Fluoglacial - Tendances Négatives

MOI Y'EN A VOULOIR DES SOUS (1973)



En 1973, Jean Yanne est en plein heyday. Après le succès de "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" (qu'il ne retrouvera d'ailleurs jamais), il poursuit son attaque des médias et des ficelles publicitaires pour atteindre la source: le capitalisme. Taquin au possible, il tape sur la tête de tout le monde: les féministes, les flics, l'église moderne, les syndicats, les contribuab'... mais tape un peu moins sur les fesses des secrétaires. Sous le nom de Benoit Lepape il propose un marché à Adrien Colbart (Bernard Blier le génie français), son oncle à la tête de la CGI, sorte de CGT avec un bâton en moins. "La seule manière de combattre le capitalisme, c'est de devenir capitaliste !" Il va gravir les échelons du patronnat pour ensuite léguer son empire au peuple, mais la "lutte des classes" va poser quelques petits problèmes... Dans les 4 scènes suivantes: la CGI fait la quête pour acheter des actions dans le cyclo, Lepape fait visiter l'usine du futur, le syndicat veut jouir vite d'un gros building, et pour terminer, les ouvriers séquestrent un patron pour l'empêcher de démissionner. C'est autre chose que Le Grand Soir !






Mais Jean, c'est toi qui conduis!



C'est en bleu et jaune que le numéro 3 de Schnock accueille l'été, bleu et jaune, couleur des cuisines des ménagères de 27 à 87 ans. Et en couv, le père Jean Yanne, avec sa traditionnelle tonsure qui s'extirpe du col ouvert de sa chemise (sans jabots cette fois). Était-ce donc ça la véritable élégance française ? Jean Yanne l'affreux, le râleur, l'anar fêtard, l'anti, le prototype du libre français... Parti rejoindre le paradis des rouflaquettes depuis bientôt 10 ans, les schnockeux ont donc fait appel à son entourage, se comptant sur les doigts d'une paluche comme tout clown triste qui se respecte, mais heureusement pour nous très bavard. Bref, vous saurez tout sur l'âge d'or du 'comédien musical' grâce à Jean-Yves Guilleux (spécialiste de Michel Magne, le compositeur suicidé), Gilles Durieux (l'ami fidèle), Gérard Pirès (avant Taxi) ou encore Jean-Louis Bertuccelli (réalisateur de L'Imprécateur). 60 pages après quoi tu auras l'impression d'avoir connu Jeannot comme personne ! Mais eh, et le "dictionnaire des mots qu'il y a que lui qui les connaît" hein?



Dans ce numéro (je n'emploierai pas le ridicule terme "mook") toujours aussi agréable, toujours aussi fourni et fouillé, l'histoire du lapin de la RATP dont on ne comprend pas s'il aime ou pas glisser ses doigts dans la porte coulissante du métro, ce petit salaud masochiste. Plus fouillis que fouillé, la découverte de la beat generation par Le Crapouillot (canard de l'autre côté de l'extrême gauche) qui en fit bien chié certains. Les derniers jours de Ferdinand Legros le faussaire te feront verser une larmichette, tandis que l'enquête sur les véritables auteurs des éditions La Brigandine laisseront une bosse sur ton pantalon. Putain c'est pas fini ! Coup droit de McEnroe, le gaucher maléfique, coup de guitare de Vulcain, le hard rock franchouille, et coup de crayon de Fred, le dessinateur de Philémon. Des trucs que tu ne liras pas ailleurs, comme l'article sur Jean Luisi dans la rubrique "Lait caillé du cinéma", le second rôle au rire sardonique et au nombre de répliques frôlant le chiffre zéro. La Schnockitude? Oui! L'actualité? Non!


Liberté, égalité, choucroute



" J'ai failli écrire de faux Mémoires de Landru. J'avais déjà le titre: La femme au foyer.

La femme veut être l'égale de l'homme, mais comment fera-t-elle pour monter aussi bas ?

Heureusement que Jésus-Christ n'est pas mort dans son lit. Sinon, en Bretagne, il y aurait un sommier en granit à chaque carrefour.

Jésus revient! Que tout le monde fasse semblant d'être occupé!

A la campagne, les paysans pratiquent l'inceste pour ne pas abîmer les animaux.

La Promenade des Anglais à Nice, c'est bien le seul endroit où les chiens glissent sur les crottes de vieux. "

On n'arrête pas la connerie, Jean Yanne, 2010.
(Picture: Le Boucher, 1970)

Ne partez pas en vacances.



" Eh bien, ça y est ! La période la plus bête de l'année vient de commencer. Cette période dite « des vacances », du grec vaos aller et du latin cançus repos.
Aller au repos. Il semble que les citadins n'aient plus que cette idée en tête, dès qu'arrivent les premiers Jours de juillet. Les pauvres gens ! Ils ne savent pas, bien sûr, que cette prétendue détente que l'on trouve sur les plages, au milieu des étendues d'herbe ou au pied des montagnes, n'est qu'un mythe, un mythe qu'il est nécessaire de détruire.

LE SOLEIL EST UNE COCHONNERIE !

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Yves Boisset (1970-1977) : Six pieds dans le plat

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Yves Boisset est le réalisateur "gênant" des années 70. Politique, couillu et virulent. Il tapera sur un point précis, qui fait de préférence mal, tous les ans. Pas la peine de chercher, à l'heure actuelle il n'y a plus aucun équivalent. Après 2 premiers films plutôt convenables, COPLAN SAUVE SA PEAU (1968) d'abord, une série B d'espionnage avec Jean Servais et surtout CRAN D'ARRÊT (1970), une sorte de thriller à l'italienne assez réussi avec Bruno Crémer, il s'attaque à son film le plus puissant :

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Claude Chabrol (1969-1971) : La Trilogie du Mal


QUE LA BÊTE MEURE (1969)



La vengeance avec un grand V est la trame de ce génial film de Claude Chabrol. Charles Thénier (Michel Duchaussoy) est un écrivain pour enfants qui passe ses vacances du côté de Quimper avec son fiston. Un matin, dans un bourg désert, le petit Michel revient de la pêche avec son épuisette... Et au carrefour, BOUM! Un taré le prend de plein fouet et continue sa route. Ce taré, Charles va essayer de le retrouver, de le traquer, pendant des mois et des mois, sans succès. La police n'a rien. Et c'est le hasard, le formidable hasard, qui va faire la différence. Une voiture embourbée ? Une aile endommagée ? Une actrice télé ? Le jour même du drame ? Le paysan qu'il croise sur sa route lui raconte tout sans se forcer, les assassins de son enfant sont passés ici-même il y a des mois de ça...



Charles va retrouver cette Hélène Lanson (Caroline Cellier), lui faire la cour et son œil va se remettre à briller à l'approche de la vérité. Elle a de la famille à Quimper et son beau-frère est garagiste, tout concorde merveilleusement. Elle sort en plus d'une grave dépression nerveuse, ce qui écarte visiblement sa culpabilité. Hélène qui n'apprécie pourtant pas sa famille va retourner passer quelques jours chez eux avec Charles. L'homme meurtri va enfin rencontrer le criminel, l'être abject qui a détruit son existence, Paul Decourt (Jean Yanne). C'est un homme invivable, cruel et injuste avec sa femme et son fils, distille sa haine et sa brutalité à chaque parole, l'antipathique total. Charles avait peur de rencontrer quelqu'un de charmant, là il n'a plus aucun doute, il le tuera sans sourciller, c'est certain. Cependant, le démon est plus malin que ça...



Charles écrit un journal depuis la mort de son fils, où il raconte dans les détails sa chasse au meurtrier et son souhait de vengeance mortelle. Paul lui vole et le dépose chez son avocat, au cas où il lui arriverait quelque chose Charles serait le suspect n°1. Lors d'une balade en voilier, Charles a planifié la mort de Paul qui ne sait pas nager, le temps se dégrade, parfait. Seulement, Paul sort son revolver, retour à la côte immédiat. Charles & Hélène sont mis dehors. La tentative a échoué. Ils reçoivent pourtant la visite de la police dans la soirée. Paul est mort. Empoisonné. Charles est questionné et son contre-alibi de suspect n°1 semble l'écarter. Pour couronner le tout, le fils Decourt se dénonce lui-même témoignant la haine de son paternel. Le coup de Charles est parfait, digne d'une tragédie grecque. Il rédige une dernière lettre signant ses aveux avant de s'enfuir en mer. Subtil, brut et tragique, le cinéma français au top.



LE BOUCHER (1970)



La folie amoureuse meurtrière est au cœur de ce film tourné du côté de Sarlat en Dordogne. Stéphane Audran (Hélène), l'institutrice du village rencontre Popaul (Jean Yanne), le boucher, à un mariage. Celui-ci chope le coup de foudre. Il la suit partout, lui fait des cadeaux, lui offre ses services et parvient même à obtenir son amitié. Mystérieusement, à chaque fois qu'elle se rend quelque part, en promenade scolaire, dans une autre ville ou ailleurs, une femme est retrouvée assassinée après son passage. La tension au fond de ce bourg isolé va croître tout au long du film, façon Hitchcock.



Popaul a vu les atrocités de la guerre et se plaît à déballer ses spectacles verbaux répugnants à chaque nouvelle d'un nouveau crime. Seulement un jour, Hélène fait visiter les fameuses grottes à ses élèves et est la première à découvrir le corps mutilé de cette jeune fille ("Il pleut ?" "Non c'est du sang!!"). Celle-là même qui s'est mariée quelques temps plutôt et a provoqué leur rencontre. Elle trouve par hasard le briquet offert à Popaul quelques jours auparavant sous une pierre. Le frisson s'installe. Mais le boucher démoniaque s'est re-procuré le même, ce qui éloigne temporairement ses soupçons. Elle ne sait plus.



Un samedi soir (en province), Popaul se fait plus pressant, lui avouant qu'il doit absolument lui parler. Il EST LÀ, frappant au carreau. C'est la grosse panique, les escaliers, les verrous, les fenêtres. Mais il est déjà à l'intérieur. L'amour profond est avoué, les crimes passionnels aussi. Devant la froideur et l'impassibilité de l'institutrice, dépourvue de sentiments depuis une relation antérieure, le boucher devenait fou et tuait, violait, démembrait, faute d'amour réciproque. La fin est tragique une fois de plus, avec un suicide inattendu à la clé. Une atmosphère unique, un suspense haletant, à voir vraiment.



JUSTE AVANT LA NUIT (1970)



Je termine avec, pour moi, le chef d'œuvre ultime de Chabrol. Tous les ingrédients qui ont fait sa renommée sont ici: les restes de la nouvelle vague, la satire de la bourgeoisie, l'infidélité et les jeux interdits, la noirceur, l'angoisse perpétuelle, la beauté déconcertante de ses actrices (Stéphane Audran) et la froideur incommensurable de ses acteurs (Michel Bouquet l'esquimau), déjà en couple dans LA FEMME INFIDÈLE. Charles Masson (Bouquet) est un publicitaire embourgeoisé qui s'adonne à des jeux SM avec la femme de son meilleur ami François (Périer). Mais un jour, alors qu'il l'étrangle pour la faire jouir, il perd le contrôle... Laura est étendue sur le lit, complètement inerte. Il quitte la chambre, abasourdi. Au comptoir d'un troquet du quartier, il tombe par HASARD sur François, le malaise...



Ils vont manger ensemble et François reçoit un coup de fil, Laura a eu un accident. Il part sur les lieux, Charles rentre chez lui après lui avoir proposé de l'accompagner. Dans un premier temps, Charles va prendre sur lui et ne rien dire à personne. Cependant, une amie de Laura le fixe durant l'enterrement, Hélène (Audran), sa femme, le remarque. Cette amie va attendre quelques jours puis va faire part de ses doutes à François, désemparé. Elle est certaine d'avoir vu ce Charles avec Laura à la porte de cette chambre. François ne veut rien savoir, il le connait depuis 25 ans, et lui prie de ne pas aller à la police, elle accepte. Mais c'est Charles qui perd le premier les pédales alors que François fait progressivement le deuil de sa femme.



Il avoue d'abord à Hélène qu'il l'a trompé, avec Laura, puis ensuite que c'est lui l'assassin. Celle-ci est de tout cœur avec lui. Déçu de cette absence de châtiment et de souffrance, le remord le ronge entièrement. Il ne veut plus aller au travail, devient instable, suant, glacé avec ses enfants et sa femme, ne dort plus. Il décide d'avouer les faits à François, qui lui aussi reste impassible et sans animosité aucune. Incroyable. Il a commis un meurtre, de sang froid, et personne ne veut le punir. C'est décidé, demain matin, il ira se dénoncer lui-même à la police, qui a presque classé l'affaire. Mais Hélène va décider de son destin à sa place, privilégiant la mort à l'isolement. C'est un des films les plus froids et noirs de France, rien qu'une fraction de seconde dans le regard de Michel te glace le sang. IMMANQUABLE.