Fluoglacial - Tendances Négatives

BIUTIFUL (2010)



Là où Klapish, Almodovar et même Woody Allen ont vu en Barcelone la ville du bonheur, Alejandro Gonzalez Innaritu et sa joie de vivre bien connue y voit une série d’espérances avortées, de projets déçus et d’erreurs reconnues trop tard, la vie quoi ! Javier Bardem, père de deux gnomes, espère que la gnose le sorte de son trimard quotidien. Séparé de sa femme, qui couche avec son frère à l'occasion, une sorte de gros sac à gourmette, son activité principale est de communiquer avec les morts. Son don divin lui permet de guider les frais partis vers le ciel (ou l'abime finalement), en les lestant de leurs dernières paroles afin de libérer leur âme. Il touche un certain nombre de billets pour chaque prestation, catholique oui mais pas jésuite non plus. Il faut bien ramener à bouffer. Les âmes qui lui ont échappé se matérialisent en immenses papillons noirs qui tapissent le plafond de sa chambre délabrée. Sombre.



La seule lumière du film provient des enfants d'Uxbal, Maramba et Mateo, et pas de l'amour fragile et frileux que sa "femme" peine à perpétuer. Son incroyable don, il ne le possède malheureusement pas dans les affaires. Homme de la rue et des quartiers populaires, il s'enfonce dans les bas-fonds barcelonais, tentant d'aider des immigrés africains et chinois à s'en sortir. Double échec. Les premiers se fourvoyant dans le deal et les seconds, déjà exploités par des compatriotes homosexuels et crapuleux, sombreront tragiquement dans un triste remake de 1942. Que reste-t-il à Uxbal ? Malgré sa foi indestructible, il a échoué sur tous les terrains. Pissant le sang régulièrement dû à un cancer de la prostate en phase terminale, il ne pourra même pas se sauver lui-même... Violence totale. Économique, sentimentale, physique et morale.



Et drame perpétuel, ce dernier film d'Innaritu est plus métaphysique que jamais. Depuis AMOURS CHIENNES, sa descente en Enfer ne fait qu'accélérer. Impossible de continuer la série après ça, à moins de sombrer dans la folie. On peut tiquer sur la pornographie de la misère, l'éloge facile de la crasse, le côté larmoyant et tragique exagéré, mais le LONG-métrage reste puissant (Javier quoi) et parfaitement cohérent avec l'œuvre du réalisateur (appuyé en plus ici par des effets spéciaux bien morbides). Le sentiment semble ici se détacher de la matière. Rien que pour l'effort de faire plus qu'un simple produit issu de l'industrie, de transcender le spectateur en lui jetant l'abime à la face, de pousser l'homme vers le bien malgré les obstacles déployés à l'infini, et ce malgré sa perte, j'ai envie de dire: ceci est quand même supérieur à un film sur Facebook.

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Commentaires

1. Le jeudi 11 novembre 2010 à 14:06, par Tuco à Blondin

Bon film, réaliste à souhaits, Barcelone le vrai.

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