DILAPIDE TA JEUNESSE: Punk & New Wave in Deutschland
Par ROD, vendredi 10 juin 2011 à 18:18 :: DOSSIERS :: #998 :: rss

De l'autre côté de la ligne Maginot, le punk sortit du ventre de l'Allemagne par césarienne. Plus tardif que les précurseurs anglo-américains, plus corrosif que ses homologues français, les jeunes du Rhin ont surpris tout le monde dans les Ardennes ! Nous sommes en 1977, dans un pays où les terroristes d'ultra gauche (RAF et compagnie) font la pluie et le beau temps, et paradoxalement toujours baigné dans son passé nazi. Quand des gugusses comme Chrislo Haas, Gabi Delgado ou Tommi Stumpff vont débarquer pour foutre la merde, la swastika de Sid Vicious fera très pale figure ! La kultur alors enkylosée dans le marasme prog-rock est cadenassée par les petits profs hippies. Dans le climat politique tendu du rideau de fer, 3 villes vont s'embraser de 1977 à 1982: Dusseldorf, Hambourg et Berlin.
Très vite, une constante se retrouve dans chaque pôle: l'omniprésence de la violence. Les concerts sont des exutoires haineux autant pour les groupes que le public (le lancer de projectiles en deuxième sport national après la mannschaft), certains fascionistas n'hésitent pas à descendre dans le tas pour planter du gras. Tout le monde est ennemi: les popeux, les hippies, les teds (fortement représentés en Germania), les drogués, puis plus tard les vendus de la NDW (Neue Deutsche Welle). C'est soit l'argent, soit la rue. Pas de compromis. Du côté de Rodenkirchen, au Ratinger Hof ou à la Carsh-haus, c'est l'émeute continuelle teintée de sado-masochisme.
Sitôt la première vague des groupes punk rock anglicisés passée, les enfants qui se souviennent de France Gall chantant les louanges de l'ordinateur sur la Nr.3 accèdent enfin aux studios. La technique n'effraie pas ces nouveaux fauves qui hurlent leur amour du béton et de l'acier à travers l'énergie forte d'une musique qui n'hésite plus à utiliser les machines dans tous les sens possibles. L'impase punk-prolo-pub est transcendée. Leur weltanschauung n'exclue en aucun cas l'humour, noir, tueur pour certains. Les confrontations permanentes n'excluent pas non plus les fraulein qui sont à la tête de groupes de plus en plus nombreux. Des communautés intra-villes se forment, les influences ne sont pas musicales (pas de redite à l'english) mais se situent chez les surréalistes, dans l'activisme viennois (Otto Mühl) ou les écoles picturales (Neuen Wilden).
Des personnages clés animeront ce réseau triangulaire et lui donneront le maximum d'aufklarüng. Ils s'appellent Kippenberger à Berlin (peintre et boss du club So36), Alfred Hilsberg (fondateur de ZICKZACK, LE label du mouvement) à Hamburg, Kurt "Pyrolator" Dahlke (fondateur de L'AUTRE label, ATA TAK) à Dusseldorf, Muscha et Trini Trimpop (qui ont apporté la vidéo, et Toten Hausen), Franz Bielmeier et son RONDO, Peter Hein de Fehlfarben puis d'autres hommes de l'ombre comme Jaki Eldorado ou Peter Hein. Ils témoignent tous dans ce bouquin de Jürgen Teipel livré fin 2010, le plus puissant sorti de l'écurie ALLIA (consacré en grande partie à l'analyse du phénomène DAF). C'est parti. Verschwende deine jugend!

SOLDATS & SWASTIKAS
PETER HEIN (Fehlfarben/Mittagspause): J'étais vraiment attristé quand la guerre du Viet Nam s'est arrêtée, surtout parce que d'un seul coup nous n'avions plus ces nouvelles palpitantes. Bien évidemment, j'étais du coté des Viet Cong. Mais visuellement, les marines, les F-4 Phantom et les hélicoptères de combat à la télé avaient quelque chose d'attirants. Nous étions les modélistes de l'école. Qui ne faisaient que les trucs politiquement incorrects. Les autres fumaient. A l'époque, les réformes sociales démocrates et toute cette merde étaient sur les rails. Des hippies et autres troublesmakers chahutaient sévèrement les professeurs. Alors sont venus d'autres professeurs qui ont agit de manière "progressiste" et discuté avec tout le monde. C'était totalement ennuyeux. Nous étions justement quelques uns à être contre. Contre ceux qui étaient contre. Je disais des choses comme "La guerre du Viet Nam c'est cool", nous criions: "Nous voulons une éducation autoritaire". (...) Je n'étais pas du tout un rebelle du collège. J'étais d'allure normale. Je n'étais personne! Je n'étais pas un hippie. Je ne m'étais jamais acheté de disques. (P.24)
JÄKI ELDORADO: J'avais pour tous ces gens une assez large palette de provocations. Ce qui marchait mortellement bien, à tous les coups: Tu sculptais une croix gammée sur le banc, et tu te chopais promptement un prof soixante-huitard sur le dos, qui surinterprétait totalement et trouvait tout cela horriblement flippant. J'ai compris assez tôt que je ne pourrai jamais arriver à rien sur des bases qui manquent autant d'humour. (P.31)
FRANZ BIELMEIER (Mittagspause): Un soldat peint était pour moi bien plus esthétique que n'importe quel hippie avec son bandeau, son symbole "peace and love" et sa pipe à shit. Ca venait du fait que les hippies ont toujours prétendu que le monde était bon et que tout était possible. Nous étions quant à nous persuadés que le monde était mauvais. Mais ça recelait quand même pas mal de potentiel, quelque chose comme "ne pas voir le monde comme une splendeur mais l'observer par en dessous". Comme dans Taxi Driver ou les textes du Velvet Underground. (P.42)

STRAIGHT EDGE
FRANZ BIELMEIER: Au départ le punk était pour moi complètement anti-alcoolique, pour nous tous. Même Peter Hein qui était le plus vieux d'entre nous préférait boire du nectar de pèche de chez Granini.
PETER HEIN: On était des buveurs de jus de fruits, je ne buvais jamais à cette époque. Le punk était un mouvement straight. C'est le message que nous en avions saisi.
RALF DÖRPER (Die Krupps): Au Ratinger Hof, je ne buvais que du coca et de l'eau. C'était une attitude straight. Il fallait avoir la tête claire. Le punk n'était pas une merde hippie défoncée.
PETER HEIN: C'était ainsi, nous étions contre les groupes de drogués. Contre les groupes mauvais. Nous étions totalement liés à l'Angleterre. Nous ne prenions jamais vraiment au sérieux ce qui venait des États-Unis parce que, là bas, même les punks prenaient de la dope. C'était mal vu. De toute façon, les américains n'étaient capables de rien. Ils n'étaient pas branchés. (P.59)

HASS & KRIEG
HARRY RAG (S.Y.P.H.): Ce "rock contre la droite" a très vite eu pour nous ce côté gauchiste. Et je ne voulais pas automatiquement m'identifier à la gauche. Pour moi, ils impliquaient pulls tricotés, sandales, salons de thé, et lecture de Marx. Tout cela était bavard et emmerdant.
GABI DELGADO (D.A.F.): J'ai toujours eu des affinités avec les gens qui sont prêts à la violence. Les uniformes des policiers m'ont aussi toujours plu, bien plus que les manifestants. En matière de style, les policiers m'en imposaient. Mais aussi dans leur action. Ça ne me plaisait pas ces sittings non violents. Je trouvais ça merdique. Je trouvais bien mieux de cogner les têtes de ceux qui étaient assis là. Mais uniquement esthétiquement parlant. (P.82)

DA DADA
GABI DELGADO: Très vite, on s'est plus intéressés au dadaïsme qu'au punk. On a découvert d'étranges analogies. Spécialement dans les manifestes. Cet élément révolutionnaire : "Nous faisons vraiment quelque chose d'autre, avec lequel nous faisons sauter la société. Ou au moins, nous la choquons." Nous étions aussi influencés par le futurisme, l'état d'esprit positif vis à vis des nouvelles technologies, du futur, du progrès, des machines. Du moteur. Ça me plaisait. Nous aimions aussi beaucoup tout le constructivisme abstrait. Tous ces cyborgs, ces hommes machines. Mais pas du tout selon la voie de Kraftwerk. Pas du tout du tout. C'était plutôt pour nous une véritable vénération de la laideur. Nous escaladions les grillages la nuit et faisions des photos d'installations industrielles. Et exactement comme les surréalistes ont montré qu'un radiateur était aussi beau qu'un corps de femme nue, pour nous un coucher de soleil débile de hippie, pouvait être tout à fait aussi beau si une affreuse usine pétrochimique se tenait devant. On se sentait comme les enfants de l'usine. Très facho. Nous étions habités par un esprit métafasciste. Bien entendu, nous n'étions pas nazis, mais nous aimions ça. Monroe et moi. Les mécanismes totalitaires nous intéressaient. Jusque chez Gary Glitter. Il était aussi le guide (Führer) d'un groupe - le Leader of the pack. Il montait sur scène en moto, sa mise en scène avait toute une dimension goebbelsienne. La mise en scène d'un leadership. Et même, le simulacre d'un mouvement politique. Nous avons alors convoqué les "rencontres du front du centre ville". Un autre simulacre de mouvement politique. Un néant en or." (P.88)

BÉTON & PLASTIQUE
MORITZ R (Der Plan): Je trouvais tous ces trucs autour des barrières vraiment élégants. Ca représentait exactement le Zeitgeist du punk et de la new wave. Je n'étais pas hostile à la technique. Je n'avais pas envie d'habiter une maison où tout serait tricoté. C'était si accablant. Il s'agissait aussi d'être drôle. Les hippies étaient tellement super politiquement corrects. Par exemple, un de leurs grands trucs était le féminisme. C'est la raison principale pour laquelle je me suis barré de cette ambiance maternelle et familiale accablante des sociétés hippies. Pour les hommes, il s'agissait de se trouver une petite femme et de faire partie d'un foyer confortable. C'était totalement sclérosé. Il y avait aussi cette sensation qu'il fallait éviter d'aborder de nombreux sujets. Si tu disais en 1977 "j'aime les gratte-ciel", tu étais réactionnaire. Béton. Plastique. Tout cela était interdit. [...] Dès que tu discutais avec des hippies, en 5 minutes chrono ça partait sur l'énergie atomique, et en dix tu avais droit à une vision du monde si lugubre que tu préférais te flinguer. Le punk a là aussi été très utile. Je découvrais que d'autres gens désapprouvaient cet état de choses. Ca a chamboulé ma vie de fond en comble en une semaine. [...] Je crois que ce refus d'intellectualiser m'a plu. Ce côté irréfléchi, sans gamberge. J'ai graffité ma veste en cuir et je me suis coupé les cheveux courts. Ce qui était déjà un statement. Un de mes meilleurs amis n'avait pas du tout apprécié. Pour lui, les cheveux courts étaient fascistes. Là se situait la fracture au sein de cette génération. Mais j'avais cette sensation que nous avions la tête enfin prête pour de nouvelles idées. Je ne me sentais pas seulement changé, j'étais devenu une autre personne. (P.93)

RIP KRAFTWERK
GABI DELGADO: J'ai toujours totalement été contre Kraftwerk. Ils n'avaient aucune énergie! Ces couilles molles! On les connaissait bien. Ils étaient toujours assis avec leurs cravates étroites à Oberkassel dans leur étrange bar de poupins avec tous ces gens en pantalons teints. C'était pour moi une abominable façon de vivre. Nous voulions plutôt la vraie violence et le sexe extrême! Nous voulions vivre quelque chose. Et eux allaient boire leurs cocktails de lait dans le bar le plus cher de la ville. C'était exactement le monde que nous voulions attaquer. Et quelques punks avaient déjà dit qu'ils allaient leur mettre sur la gueule à Kraftwerk. Parce qu'ils portaient des cravates comme des vrais beaufs. (P.109)

ZENSUR & ZENSUR
GABI DELGADO: Je les ai éduqué (DAF) pendant trois mois comme un petit dictateur ou un enfant-dictateur. (...) Je ne savais jouer d'aucun instrument. Ce que je faisais était plutôt du styling musical que de la musique. C'est de cette censure que provenait la musique. Cette approche venait chez moi d'une longue tradition. J'ai toujours censuré la musique. C'était mon grand-œuvre. Mon obsession. Les Residents, beaucoup de gens les trouvaient excellents. C'était pour moi de la merde hippie. J'ai acheté leur "Duck stab EP", et j'y ai laissé les morceaux qui passaient. Mais les autres, je les ai tellement rayés qu'on ne pouvait plus passer le disque. (...) Quand nous disions: "Oh ça me rappelle quelque chose", c'était foutu. Le disque était balancé. "Hey ça sonne comme Devo!" A la poubelle! C'était de véritables règles d'élimination. (P.151)

PROVOKATION
UWE JAHNKE (S.Y.P.H./Fehlfarben): Gabi Delgado-Lopez était un génie de l'air du temps. Une figure artistique, un weirdo de la mode. Juste avant de basculer vers le punk il avait encore une natte jusqu'au derrière. Les cheveux les plus longs de Wuppertal. Et d'un seul coup: "Je hais les cheveux longs!" Et ce genre de gars passait pour avoir une super personnalité. Il n'en avait pas. Au mieux une personnalité inconstante. Les punks anglais avaient une bonne définition de ce genre de gars: "Wanker! Branleur!"
PYROLATOR (Der Plan/D.A.F./Fehlfarben): Ils avaient ce jeu entre eux: "Qui provoquera le plus?" Chrislo avait déjà eu un groupe à Graz qui s'appelait HJ [Hitlerjungend]. Ils avaient été interdits de concert.
CHRISLO HAAS (Der Plan/D.A.F./CHBB/Liaisons Dangereuses/Minus Delta T): Les années 70 ont produit la petites bourgeoisie dans sa forme la plus épanouie. C'est pourquoi il était si marrant de provoquer tous ces gens. Mais il fallait vraiment y réfléchir. Je me demandais toujours: "Où sont les points faibles? Où est la simulation?" (P.206)

KULTURKAMPF
ROBERT GÖRL (Der Plan/D.A.F.): C'était très important de faire tout ça en allemand, que sur une musique aussi progressiste l'allemand soit d'un seul coup envisageable. Les Anglais et les Américains avaient jusque-là le monopole de la musique moderne. Et les jeunes allemands n'avaient pas d'autre choix que d'entendre de l'anglais. Nous représentions la rupture d'une hégémonie. Les gens en avaient envie, aspiraient à ça. Mais nous avons quand même dû combattre. Un combat vers l'avant. Et tiré de notre propre énergie. Nous avions obtenu quelques concerts, trois ou quatre. Notre exigence était sans fin. Gabi et moi avons été voir EMI et quelques grosses maisons de disques avec une cassette. Mais ils n'ont non pas du tout suivi le train. Même si, à notre premier concert, des milliers de gens étaient venus. Ce que nous faisions n'était pas compris. (P.206)

DAF & THE SKINHEADS
WOLFGANG SPELMANS (D.A.F.): Nous avons de nous même sympathisé avec le mouvement skinhead à Londres. (...) Au premier abord, c'était les fringues radicales qui nous parlaient. Cela voulait aussi dire pour nous des coupes de cheveux aussi courtes que possible. En terme de vêtements nous étions des skinheads.
GABI DELGADO: Les skinheads me plaisaient. C'était une sorte d'idéal de beauté. Des grands pieds, une petite tête. Avec une lourde et excellente tenue de route. Des grosses godasses. Tu pouvais aller partout. Il ne t'arrivait jamais rien. La tête petite, rasée. Ça me plaisait tant que je n'en suis jamais revenu. Je pensais toujours: "Grands pieds, petite tête, c'est ça la vraie vie! (P.218)
ROBERT GÖRL: Nous avions beaucoup de succès en Angleterre. Même si les Anglais étaient incapables de prononcer notre nom. Nous n'étions que D-A-F pour eux. Mais ça les intéressait que le nom signifiait "amitié germano-américaine". Le fait que nous ayons des points communs avecles skinheads n'avait par contre rien à voir avec cette association de mots. Nous travaillions tellement avec l'énergie que nous ne pouvions pas faire autrement, comme si nous libérions une puissance militaire. C'était la seule manière que nous connaissions. D'un coup, des gars branchés par le power le plus démentiel ont commencé à apparaître dans notre public. Leurs crânes étaient rasés de près. Nous avons joué à Middlesbrough. Le plus dur des concerts que j'ai jamais fait. Middlesbrough est une ville industrielle au milieu d'une sorte de Ruhr à l'anglaise.
GABI DELGADO: Il y avait une centrale nucléaire en plein centre-ville hahaha. Direct sur le port. Je trouvais ça tout à fait cohérent. (P.264)
ROBERT GÖRL: Nous y sommes allées seuls. La vraie surprise est survenue après notre arrivée. Comme nous allions à la salle préparer notre balance, une centaine de skinheads nous attendaient déjà. C'étaient des skinheads qui nous avaient bookés. Un club skin. Mais nous n'avions pas du tout l'intention de nous retirer la queue basse. C'était exactement l'inverse: "Aujourd'hui on met les gaz!" On est repassé à l'hôtel, puis quand nous sommes revenus le soir, la salle était remplie de 700 ou 800 skins. On pouvait réellement en sentir les vibrations. Il n'y avait pas le choix, il nous fallait absolument mettre plein gaz. Sinon, nous étions perdus. Ca a été un concert énorme. Nous n'étions pas seuls sur scènes. Le chef des skins nous y attendait les bras croisés, en position des puissance, les jambes très arquées, come on guys. Un truc du genre: "Maintenant, on veut voir ce que vous valez. Soit vous mettez le feu, soit on vous démolit vous et votre équipement." On leur a mis une belle leçon. J'ai tapé avec une véhémence furieuse sur ma batterie et Gabi a hurlé ses textes en allemand. (P.265)

KRIEGSPIEL STATION
GABI DELGADO: Nous avions créé une caste guerrière, une culture DAF. Ça n'était plus seulement de la musique ou du style, c'était une manière de vivre. Extrêmement radicale. Sans peur. Ca fonctionnait excellement avec Görl, Haas et moi. Spelmans est peu à peu devenu un corps étranger. Mais étrangement, Haas, en partie l'initiateur de tout ce truc paramilitaire, a été le prochain à devoir partir. De cette énergie haineuse, il fallait tirer quelque chose, pour en faire un bien. L'amour. Il fallait que l'amour fasse parti du jeu. Parce qu'il est impossible de vivre ainsi sur la longueur. C'est pourquoi il fallait faire quelque chose d'homoérotique avec toute cette assemblée d'hommes, exactement comme ça se cristallisait entre Robert et moi. Il n'y avait alors plus de place pour Haas. Il était beaucoup trop indiscipliné, avec un comportement plus ou moins asocial. Il ne se lavait jamais. Nous vivions tous dans le même gourbi. Complètement illégalement. (P.266)
ROBERT GÖRL: J'ai vécu dans une maison vide isolée et complètement délabrée à Camden Town. Au milieu de l'hiver. Sans chauffage. Je dormais sur un matelas immonde dans une cave gelée où personne ne venait. A vraiment m'emmitoufler dans du papier journal contre la vermine et le froid. Il s'agissait ni plus ni moins de survivre. (P.267)

MACHINOMANIA
GABI DELGADO: Mon intention principale avec cette forme pure de DAF était d'en finir avec les chansons. Les chansons m'énervaient. Toutes ces harmonies rock'n'roll, je les trouvais à gerber. Idem pour les structures de chansons. Les strophes et le refrain. Je ne voulais surtout pas avoir une deuxième partie dans un morceau. Merdique. Je m'intéressais plutôt au: "Ce ne sont pas des chansons mais des sensations que l'on peut éteindre" (...) Les machines étaient toujours à la limite de lâcher. A l'inverse de Kraftwerk avec nous, les machines devaient suer. (P.340)
HOLGER CZUKAY: La techno a commencé avec DAF. La structure électronique a commencé à ce moment. (...) C'était passionnant de voir comment d'un seul coup, la musique électronique pouvait être vivante. Ca contredisait totalement les règles établies. Jusque là, elles disaient: "L'électricité est une chose morte. Une machine est une chose morte. Et pour tout ce qui touche au rythme, qui est un domaine sensible et humain, elle n'a aucune chance de pouvoir s'imposer au corps." Quelle erreur! DAF ont contourné toute cette scène pop. Le principe était clair et limpide. Très concentré sur l'impact. (P.340)
GABI DELGADO: Nous nous étions entre temps mis à vraiment haïr la guitare. Nous ne pouvions plus supporter les guitares. C'était comme un des derniers restes du vieux monde. Ca devait être éliminé. (P.340)
ROBERT GÖRL: De nos jours, on laisse l'ordinateur tourner dessus. Mais à cette époque, il y avait une véritable affaire entre l'homme et la machine. Tu devais en tant qu'homme jouer aussi parfaitement qu'une machine. C'était un sport de haut niveau avec un besoin de concentration forcené. (...) DAF était un mélange de sueur et d'électronique. C'était la suée complète. L'homme et l'électronique suant ensemble. Ahaha. L'homme devait avoir le moral de la machine. Énorme. (P.340)

NAZI OR NOT NAZI ?
ROBERT GÖRL: ...comme nous gagnions beaucoup d'argent avec DAF, nous avons même pu nous payer ces tenues complètes en cuir. D'en bas jusqu'au t-shirt. C'était un véritable culte du corps: dur, clair, pur. Et, si cela nous donnait un air militaire - certains ont pris ça pour un délire SS -, c'était surtout pour nous une pure tenue fantasmatique. Puissants et straight. Sans mollesse. A part cela, nous n'avions aucun discours véritablement posé. Juste des déclencheurs. Exactement comme ce: fais ce que tu veux, dilapide ta jeunesse tant que tu le peux encore. (P.353)
PETER GLASER (O.R.A.V.'s): On ne peut pas aujourd'hui s'imaginer à quel point les éducateurs d'Allemagne sont montés sur leurs grands chevaux à cause de DAF. Et y sont restés scotchés. Pour eux ils devaient être nazis, il ne pouvait y avoir d'autres explications. Avec Mussolini, DAF avait juste remis en pleine lumière cette essence du jeu avec les symboles nazis.
ALFRED HILSBERG (ZickZack): Ils n'ont jamais contesté les gens qui les prenaient pour des nazis. Ils jouaient avec ça. Parfois aussi par maladresse. Ils n'arrivaient pas à s'y opposer. Robert parlait très peu. Il était toujours assis là à ricaner pour lui-même. Et quand Gabi cherchait avec son allemand étrange à définir quelque chose, ça sonnait très souvent de manière complètement absurde. (P.354)

SEX & GEWALT
GABI DELGADO: Cette image du power sex et cuir que nous véhiculions alors était pour moi absolument authentique. J'ai eu aussi à cette époque d'autres expériences. J'étais très branché hardcore. Personne n'en savait encore encore grand chose. Je m'intéressais grandement à l'excès sous toutes ses formes. A la renonciation. J'avais déjà vécu ça avec les drogues. Et la musique. Et le sexe m'a aussi énormément intéressé. Et, une fois fixé sur mon orientation homo, je me suis de temps en temps laissé comme un peu d'air. Je sortais et je participais absolument à tout ce qui passait. A Londres je répondais à des annonces et j'ai fait les encounters les plus obscurs et bizarres. Ça m'intéresserai donc je voulais apprendre. J'étais surtout fasciné par le fait que le sexe et la violence peuvent aller si bien ensemble. La violence m'a toujours fasciné. J'épousais totalement ces tendances. En conséquence, je n'ai jamais été très branché folle. J'aimais uniquement les hommes. Les manières gays me faisaient gerber. C'est pourquoi nous avions cette esthétique gay très fist-fucking. Mais je n'ai jamais baisé avec Robert. C'était explicitement tabou. Même si c'était dans l'air. Robert a été mon grand amour, pendant des années. (P.355)
RONDO / ILSE RUPPERT
PLAYLIST DEUTSCHE WELLE 1979-1982
Commentaires
1. Le jeudi 16 juin 2011 à 03:53, par he bah dis donc
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