Ils naquirent, vécurent heureux et moururent.
Par ROD, vendredi 28 décembre 2012 à 12:31 :: LECTURES :: #1370 :: rss

« C'est ainsi qu'une autre branche de notre littérature s'est éteinte heureusement pour notre race, car à l'époque où l'on écrivait tant sur des choses que personne ne pouvait éclaircir, les gens semblent avoir vécu dans un état perpétuel de contestations et de luttes. Une autre portion considérable de notre ancienne littérature consiste dans l'histoire des guerres et des révolutions de l'époque où les Ana vivaient en sociétés nombreuses et turbulentes, chacune cherchant à s'agrandir aux dépens de l'autre. Vous voyez combien notre vie est calme aujourd'hui; il y a des siècles que nous vivons ainsi. Nous n'avons aucun évènement à raconter. Que peut-on dire de nous, sinon: ils naquirent, vécurent heureux, et moururent ?
Quant à cette partie de la littérature qui naît de l'imagination et que nous appelons Glaubsila, ou familièrement Glaubs, les raisons de son déclin parmi nous sont faciles à découvrir. Nous voyons, en nous reportant à ces chefs-d’œuvre de la littérature que nous lisons tous encore avec plaisir, mais dont personne ne tolèrerait l'imitation, qu'ils sont consacrés à la peinture de passions que nous n'éprouvons plus, telles que l'ambition, la vengeance, l'amour illégitime, la soif de la gloire militaire, et ainsi de suite. Les vieux poètes vivaient dans une atmosphère imprégnée de ces passions et sentaient vivement ce qu'ils exprimaient avec tant d'éclat. Personne ne pourrait maintenant exprimer ces passions, car personne ne les ressent, et celui qui les exprimerait ne trouverait aucune sympathie chez ses lecteurs.
D'autre part, l'ancienne poésie se complaisait à étudier les mystérieuses bizarreries du cœur humain, qui mènent à l'extraordinaire dans le crime et le vice comme dans la vertu. Mais notre société s'est débarrassée de toutes les tentations qui pourraient entraîner à quelque crime ou à quelque vice saillant, et le niveau moral est si égal, qu'il n'y a même pas de vertus saillantes. Dès qu'elle ne peut plus se nourrir de passions fortes, de crimes terribles, de supériorités héroïques, la poésie est sinon condamnée à mourir de faim, du moins réduite à un maigre ordinaire. Il reste la poésie descriptive: la description des rochers, des arbres, des eaux, de la vie domestique, et nos jeunes Gy-ei mêlent beaucoup de ces fadeurs à leurs vers amoureux. »
Thus another part of literature has become also extinct, happily for our race; for in the time when so much was written on subjects which no one could determine, people seemed to live in a perpetual state of quarrel and contention. So, too, a vast part of our ancient literature consists of historical records of wars an revolutions during the times when the Ana lived in large and turbulent societies, each seeking aggrandisement at the expense of the other. You see our serene mode of life now; such it has been for ages. We have no events to chronicle. What more of us can be said than that, 'they were born, they were happy, they died?' Coming next to that part of literature which is more under the control of the imagination, such as what we call Glaubsila, or colloquially 'Glaubs,' and you call poetry, the reasons for its decline amongst us are abundantly obvious.
"We find, by referring to the great masterpieces in that department of literature which we all still read with pleasure, but of which none would tolerate imitations, that they consist in the portraiture of passions which we no longer experience—ambition, vengeance, unhallowed love, the thirst for warlike renown, and suchlike. The old poets lived in an atmosphere impregnated with these passions, and felt vividly what they expressed glowingly. No one can express such passions now, for no one can feel them, or meet with any sympathy in his readers if he did. Again, the old poetry has a main element in its dissection of those complex mysteries of human character which conduce to abnormal vices and crimes, or lead to signal and extraordinary virtues. But our society, having got rid of temptations to any prominent vices and crimes, has necessarily rendered the moral average so equal, that there are no very salient virtues. Without its ancient food of strong passions, vast crimes, heroic excellences, poetry therefore is, if not actually starved to death, reduced to a very meagre diet. There is still the poetry of description—description of rocks, and trees, and waters, and common household life; and our young Gy-ei weave much of this insipid kind of composition into their love verses."
The coming race, Edward Bulwer-Lytton, 1871.
(Illustration: Carel Willink, 1942)
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