Fluoglacial - Tendances Négatives

Cher trou!



« Je récapitule... je condense... c'est le style "Digest"... les gens ont que le temps de lire trente pages... il paraît! au plus!... c'est l'exigence! ils déconnent seize heures sur vingt-quatre, ils dorment, ils coïtent le reste, comment auraient-ils le temps de lire cent pages? et de faire caca, j'oublie! en plus et le cancer qu'ils se cherchent au trou, tête à l'envers, acrobates? "Cher trou! Cher trou!" et ceux qui s'onanisent en plus! qui se voient embrassant des lascives, qui s'en font mal au sang! des heures! dans le noir des cinés! se ruinent en teintureries de phalzars! après des fantômes de vampires, mortes y a vingt ans! qui ressortent des Antres, trempés, hagards! l'autobus les monte ils savent plus! Moi je vais vous revaloriser l'Art! »

Féerie pour une autre fois, Louis-Ferdinand Céline, 1952.
(Illustration: Roland Topor, 1974)

Respire, respire, jean-foutre!



« je vous parle pas à lurelure... bateaux-mouche et patati! je les découvre pas! tous les dimanches, dans ma jeunesse, pour ma mine, nous le prenions à Pont-Royal, le ponton le plus proche... cinq sous aller et retour Suresnes... sitôt avril, tous les dimanches!... pluie, pas pluie!... chierie de mômes, à l'air!... tous les mômes des quartiers du centre... j'étais pas le seul "papier mâché"!... et les familles!... la cure!... à la cure, ça s'appelait!... Suresnes et retour!... bol d'air!... plein vent! vingt-cinq centimes!... c'était pas la croisière tranquille... vous entendiez un peu les mères!... "Te fouille pas dans le nez!... Arthur! Arthur!... respire à fond!..." les mômes le coup du grand air les faisait caracoler partout! escalader tout!... des machines aux chiottes! à se fouiller dans le nez, et se tripoter la braguette... ah! et surtout à l'hélice!... au-dessus de ses gros remous... des tourbillons de bulles! vous les trouviez là... quinze... vingt... trente... à s'halluciner... et les mères et les pères avec!... et de ces gifles!... les corrections!... ah! Pierrette!... ah! Léonce!... on se retrouvait!... hurleries!... Larmes!... vlang! vlaac!... à la mornifle et la cure d'air!... pas cinq sous par personne pour rien!... "Tu finiras au bagne, voyou!..." mômes désespoir des familles!... "Respire, respire, jean-foutre!"... beng!... vlang! "je te dis!" l'enfance alors, c'était des gilfes! "Respire donc à fond, petite frappe! vlac! laisse ton nez tranquille, scélérat! tu pues, tu t'es pas torché! cochon!..." les illusions quant aux instincts sont venues aux familles plus tard, bien plus tard, complexes, inhibitions, tcétéra... "tu pues, tu t'es pas torché! te farfouille pas la braguette!" suffisait avant 1900... et tornade de beignes!... bien ponctuantes! c'était tout!... le môme pas giflé tournait forcément repris de justice... frappe horrible!... n'importe quoi!... votre faute qu'il tournait assassin!... Ca faisait des bateaux-mouches bruyants... punitifs, éducatifs! ça respirait dur, claquait tour de bras!... partout!... en avant sur l'ancre... en arrière au-dessus de l'hélice! bang! vlang! "Jeannette!... Léopold!... Denise! t'as encore fait dans ta culotte!" qu'ils s'en souviennent de leur dimanche!... mômes "papier mâché", morveux, désobéissants!... le mal que c'étaient des parents de leur faire profiter du grand air! qu'ils faisaientt exprès de pas respirer!... Pont-Royal-Suresnes et retour! »

D'un château l'autre, Louis-Ferdinand Céline, 1957.
(Illustration: M. Valnay, 1873)

Pire que l'alcool!...



« cependant j'admets, pire que les timbres, pire que l'alcool, pire que le beurre, pire que la soupe: les cigarettes!... la cigarette gagne sur tout!... partout!... dans les conditions vraiment implacables: la cigarette!... j'ai vu aussi bien à la rifle qu'à l'ambulance de la prison, le dernier suprême souci humain: fumer!... ce qui prouve vous me direz pas le contraire que l'homme est d'abord, avant tout: rêveur!... rêveur-né! povoîte! primum vivere? pas vrai!... primum gamberger! voilà!... le rêve à tout prix!... avant la brife, le pive et l'oigne! pas de question!.... l'homme calanche de bien des trucs, mais sans cigarette il peut pas!... regardez-le au poto ou la guillotine... il pourrait jamais!... faut qu'il fume d'abord!... »

D'un château l'autre, Louis-Ferdinand Céline, 1957.

Château Trompette !



« N'en parlons plus!... mais le fait qui me pousse à la haine... hors de moi… précisément sur cette route! les autos!... elles arrêtent pas! là, vous pouvez voir la folie!... la trombe vers Versailles! cette charge des autos!... semaine ! dimanche ! comme si l’essence était pour rien... autos à une… trois... six personnes!... goinfrées pansues, rien à foutre!... où qu’ils vont tous?... pinter, bâfrer, pire! parbleu!... plus! plus! déjeuner d’affouaîres!... ouaîres!... ouaîres!... voyouages d’affouaîres!... ouaîres!... ouaîres!... rots d’affouaîres!.. rrrôâ! que c’est pitié! moi qu’on a volé trois poubelles ! y'a des milliardaires en colère que leur moteur éclate pas! ils m'éclaboussent... et mes poubelles!... tout en rotant de canards aux navets! 130 à l'heure! plus pétant rotant pour la paix du monde que tous les gens qui vont à pied! canards historiques!... "Relais" historique! menu historique!... vous sortez de table de façon tellement ennivrante (Château Trompette 1900) que c’est pur miracle! pichenette! que vous défonciez pas le remblai, l’érable, le peuplier avec! et votre direction et le volant!... vlan!... deux mille peupliers! autopunitif en diable!... que diable! freins puants! freins flambants!... toute l’autoroute et le tunnel! joyeux drilles ivres! doublant, triplant, s’engouffrant! le délire, la ferveur que c’est!... ah! Château Trompette 1900! la plusss vie que ça donne! l'abîme! canard aux navets!... mille trois cents voitures roues dans roues! palsambleu Dieu, zut! viandes si pleines de sang, prêtes à roustir! un coup de champignon! le four ouvre! la Messe est là! pas à l’eau bénite!... au sang chaud! sang, tripes, plein le tunnel!... le rar de rare qui réchappera pourra jamais vraiment se vanter s'il a tué tous les autres ou non? Croisade! croisons! pèlerins bolides! plein la minute et le peuplier! pétants, rotants, colères, fin ivres! Château Trompette! canard maison! les C.R.S. regardent... marmonnent... agitent... gesticulent... brassent le vent!... trente bornes à la ronde les fidèles sont venus... tout voir! tout voir! plein les deux remblais les voyeurs!... mémères, pépères, tantines, bébés! sadiques pécores! le gouffre à 130 à l'heure, et les bolides, et les C.R.S. en pantaine... brassant le vent... tunnel fumant! Château Trompette! l'sphalte brûle!... »

D'un château l'autre, Louis-Ferdinand Céline, 1957.
(Illustration: Eugène Chaperon, 1907)

From Sigmaringen with Love



« Le monde sera seulement tranquille toutes les villes rasées! Je dis! C'est elles qui rendent le monde furieux, qui font monter les colères, les villes! plus de music halls, plus de bistros, plus de cinémas, plus de jalousies! plus d'hystéries!... tout le monde à l'air! le cul à la glace! vous parlez d'une hibernation! cette cure pour l'humanité folle!... »

D'un château l'autre, Louis-Ferdinand Céline, 1957.

Le Dépucelage de Céline

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C'est elle qui me maltraite, qui me tarabuste... Je glisse moi dans la marmelade... J'ose pas trop renifler... J'ai peur de lui faire du mal... Elle se secoue comme un prunier... "Mords un peu, mon chien joli!... Mords dedans! Va!" qu'elle me stimule... Elle s'en fout des crampes de ruer! Elle pousse des petits cris-cris... Ca cocotte la merde et l'oeuf dans le fond, là où je plonge... Je suis étranglé par mon col... le celluloïd... Elle me tire des décombres... Je remonte au jour... J'ai comme un enduit sur les châsses, je suis visqueux jusqu'aux sourcils... "Va! déshabille-toi! qu'elle me commande, enlève-moi tout ça! que je vois ton beau corps mignon! Vite! Vite! Tu vas voir, mon petit coquin! T'es donc puceau? Dis, mon trésor? Tu vas voir comme je vais bien t'aimer!... Oh! le gros petit dégueulasse... il regardera plus par les trous!..."

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