Fluoglacial - Tendances Négatives

Alain Corneau (1977-1981) : Une décennie finie au flingue



Police Python 357 (1977)

Premier film policier de Corneau (après FRANCE, SOCIETE ANONYME en 1974, une histoire futuristique de société contrôlée par le biz de poudre, hin hin…), et déjà un classique. Ferrot (Yves Montand) est un inspecteur de police de la ville d’Orléans, présentée ici comme un bourg de campagne, à la manière de Chabrol. Atmosphère brumeuse, action lente, tout le monde connaît tout le monde… Ferrot, le flic maniaque, solitaire et passionné d’armes (oui oui DIRTY HARRY) tombe subitement amoureux de Sylvia (Stefania Sandrelli). Ex prostituée et orpheline, elle est sous l’aile du commissaire Ganay (François Périer), le supérieur de Ferrot, qui, 5 ans auparavant, l’a rencontré on ne sait comment sur un trottoir parisien. Il mène une relation ambiguë d’amour marital et paternel avec elle, tandis qu’il s’occupe toujours de sa riche femme malade (Simone Signoret). Un soir parmi d’autres, où Ganay attend Sylvia pour la bectance dans l’appart qu’il lui paye, Sylvia le pousse à bout, exprimant son désir de liberté et le dégoût de son impassibilité.


LA RENAULT 6 EN FORCE

Ganay la tue, à coup de cendrier. Ferrot, fou amoureux, insatisfait des quelques rendez-vous cachés qu’il a eu avec elle décide le soir même de lui rendre visite. Les 2 se croisent dans l’immeuble sans le savoir. C’est là que l’intrigue en béton commence. Ganay et Ferrot sont évidemment tous 2 chargés de l’enquête. Ferrot devient suspect numéro 1, ils ont été vus ensemble à plusieurs reprises… mais réussit à faire traîner l’enquête en essayant d’éviter au maximum les confrontations, et va jusqu’à se jeter de l’acide au visage pour ne pas être reconnu. Persuadé qu’il y a un 2ème homme, il fera tout pour le trouver, et démasquera Ganay 2 secondes avant de le tuer. L’univers des années 70, avec ses braquages de supermarché, ses boites loufoques, ses voitures antiques, ses lois transgressées, resplendit ici. Des zones d’ombre, des indices inexploités, un polar torturé ou le spectateur est obligé de réfléchir. RESPECT.




La Menace (1977)

25 ans après l’indémodable SALAIRE DE LA PEUR, Yves Montand revient au volant de camions à 5 chiffres sur la balance. On quitte Orléans pour Bordeaux et ses vignobles. Henri Savin (Montand) est le sous-chef de l’entreprise de transports routiers Montlaur, dirigée par son ex-maîtresse, Dominique (Marie Dubois). Celle-ci ne digère pas sa nouvelle meuf, Julie (la sexy Carole Laure) et un beau soir, les 2 s’affrontent dans un putain de combat violent. Julie s’enfuit. Dominique se tue. Au début, tout accuse évidemment Julie. Et par amour insensé, Henri créera faux indices et fausses preuves (au cours d’un plan délicieusement machiavélique) pour se rendre coupable et tromper l’Inspecteur Waldeck (Jean-François Balmer, ou le vice personnifié).


Il prendra un avion pour Montréal quelques minutes avant de se faire prendre. La vie suit son cours, Julie accouche du gamin qu’Henri lui a fait, tandis que lui turbine au volant de trucks monstres dans les montagnes canadiennes. Et puis Machiavel reprend le dessus. Henri simulera un règlement de compte qui le plongera lui et son camion dans un ravin (une bien belle cascade pour le cinéma français de l’époque, cadeau de Corneau), déclaré mort il pourrait enfin se faire oublier. Mais ce 2ème plan se retournera contre lui dans un final DUELesque, Henri ayant sous-estimé la puissance du lobby routier canadien. Comme d’hab, un suspense haletant et de multiples rebondissements auxquels on ne pouvait penser au début du film. Ajoutez à ça de l’action made in America et on obtient là LE thriller français immanquable.




Série Noire (1979)

Son meilleur film sans hésiter. Dû certainement à l’un des rôles les plus marquants de Patrick Dewaere. Après les succès des VALSEUSES, de LA MEILLEURE FACON DE MARCHER ou de PREPAREZ VOS MOUCHOIRS, il joue ici Frank Poupart, un représentant de commerce au bout du rouleau. Ex taulard et individu légèrement déviant, il est surveillé de prêt par son cynique et mesquin employeur, Staplin (Bernard Blier). Un matin, lors d’une séance de porte à porte en banlieue parisienne, il rencontre Mona (Marie Trintignant), 16 ans, coincé chez sa tante dégueulasse qui veut lui la louer. Ils se revoient tous deux régulièrement et mènent une sorte d’amour impossible.



Comme précédemment chez Corneau, le héros cherche à sortir de sa condition et à échapper à son destin, guidée, voire ensorcelée par une femme. Ils éliminent les obstacles un par un. D’abord la vieille tante, ensuite la femme de Poupart, Jeanne (Myryam Boyer), qui offre des scènes de ménage cultes à ce film ("On peut même plus chier tranquille dans cette maison"). Jusqu’au moment où Staplin découvre tout et leur propose un chantage. C’est une adaptation d’un roman de Jim Thompson, "A hell of a woman" (Des cliques et des cloaques). Sombre, sans espoir, l’action se déroule principalement dans des banlieues sans vie, jonchées de terrains vagues, sous un ciel toujours gris. Dewaere est complètement dingue, imprévisible, cynique et drôle du début à la fin. UN GRAND CLASSIQUE.




Le Choix des Armes (1981)

Dernier polar froid du père Alain avant son envol vers les hautes sphères du box-office. Gérard Depardieu, fort de ses comédies dramatiques avec Dewaere et du génial BUFFET FROID sorti 2 ans auparavant obtient ici le rôle de Mickey, pas un rôle de mickey rassurez-vous, truand violent et brutal comme il savait si bien le faire au début de sa carrière. Après s’être échappé de zonze avec son pote Serge, Mickey blessé, et en cavale, trouve refuge dans le haras du couple de bourgeois Durieux, Noël (Yves Montand, acteur décidemment fétiche de Corneau) et Nicole (Catherine Deneuve). Noël, voyou repenti et rangé des voitures, se rappelant sûrement son passé, décide de cacher Mickey. Interrogé par 2 flics, Bonnardot (Michel Galabru) et Sarlat (Gérard Lanvin), il leur ment pour camoufler Mickey. Gros malentendu, celui-ci croit au contraire qu’il l’a donné.

DIOUPARDIOU

Un duel sauvage s’engage alors entre les 2 hommes et 2 générations, l’un fougueux et excessif, l’autre froid et réfléchi, avec au milieu, une femme. Mickey part retrouver sa fille, la confie à Dany (Richard Anconina), qui croule déjà sous les dettes et les couches dans un placard de banlieue, et l’utilise comme complice dans un braquage fatal. Tout ça finira évidemment mal. La planance 70’s est toujours là, les HLM s’étalent dans des zones dévastées, on roule vite, on tue des flics impunément, on braque des banques en pleine journée. Un film long et puissant (2h15), avec des acteurs impeccables et une musique entêtante. Parfaite conclusion de cette quadrilogie qui fera la renommée de Corneau, patron du film policier à la française et digne successeur de Giovanni ou Melville.


LOUBARDS VS. PATRONS.


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Commentaires

1. Le jeudi 6 novembre 2008 à 22:29, par Masterkiller

Support total, l'un des meilleurs cinéastes français.

T'en as pensé quoi du Cousin ?

2. Le jeudi 6 novembre 2008 à 22:39, par Le Patron

Bof, Timsit je peux vraiment pas. Sinon j'ai pas vu son remake récent du "Deuxième Souffle", je vois pas comment il aurait pu égaler l'original.

3. Le samedi 22 novembre 2008 à 01:01, par Pak

Les meilleurs films de Corneau ! Encore que Le cousin est très bon aussi.
Quand à son remake du Deuxième souffle, il confirme la pente descente de ce cinéaste qui semble ne plus avoir grand'chose à dire avec une caméra...

4. Le mercredi 1 septembre 2010 à 01:57, par masterkiller

31-08-2010 RIP Alain Corneau.

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