Fluoglacial - Tendances Négatives

Global Techno, 1999-2007.



Ce livre sous-titré "l’authentique histoire de la musique électronique" est sorti une première fois en 1999 et a été réédité fin 2007 pour couvrir les nombreuses nouveautés apparues dans le monde la techno au courant des années 2000.

Co-écrit par Jean-Yves Leloup, Jean-Philippe Renoult (tous deux rédac’ chefs de la revue CODA dans les 90’s et membres de Radio FG), Ariel Kyrou (auteur de plusieurs ouvrages en la matière, rédac chef de ACTUEL et spécialiste du monde numérique) et enfin Pierre-Emmanuel Rastoin (photographe et collaborateur de nombreux magazines). Les mecs savent de quoi ils parlent donc.

Le livre comporte 3 parties. Le plus gros morceau, identique à la version 99, est la partie "Voyages". Plus de 400 pages pour 13 villes allant dans un ordre chronologique de New-York à Tokyo (4 villes ayant été ajoutées par rapport à la version originale, ayant pris leur essor technologique plus tardivement : Barcelone, Sheffield, Montréal et Tokyo). Pour chaque chapitre, les auteurs ont ajouté un épilogue plus ou moins long annonçant les changements ayant eu lieu dans la scène électronique de ces villes. Ce qui rend les reports aussi complets que possibles.


LA PREMIÈRE ÉDITION

La 2ème partie est un texte écrit par Ariel Kyrou, nommé "Archéo Techno". "Des futuristes à Napster, une préhistoire des musiques électroniques 1909-2008", bientôt on remontera au moyen-âge pour apprendre le système de collage de sons existait déjà. Bref, les 60 pages sont assez décousues et fouillis mais intéressantes, répertoriant le plus d’influences et de branches possibles.

La 3ème partie est composée d’entretiens auprès d’activistes techno ou pionniers de la musique électronique, réalisés entre 1996 et 2005, à côté des voyages. Se bousculent au portillon, les précurseurs de l’électro-acoustique des années 50/60, PIERRE HENRY, LUC FERRARI ainsi que JEAN MICHEL JARRE (entrevue très intéressante). Les têtes pensantes de l’expérimentation des années 90, APHEX TWIN, AUTECHRE et COLDCUT. Et puis les grands noms de l’électronique et de la techno, KRAFTWERK (les chefs), JUAN ATKINS (la vérité), CARL CRAIG et LAURENT GARNIER.



PARADISE GARAGE, 1981.

1. NEW-YORK
"Club paradis"

Le périple commence à NYC, la ville qui a lancé le nightclubbing grâce à des temples tels que le Loft ou le Paradise Garage. Les années 70, le disco, puis la house, les DJ véritables dieux vivants, les nuits blanches, etc. La parole est laissée à TONY HUMPHRIES, le parrain du New Jersey Sound et un élément déterminant de la house à New-York.

"J’ai vraiment peur de voir que des gens qui sont nés au début des années 1980, et qui n’ont rien entendu d’autre que le type de musique qui passe à la radio, deviennent les décideurs de demain."

Puis on change de cap, à Brooklyn, avec FRANKIE BONES, le petit blanc bercé par les premières block parties ou "warehouses" des années 80. Pionnier dans les 80’s et autoproclamé DJ américain numéro un au moment de l’entrevue ! Il évoque d’ailleurs la dureté de Detroit pour parfaire l’enchaînement…

"J’ai fait des parties là-bas dans des warehouses. Ils sont complètement incontrôlables. Tout le monde est armé. Kenny Larkin s’est fait tirer dessus devant chez lui. Il y a un DJ house qui s’est fait descendre à bout portant parce qu’il ne voulait pas jouer de rap."




2. DETROIT
"Digital resistance"

La ville moteur, sombre, sale et froide, et surtout LA ville techno. De CYBOTRON à UR en passant par SUBURBAN KNIGHT (dont bizarrement personne ne parle), cette ville a enfanté les meilleurs actes technologiques. Et DERRICK MAY, le patron, de dire :

"Notre musique, c’est la rencontre dans un même ascenseur de George Clinton et de Kraftwerk. Elle est à l’image de Detroit : une totale erreur."

Les frenchies à l’aide de leurs guides avisés, traînent où il faut traîner, sans faire de hors-piste et sans dépasser le couvre-feu sous peine de finir under ground. Ce n’est pas pour rien que cette ville a aussi donné naissance à NEGATIVE APPROACH. DERRICK MAY continue cette approche solitaire et communautaire de la famille Detroit…



HEIDELBERG STREET, LA RUE DE LA RÉCUP'.

"Pendant longtemps sortir dans les clubs m’a vraiment déprimé. Aujourd’hui c’est différent. Ca me fait plaisir, mais je suis si fatigué de tout. Je me contente de relations plus superficielles. Et je fais mon truc, sans trop m’occuper de autres."

La visite continue, de la désespérante 8mile séparant les riches des pauvres, ou plutôt les 85% de noirs des 15% de blancs, jusqu’à Heidelberg Street, sûrement une des seules rues colorées de la ville. Puis on lit les réponses de RICHIE HAWTIN et on suit attentivement la traque de MAD MIKE, le créateur de UNDERGROUND RESISTANCE, qui ne donne quasiment jamais d’interviews. Un des seuls restés à Detroit, fier défenseur de sa ville avant tout, considérant la techno comme un moyen parmi d’autres d’aider sa communauté.



LE DÉTONATEUR.

3. CHICAGO
"DJ city"

New-York a les clubs. Detroit a la techno. Chicago a la house. Et si on suit les histoires de vente de boites à rythmes Roland, on constate que sans Detroit pas de Chicago, et donc sans techno pas de house. Tout ça due à une transaction entre DERRICK MAY et FRANKIE KNUCKLES en 1984. Le monde est fou. FRANKIE devient donc le parrain de la house, en se servant des anciennes séquences des mecs de Detroit. Emmené par d’autres noms qui résonnent comme JESSIE SAUNDERS, MARSHALL JEFFERSON ou LARRY HEARD, le son se répand en Europe…



AMNESIA ET SON TUBE NEW BEAT "IBIZA", 1988.

4. IBIZA
"Paradis à vendre"

Cette station balnéaire espagnole est la première touchée. La house puis surtout la vague acid-house de la fin des années 80 y fait des ravages. Le balearic beat naît. Les mega-clubs à l’échelle New-Yorkaise appelés Pacha, Paradiso ou Amnesia séduisent d’abord les anglais, puis les allemands, italiens et français, pour finalement devenir ce que l’on connaît aujourd’hui, une grosse machine à fric totalement dénuée d’intérêt. L’interview de JOSE PADILLA, ex-empereur de la fête, décrit assez bien les différents cycles de l’île.




5. LONDRES
"Club culture"

1988. L’acid-house et la drogue en grande quantité bouleversent la jeunesse anglaise qui se réfugie d’abord dans les premières raves puis dans les monstrueux clubs, Ministry Of Sound, Heaven ou The End. Tout ça est très vite rattrapé par le business et l’industrie justement, évidemment. Le récit navigue de quartier en quartier pour une analyse plus sociologique du mouvement techno anglais ou plus précisément londonien, ainsi que de ses participants, la ville où un style musical naît chaque mois… Terminus avec l’interview des bricoleurs de FUTURE SOUND OF LONDON.




6. BERLIN
"Metropolis"

Fascination pour cette nouvelle ville technologique, à l'architecture débordante, qui, à cette époque (1998), est un gigantesque chantier. On l’apprend à chaque page d’ailleurs, au cas où on l’oublierait. Ville très tôt marqué par la love parade et cet esprit de fête à n’en plus finir, son envol est pris après la chute du mur, bien sur. L’entrevue sur place est effectuée avec le boss du mythique label TRESOR et du club du même nom, crées tous deux en 1991. ALEC EMPIRE politise ensuite le courant acid-house de façon marrante et spontanée. Puis c’est la naissance de la trance avec SVEN VATH et tout se démocratise et se développe. Berlin devient la ville techno la plus prisée au monde.




7. PARIS
"Libéré"

1998, sur un air dégueulasse de champions du monde et de techno parade, le monde électronique a la tête dans les nuages. Eh oui en effet, pour la première fois, après le sillon tracé par la touche française, DAFT PUNK, un duo électronique français obtient un succès énorme hors des frontières. Et c’est THOMAS BANGALTER qui se colle aux questions major vs. underground. Puis on revient aux débuts, LAURENT GARNIER l’ambassadeur, Bastille bastion des DJ’s, les soirées au Queen, à la Loco, à la Luna, la création du Rex, la fermeture du Palace, l’avènement de la french touch…

Celui qui se colle à l’interview est l’étonnant PATRICK VIDAL. D’abord lyonnais et membre du groupe rock punk français des années 70, MARIE & LES GARCONS, il devient ensuite DJ aux Bains-Douches (Paris, 1983) et expérimente les premiers sons rap en public, pour ensuite découvrir la house et l’homosexualité, souvent pionnière dans l’électronique.

"Si le DJ se fait star à la place de la rock-star, je ne vois pas ce que l’apogée de la Dance-Culture aura changé. De même que de vouloir faire de la techno une culture, ça me semble ridicule. … C’était anti-rock, anti-disco même, puisqu’il n’était pas question de paillettes, ni de putain de carré VIP, ni de physionomistes à la porte des clubs… Maintenant j’en suis presque à regretter ça puisqu’on est pris au piège de la banalité."


GLOIRE DE 1978 à 1989, FERMÉ DÉFINITIVEMENT EN 1996.

"Au Palace, le patron Fabrice Emaer laissait rentrer des punks gratuitement et leur payait des bouteilles parce qu’il voulait des gens comme ça dans sa boîte. Et surtout, les gens qui tenaient des établissements étaient eux-mêmes des fêtards. La différence est là. C’est tout."

Dans le long épilogue, évidemment ici les auteurs ont vécu le phénomène de l’intérieur, le critique anglais NICK COHN revient sur la déferlante des free-parties… Intéressant. Déferlante qui a malheureusement touché de plein fouet la Bretagne ! Puis un nouvel aperçu des clubs parisiens est fait avec le "clubbing humanitaire" du Pulp, mais aussi le Privé, le Vogue ou le Tryptique, ainsi que les quartiers bougeant. Conclusion sur la french touch 2.0 et le nouveau conflit culturel, avec d’un côté DAVID GUETTA, et de l’autre JUSTICE !




8. VIENNE
"Musique de chanvre"

J’avoue qu’à ce stade j’ai eu du mal à aller au bout des écrits. La capitale autrichienne est marquée par un groove et une mollesse relative à sa qualité de vie. Comme on peut constater dans chaque chapitre, l’environnement influe directement sur la création artistique. Les 2 maestros s’appellent PETER KRUDER et RICHARD DORFMEISTER. Le club s’appelle le Flex. Tout ça trempe plus dans le hip hop, dub ou drum’n’bass. Sissi.




9. PHILADELPHIE
"Au-delà du Philly Sound"

Le Philly Sound c’est ce style de soul funky et romantique populaire dans les années 70 et courant sur la même ligne que les artistes de chez Motown ou Stax. Philly est aussi la ville d’Unabomber. Cocktail explosif. Les technoïds veulent revendiquer aussi cette identité culturelle. Le guide et le mec à suivre s’appelle JOSH WINK, qui performe dans la house-techno, la drum’n’bass, et dans la cabine du club Fluid. C’est un peu le moteur de la ville, avec son label 611, mais visiblement, la sauce n’a pas réellement pris sur la durée…



KRAFTWERK @ SONAR, 1998.

10. BARCELONE
"Movida electronica"

Outre la kermesse dance à Ibiza, la makina et les Seat tunées, l’Espagne a autre chose. Cette chose s’appelle le festival SONAR de Barcelone. L’évènement existe depuis 1994, créé dans la continuité des J.O. de 1992, dans une ville polie et refaite à neuf. Il draine chaque année des spectateurs de plus en plus nombreux, les auteurs regrettent d’ailleurs le côté intimiste des débuts face au succès atteint dans les années 2000, qui dépasse les 100 000 personnes grace à des affiches de folie. Ils donnent au festival le qualificatif d’"avant-gardisme populaire". Alors on ne peut pas réellement parler de "scène électronique" concernant Barcelone, mais plutôt d’un noyau d’activistes, dont les initiateurs du fest, Advanced Music.



COME TO DADDY, WARP 1997.

11. SHEFFIELD
"Working-class & cyber kids"

La ville de CABARET VOLTAIRE, et la ville où il y a RIEN à faire. Définie comme la Detroit anglaise, on pénètre ici dans une ancienne ville ouvrière où l’espoir est proche de zéro. RICHARD KIRK de CV continue toujours ses expérimentations de l’electro à la house jusqu’à être la première signature du label W.A.R.P. (Weird And Radical Projects) au tout début des années 90. Label qui signera entre autres, LFO, APHEX TWIN ou AUTECHRE, donnant notamment naissance, ou plutôt renaissance au terme IDM (Intelligent Dance Music). Alliée au graphisme "militant" du groupe TDR, la ville se veut à la pointe en matière de techno.




12. MONTRÉAL
"Belle et numérique province"

Une des dernières venues dans le monde électronique est la capitale du Québec, aussi connue pour ses rappeurs qui parlent vrai. Le mouv’ est lancé vers 2000 par 2 DJ’s, TIGA et AKOUFEN, et appuyée par des festivals reconnus, obscurément appelés Mutek ou Elektra. Adeptes du sampling et du tout numérique (aidé par le FCMM, Festival de Cinéma et des Nouveaux Médias), en plus de ça, la ville présente un coût et une qualité de vie très avantageux, la rapprochant de Berlin avant son invasion bobo.




13. TOKYO
"Ville-médium, cité-fiction"

On termine ce tour du monde par la ville qui fascine tout le monde et qu’on ne comprendra sans doute jamais. On atterrit dans un pays où les sons sont partout, et la musique d’ascenseur reine. Royaume publicitaire bruyant, patrie du high-tech et des néons jusqu’à l’infini. Il parait aussi qu’on y trouve les meilleurs disquaires, les meilleurs clubs (Liquid Room, Yellow), et la meilleure ambiance, proche de l'hystérie connective. A l’origine de gigantesques festivals comme Electraglide ou SonarSound, c’est évidemment aussi à Tokyo que l’industrie numérique est la plus développée, la preuve, même sans artiste, ils arrivent à figurer dans un livre français sur la techno !


On se demande où est passé la Belgique dans tout ça, l'Est, la bass de Miami ou de L.A., les expérimentations post-punk ou new wave, la scène industrielle puis EBM, le new beat, etc. 700 pages subjectives, évidemment, mais intéressantes. Pour terminer, la vision de la musique électronique par les patrons eux-mêmes, extraits des entretiens de fin d’ouvrage.



"Il y a un parallèle idéal que l’on peut tracer entre le cyclisme et la musique, et en particulier la musique électronique. Étrangement, la presse sportive allemande a récemment comparé le cycliste Jan Ulrich à un véritable homme-machine, un « kraftwerk sur deux roues ». Il y a là une idée visionnaire. Dans ce sport, il faut en effet savoir tenir et gérer son avance, rouler en groupe et en harmonie, rester en équilibre avec sa machine. Autre point commun entre le sport cycliste et nos compositions, c’est l’aérodynamisme, à l’image d’une musique qui roulerait sans effort, suivant une sorte de fluidité idéale." KRAFTWERK



"J’étais déjà persuadé à l’époque que l’électronique était la seule alternative au rock. Et que nous en tant que Français, Allemands ou Continentaux, on n’avait aucune chance dans le rock, dans la mesure où j’ai toujours considéré que le rock était une musique ethnique, anglaise ou américaine … qui ne pouvait se faire qu’en fonction d’un terroir précis, le terroir anglo-saxon. Au même titre qu’une Edith Piaf malgache ou qu’un Jacques Brel sénégalais ne pouvaient pas rivaliser avec les originaux, on n’a jamais pu être réellement en compétition, malgré le talent des musiciens en France de l’époque, avec le rock. En revanche, la musique électronique a toujours représenté pour moi quelque chose qui devait, et qui ne pouvait être qu'européen avant tout."
JEAN-MICHEL JARRE


GLOBAL TECHNO

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Commentaires

1. Le jeudi 14 août 2008 à 09:19, par tomypunk

il a l'air vraiment cool ce bouquin !!

2. Le dimanche 17 août 2008 à 01:29, par CHHHHERRRRRRRYYYYYYY

Moi j'ai commencé a lire Techno Rebelle
MMMais j'ai pas fini



3. Le lundi 18 août 2008 à 19:59, par Masterkiller

Instructif.

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