Fluoglacial - Tendances Négatives

La guerre du faux : III. Pourquoi rient-ils dans ces cages ?



"Les vrais héros, ceux qui se sacrifient pour le bien de la collectivité et que la société reconnaît comme tels, peut-être longtemps après, alors que sur le moment ils ont été qualifiés d'irresponsables et de brigands, sont toujours des gens qui agissent à contrecœur. Ils meurent, mais ils préfèreraient ne pas mourir; ils tuent mais ils ne voudraient pas tuer. Preuve en est qu'ils renoncent à se vanter d'avoir tué en état de nécessité. Les vrais héros sont toujours entraînés par les circonstances, ils ne choisissent jamais parce que, s'ils le pouvaient, ils choisiraient de ne pas être des héros. [...]

Le véritable héros est toujours un héros par erreur, son rêve serait d'être un honnête lâche comme tous les autres. S'il avait pu, il aurait résolu l'affaire autrement, sans effusion de sang. Il ne se vante ni de sa mort, ni de celle des autres. Mais il ne se repent pas. Il souffre et il se tait, ce sont éventuellement les autres qui l'exploitent en en faisant un mythe tandis que lui, l'homme digne d'estime, n'était qu'un pauvre type qui a réagi avec courage et dignité dans un événement plus grand que lui.

Au contraire, nous savons tout de suite et sans hésiter que nous devons nous méfier de ceux qui partent sur les chapeaux de roue, poussés par un idéal de purification par le sang, le leur et celui des autres mais plus souvent celui des autres. Ils sont en train de jouer un scénario animal, déjà étudié par les éthologistes. Nous ne devons pas nous en étonner, nous en scandaliser trop. Mais nous ne devons pas ignorer non plus l'existence de ces phénomènes. Si l'on n'accepte pas et si l'on ne reconnaît pas avec courage la fatalité de ces comportements, on risque d'être aussi idéaliste et moraliste que ceux dont on réprouve la folie sanguinaire. Reconnaître la violence comme une force biologique est le vrai matérialisme (qu'il soit historique ou dialectique, peu importe), et la gauche a très mal fait de ne pas étudier assez la biologie et l'éthologie."


"Real heroes, those who sacrifice themselves for the collective good, and whom society recognises as such, maybe some time later, whereas at the time they are branded as irresponsible outlaws, are always people who act reluctantly. They die, but they would rather not die; they kill, but they would rather not kill; and in fact afterwards they refuse to boast of having killed in a condition of necessity. Real heroes are always impelled by circumstances, they never choose because, if they could, they would choose not to be heroes. [...]

The real hero is always a hero by mistake; he dreams of being an honest coward like everybody else. If it had been possible he would have settled the matter otherwise, and without bloodshed. He doesn't boast of his own death or of others'. But he does not repent. He suffers and keeps his mouth shut; if anything, others then exploit him, making him a myth, while he, the man worthy of esteem, was only a poor creature who reacted with dignity and courage in an event bigger than he was.

On the contrary, we know immediately and without hesitation that we must be wary of those who get off to a flying start, driven by an ideal of purification by blood, their own and others' but more often the others' one. They are playing an animal scenario, already studied by the ethologists. We should not surprise ourselves, shock us too much. But we must not ignore the existence of these phenomena. If we do not accept and if we do not recognize with bravery the inevitability of these behaviors, we may be as idealistic and moralistic as those who we condemn the bloody madness. Recognize violence as a biological force is the true materialism (whether historic or dialectic, whatever), and the left has done very bad to not study enough biology and ethology.


La guerre du faux 1973-1983 (Why are they laughing in those cages?), Umberto Eco, 1985.
(Picture: Sprung Aus Den Walken, 1981)

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