d'un magnifique plan final (sonorisé par DEAD CAN DANCE), l'Armée US remilitarisant la zone au lance-flamme, laissant David complètement désemparé... Tous morts pour rien ? Un film d'horreur pas comme les autres.

LA RAISON DU PLUS FAIBLE (2006)

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EVILENKO (2004)



On retrouve ici le vieux Malcolm McDowell, sur lequel vous vous êtes tous ciré le pingouin dans ORANGE MECANIQUE et CALIGULA. Eh bien il n'a rien perdu de sa malice et de son vice. Ce film de David Grieco basé sur des faits réels est dobby dobby dingo. McDowell incarne le monstre de Rostov, aka Andrei Chikatilo, un pédophile russe qui viola, tua et mangea plus de 50 enfants entre 1978 et 1990. C'est à la suite de son licenciement, pour attouchements sur une élève, que ce professeur d'histoire, un des derniers fervents défenseurs du communisme, tombe dans la folie et poursuit de jeunes enfants qui se laissent hypnotiser par le regard triste et attendrissant du vieil homme. On se laisse avoir nous aussi tellement c'est puissant à l'écran (L'ambiance pesante se rapproche de THE WOODSMAN sorti la même année), notamment cette confrontation pleine de tension entre le justicier et le criminel. Le doc en bonus DVD sur Chikatilo terrorise. On le voit, le jour de son procès en 1992, raconter méticuleusement la dépouille d'un jeune garçon avec le sourire aux lèvres, affreusement diabolique !



DÉSORDRE (1986)

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Yves Boisset (1970-1977) : Six pieds dans le plat

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Yves Boisset est le réalisateur "gênant" des années 70. Politique, couillu et virulent. Il tapera sur un point précis, qui fait de préférence mal, tous les ans. Pas la peine de chercher, à l'heure actuelle il n'y a plus aucun équivalent. Après 2 premiers films plutôt convenables, COPLAN SAUVE SA PEAU (1968) d'abord, une série B d'espionnage avec Jean Servais et surtout CRAN D'ARRÊT (1970), une sorte de thriller à l'italienne assez réussi avec Bruno Crémer, il s'attaque à son film le plus puissant :

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Claude Chabrol (1969-1971) : La Trilogie du Mal


QUE LA BÊTE MEURE (1969)



La vengeance avec un grand V est la trame de ce génial film de Claude Chabrol. Charles Thénier (Michel Duchaussoy) est un écrivain pour enfants qui passe ses vacances du côté de Quimper avec son fiston. Un matin, dans un bourg désert, le petit Michel revient de la pêche avec son épuisette... Et au carrefour, BOUM! Un taré le prend de plein fouet et continue sa route. Ce taré, Charles va essayer de le retrouver, de le traquer, pendant des mois et des mois, sans succès. La police n'a rien. Et c'est le hasard, le formidable hasard, qui va faire la différence. Une voiture embourbée ? Une aile endommagée ? Une actrice télé ? Le jour même du drame ? Le paysan qu'il croise sur sa route lui raconte tout sans se forcer, les assassins de son enfant sont passés ici-même il y a des mois de ça...



Charles va retrouver cette Hélène Lanson (Caroline Cellier), lui faire la cour et son œil va se remettre à briller à l'approche de la vérité. Elle a de la famille à Quimper et son beau-frère est garagiste, tout concorde merveilleusement. Elle sort en plus d'une grave dépression nerveuse, ce qui écarte visiblement sa culpabilité. Hélène qui n'apprécie pourtant pas sa famille va retourner passer quelques jours chez eux avec Charles. L'homme meurtri va enfin rencontrer le criminel, l'être abject qui a détruit son existence, Paul Decourt (Jean Yanne). C'est un homme invivable, cruel et injuste avec sa femme et son fils, distille sa haine et sa brutalité à chaque parole, l'antipathique total. Charles avait peur de rencontrer quelqu'un de charmant, là il n'a plus aucun doute, il le tuera sans sourciller, c'est certain. Cependant, le démon est plus malin que ça...



Charles écrit un journal depuis la mort de son fils, où il raconte dans les détails sa chasse au meurtrier et son souhait de vengeance mortelle. Paul lui vole et le dépose chez son avocat, au cas où il lui arriverait quelque chose Charles serait le suspect n°1. Lors d'une balade en voilier, Charles a planifié la mort de Paul qui ne sait pas nager, le temps se dégrade, parfait. Seulement, Paul sort son revolver, retour à la côte immédiat. Charles & Hélène sont mis dehors. La tentative a échoué. Ils reçoivent pourtant la visite de la police dans la soirée. Paul est mort. Empoisonné. Charles est questionné et son contre-alibi de suspect n°1 semble l'écarter. Pour couronner le tout, le fils Decourt se dénonce lui-même témoignant la haine de son paternel. Le coup de Charles est parfait, digne d'une tragédie grecque. Il rédige une dernière lettre signant ses aveux avant de s'enfuir en mer. Subtil, brut et tragique, le cinéma français au top.



LE BOUCHER (1970)



La folie amoureuse meurtrière est au cœur de ce film tourné du côté de Sarlat en Dordogne. Stéphane Audran (Hélène), l'institutrice du village rencontre Popaul (Jean Yanne), le boucher, à un mariage. Celui-ci chope le coup de foudre. Il la suit partout, lui fait des cadeaux, lui offre ses services et parvient même à obtenir son amitié. Mystérieusement, à chaque fois qu'elle se rend quelque part, en promenade scolaire, dans une autre ville ou ailleurs, une femme est retrouvée assassinée après son passage. La tension au fond de ce bourg isolé va croître tout au long du film, façon Hitchcock.



Popaul a vu les atrocités de la guerre et se plaît à déballer ses spectacles verbaux répugnants à chaque nouvelle d'un nouveau crime. Seulement un jour, Hélène fait visiter les fameuses grottes à ses élèves et est la première à découvrir le corps mutilé de cette jeune fille ("Il pleut ?" "Non c'est du sang!!"). Celle-là même qui s'est mariée quelques temps plutôt et a provoqué leur rencontre. Elle trouve par hasard le briquet offert à Popaul quelques jours auparavant sous une pierre. Le frisson s'installe. Mais le boucher démoniaque s'est re-procuré le même, ce qui éloigne temporairement ses soupçons. Elle ne sait plus.



Un samedi soir (en province), Popaul se fait plus pressant, lui avouant qu'il doit absolument lui parler. Il EST LÀ, frappant au carreau. C'est la grosse panique, les escaliers, les verrous, les fenêtres. Mais il est déjà à l'intérieur. L'amour profond est avoué, les crimes passionnels aussi. Devant la froideur et l'impassibilité de l'institutrice, dépourvue de sentiments depuis une relation antérieure, le boucher devenait fou et tuait, violait, démembrait, faute d'amour réciproque. La fin est tragique une fois de plus, avec un suicide inattendu à la clé. Une atmosphère unique, un suspense haletant, à voir vraiment.



JUSTE AVANT LA NUIT (1970)



Je termine avec, pour moi, le chef d'œuvre ultime de Chabrol. Tous les ingrédients qui ont fait sa renommée sont ici: les restes de la nouvelle vague, la satire de la bourgeoisie, l'infidélité et les jeux interdits, la noirceur, l'angoisse perpétuelle, la beauté déconcertante de ses actrices (Stéphane Audran) et la froideur incommensurable de ses acteurs (Michel Bouquet l'esquimau), déjà en couple dans LA FEMME INFIDÈLE. Charles Masson (Bouquet) est un publicitaire embourgeoisé qui s'adonne à des jeux SM avec la femme de son meilleur ami François (Périer). Mais un jour, alors qu'il l'étrangle pour la faire jouir, il perd le contrôle... Laura est étendue sur le lit, complètement inerte. Il quitte la chambre, abasourdi. Au comptoir d'un troquet du quartier, il tombe par HASARD sur François, le malaise...



Ils vont manger ensemble et François reçoit un coup de fil, Laura a eu un accident. Il part sur les lieux, Charles rentre chez lui après lui avoir proposé de l'accompagner. Dans un premier temps, Charles va prendre sur lui et ne rien dire à personne. Cependant, une amie de Laura le fixe durant l'enterrement, Hélène (Audran), sa femme, le remarque. Cette amie va attendre quelques jours puis va faire part de ses doutes à François, désemparé. Elle est certaine d'avoir vu ce Charles avec Laura à la porte de cette chambre. François ne veut rien savoir, il le connait depuis 25 ans, et lui prie de ne pas aller à la police, elle accepte. Mais c'est Charles qui perd le premier les pédales alors que François fait progressivement le deuil de sa femme.



Il avoue d'abord à Hélène qu'il l'a trompé, avec Laura, puis ensuite que c'est lui l'assassin. Celle-ci est de tout cœur avec lui. Déçu de cette absence de châtiment et de souffrance, le remord le ronge entièrement. Il ne veut plus aller au travail, devient instable, suant, glacé avec ses enfants et sa femme, ne dort plus. Il décide d'avouer les faits à François, qui lui aussi reste impassible et sans animosité aucune. Incroyable. Il a commis un meurtre, de sang froid, et personne ne veut le punir. C'est décidé, demain matin, il ira se dénoncer lui-même à la police, qui a presque classé l'affaire. Mais Hélène va décider de son destin à sa place, privilégiant la mort à l'isolement. C'est un des films les plus froids et noirs de France, rien qu'une fraction de seconde dans le regard de Michel te glace le sang. IMMANQUABLE.

LES MOIS D'AVRIL SONT MEURTRIERS (1987)



Mon père disait toujours que les gens du Nord donnent l'impression d'être froids, mais c'est pas vrai. On les croit froids mais c'est de la dignité. Et c'est cette dignité qui a disparu dans les années 60... Y'a plus d'idéal. Tout c'que j'peux faire dans la tristesse de cette vie sans toi ma p'tite fille, c'est faire ce que je crois juste, en dépit du mal. Mais c'est démodé. Les gens n'savent plus qu'aucune balle ne puisse faire souffrir autant qu'un amour perdu.

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BLACKBOARD JUNGLE (1955)



Ce film est pionnier sur deux points. Pour commencer, c'est la première fois qu'un film avec une esthétique rock'n'roll, on peut pas vraiment parler de film rock non plus, sort au cinéma (REBEL WITHOUT A CAUSE avec James Dean, sortira quelques mois plus tard). Le titre qui retentit pendant le générique du début et de fin n'est autre que "Rock around the clock" de BILL HALEY & THE COMETS. Il parait d'ailleurs que le disque ne marchait pas du tout avant la sortie du film. Et puis, c'est une des premières fois aussi qu'une relation tourmentée professeur/élèves est mise en avant à l'écran. La société d'après guerre n'arrive plus à contrôler ces jeunes gamins des rues, insoumis et avides de violence. Leurs faits d'armes sont variés, tentative de viol à la bibli, passages à tabac de profs, cassage de 33 tours, envois de lettres anonymes ou encore incitations à la haine raciale! Ce ne sont plus des élèves mais de vrais loubards (ils arborent même de grands X au dos de leurs blousons, stresse).



C'est Richard Dadier (Glenn Ford et sa face de craie), le nouveau professeur d'anglais, qui réussira à canaliser ces fauves malgré ses sinistres et résignés collaborateurs. Le film perd en crédibilité du fait que les écoliers sont déjà des adultes (Sidney Poitier en tête, dans le rôle de meneur, où Vic Morrow dans le rôle du voyou psychopathe). Et ce sera toujours le cas ensuite dans les films qui traiteront du même sujet (STAND & DELIVER, LEAN ON ME, THE SUBSTITUTE, 187, etc.). Réalisé par Richard Brooks, celui là même qui a écrit le scénario de BRUTE FORCE pour Jules Dassin, autant dire que l'atmosphère est très pesante, noire et urbaine. Un prof qui croit en son métier et qui veut aller jusqu'au bout, quitte à tirer un trait sur sa vie privée. Des femmes terrorisées. Du verre brisé. Des blousons cintrés et des cheveux gominés. Bienvenue dans la jungle.



Jules Dassin (1947-1955) : Le film NOIR a son patron


Pendant ses premières années de réalisateur, Jules Dassin, père de Joe, se spécialise, non pas dans les petits pains au chocolat, mais dans les romances tragiques, avec notamment comme fond la seconde guerre mondiale (NAZI AGENT, REUNION IN FRANCE). Attiré aussi par la comédie (YOUNG IDEAS, A LETTER FOR EVIE), c’est en 1946 que sa carrière prend un tournant avec TWO SMART PEOPLE. Il s’essaie pour la première fois au crime et au film de genre, ce qui le poussera la décennie suivante, à réaliser 5 classiques du film NOIR. Chassé des USA (il est communiste), il se réfugie en Europe dans les années 50 et notamment en Grèce, où il poursuivra tranquillement sa carrière, dans une optique plutôt différente…




BRUTE FORCE (1947) - Les Démons de la Liberté

East Coast, pénitencier de Westgate. Dans la tradition d'Alcatraz, la prison est située sur une île et est hyper surveillée, jusque là, personne n'a réussi à s'en échapper vivant. Ce n'est pas l'avis de Joe Collins (Burt Lancaster). Lui et tous ses potes de la cellule R-17 rêvent à leur évasion depuis un petit moment déjà. Leur volonté de mettre les voiles est appuyée par un changement qui va faire fracas dans l’établissement. Le sadique Capitaine Munsey, s'adonnant aux sévices morales et physiques sur les prisonniers, va bientôt prendre la place du vieux directeur, aidé par un licenciement en douceur. Haït unanimement par tous les détenus et même le personnel, cette décision pousse Joe à s'activer.



Un plan est vaguement établi. Ce sera demain à 12h15. Le portail de la prison étant sous forme de pont-levis, actionné d'un mirador, si la tour n'est pas prise, il n’y a aucun moyen de s'enfuir. Film noir oblige, le plan échouera et tous les occupants de la cellule R-17 périront, sans exception. L'aspect social et acide est présent du début à la fin, agrémenté de nombreux dialogues choc et de réflexions sur l’enfermement, l'autorité et la liberté. On ne s’ennuie pas une seconde, rares dans les films de cette époque. C'est un classique à 100%.




THE NAKED CITY (1948) - La Cité sans Voiles

NYC, fin des années 40. La trame commence idéalement. Le narrateur passe en revue toutes les couches de la société New-Yorkaise d’après guerre. Nuit et jour, actifs et voyous. Mi-film, mi-documentaire. Puis, on suit l'inspecteur Irlandais Dan Muldoon, qui enquête sur la mort suspecte d’une mannequin (Jean Dexter) retrouvée morte dans un hôtel de luxe sur la 52ème. L'intrigue est longue, on peine un peu à suivre, le film avait trop bien commencé. C'est surtout une bonne occasion de voir New-York de haut en bas, et d'est en ouest. Les poursuites dans le metro ou sur le Williamsburg Bridge valent le détour. Dassin dresse un large panorama de la cité, du travail répétitif et sans fin d'enquêteur, ainsi que du train-train quotidien des citoyens américains moyens (métro, boulot, dodo), qui ont été filmés en caméra cachée pour être le plus proche possible de la réalité. Une belle odyssée. (Le film sera à l’origine d’une série TV de qualité diffusée entre 1958 à 1963)




THIEVES’ HIGHWAY (1949) - Les Bas-fonds de Frisco

San Francisco. Nick Garcos (héros grec, comme la femme de Dassin) est un jeune homme fougueux et courageux, décidé à venger son père, rendu impotent à la suite d’un accident (provoqué) de tchamtar. Il suit le chemin du daron, au volant d'un camion, et longe toute la côte ouest pour livrer des pommes à Figlia, le truand italien (pléonasme?) responsable du drame. La logistique et les transports routiers de l’époque n’étaient pas aussi fiables que maintenant, à l’image du SALAIRE DE LA PEUR (sorti quelques années plus tard), la vétusté des machines et les nombreuses embûches vont rendre le parcours interminable. Son collège Ed n'arrivera d'ailleurs pas à bon port et brûlera dans la taule froissée.



Sur place, dans les docks sombres et poisseux de la Bay Area, Figlia essaiera de lui voler sa marchandise, ignorant à qui il a à faire et usant des charmes de Polly, une prostituée. Mais la furie se retournera vite contre lui. Bon, ce n'est pas le film le plus attractif de la période NOIRE de Dassin. On met d'ailleurs du temps avant de déceler le crime. C'est en réalité plus vicieux que ça. Dassin s'attarde à nouveau sur le sort des petites gens, à qui on ne fait jamais de cadeau, et prouve une fois de plus, qu’une fortune ne se constitue jamais les mains propres (partout où il y a de l'argent, il y a du crime).




NIGHT AND THE CITY (1950) – Les Forbans de la Nuit

Londres. Pas de baskets, ni de rock’n’roll. Dassin change de continent mais pas de genre. Harry Fabian (Richard Widmark) est un margoulin des faubourgs (oui c'est la traduction du hustler ici!). Son activité principale se résume à tromper son monde et inventer des affaires qui ne marchent jamais. Il travaille comme rabatteur pour le club privé "Le Renard d'Argent", dirigé par le gros Nosseross et sa vénale femme, Helen. Ce renard de East End a le nez fin. Un soir, après un combat de catch, il réussit à se mettre dans la poche le champion de lutte gréco-romaine Gregorius The Great, feintant comme lui son dégoût de ce sport spectacle qui renie la discipline originelle.



Les combats de catch de la ville sont organisés par le fils de Gregorius, Kristo, sorte de parrain du quartier. Harry décide donc de monter son entreprise en organisant strictement des combats de lutte (Avec le père du Parrain de son côté, il devient intouchable). Mais c'est le début des emmerdes. Magouilles, vols, pots de vin… Harry se met dedans jusqu'au cou. Il se retrouve en cavale sur les quais brumeux de la ville, suite au décès accidentel de Gregorius (qui n'a pas résisté à la spectaculaire prise de l'Ours !), dans un combat contre le terrifiant Strangler, que finalement personne ne verra. Un film fin, ingénieux, du cinéma de patron synonyme d'une époque. Sombre, "insensé" et tragique, comme une vie de voyou.




RIFIFI (1955) – Du Rififi chez les Hommes

Paris, Paris. Et ses gangsters des années 50 affublés de délicieux pseudonymes, qui déambulent à Pigalle. Ce dernier film de la série noire de Dassin, tiré du roman d’Auguste Le Comte (qui, plus tard, sera adapté de nombreuses fois au cinéma avec succès) est sûrement sa plus belle réussite. Tony le Stéphanois (Jean Servais, le mec le plus froid de la Terre) sort de 5 ans de zonze. A peine a-t-il retrouvé son ex-femme, Mado, pour l’humilier et lui faire culpabiliser de son infidélité (elle est désormais sous la joute de Grutter, puissant ponte des nuits parisiennes), qu’il se voit proposer le braquage d’une bijouterie de renom par Jo le Suédois, son ex-pote. Alliés à Mario (Robert Manuel), le spécialiste des alarmes, et César le Milanais (Jules Dassin pour la 1ère fois devant la caméra), expert en bijoux, ils préparent le casse du siècle.



Évidemment, noirance oblige, le coup pourtant bien maîtrisé va mal tourner, à cause d’une femme, évidemment. César le charmeur, a offert une bague d’un million à une des danseuses de Grutter, celui-ci le découvre le jour du casse et avec son flair de truand, fait directement le rapprochement entre les 4 gusses. S’en suit une course haletante contre la montre, avec Tony en point de mire, une femme mourante et un enfant pris en otage. Le final, une lente descente en voiture vers la mort le long des rues de Paris, est somptueux. L’apparition de Robert Hossein en homme de main, complètement camé, est surprenante. Des décors urbains, gris et froids. Un scénario parfait. Les années 50 en plein effet.