LOUBARDS.
Par ROD, lundi 25 juillet 2011 à 01:29 :: LECTURES :: #1023 :: rss

Friand d'ouvrages sur les bandes de jeunes, je me suis procuré LOUBARDS de Guillaume Vingtras, un livre dont vous n'avez sans doute pas entendu parler. Se présentant légèrement trop comme un mémoire de fin d'études (on y trouve les termes "méthodologiques", "prolégomènes", le nous au futur ainsi que quelques répétitions (et fautes!)), l'ensemble des 80 pages se tient bien. L'intro rappelle l'origine du loulou, des zazous aux apaches, des kangourous aux nervis en passant par les inévitables blousons noirs dont le loubard tire vraiment sa source, plutôt barjot que yéyé. Au début des années 70 la presse française commence à employer ce mot en réaction à la panique qui s'empare des banlieues (émeute aux Minguettes, cité de Lyon). A partir de là, n'importe quel voyou, asocial ou motard (hell's angels) est estampillé loubard. Le barlou devient la peur du français moyen.
Si le loubard est une exception française, des phénomènes de bandes similaires et antérieures étaient visibles à l'étranger: "l'article de Paris-Match qui propulsa les "blousons noirs" sur le devant de la scène en août 1959 évoquait: "les teddy boys à Londres, les vitelloni en Italie, les nozem en Hollande, les hooligans en Pologne, les stiliaguines en Russie, les Asphalt Jungle à New-York". Il est alors aisé de conclure que la localisation en banlieue des groupements de jeunes marginalisés est la particularité principale des années 1970, et donc le paramètre qui donna toute son originalité au phénomène..."

Il est aussi aisé de se rendre compte qu'un mouvement ou une bande de jeunes n'est pas grand chose sans la participation des médias. Le deuxième chapitre le montre très bien. Très référencé et nourri d'articles, le bouquin comporte un cahier de photos et de coupures de presse bien utile où l'on peut admirer Valery Giscard d'Estaing déguisé en rebelle sur une affiche socialiste ou encore la couv de "Le cuir et le baston". Après avoir passé en revue le centre névralgique du milieu (Montreuil), la sociologie et l'"art loubard", on termine sur la vie quotidienne du loulou, mis en chanson par Ferré ou Renaud.

"Les articles parus en 1973 dans le Nouvel Observateur et l'Express pointaient du doigt une autre influence possible, plus récente: le film Orange Mécanique de Stanley Kubrick sorti en France le 15 mai 1972 [...] Pour le Nouvel Observateur, il semblait même pertinent de se demander: "Alex, le héros d'Orange Mécanique, se promène t-il, avec ses drougs (copains) du côté de Bobigny ou de Clamart, en se creusant le rassoudok (crâne) pour savoir ce qu'il pourrait faire de sa soirée?" Pour autant, cette référence n'apparaît nulle part après 1973, et se comprend sans doute au regard des vifs débats, quant à l'"ultra-violence" de ce film, qui ont rempli les colonnes des journaux à sa sortie. Aucun témoignage n'a été trouvé à propos de jeunes originaires des banlieues françaises, habillés en blanc et portant chapeaux melons, cannes et coquilles de protection." (C'est pas ce que certains racontent !)
"Il est évident qu'une mode vestimentaire possédant des attributs de sous-culture (musique, loisirs, langage) se transmet à l'intérieur d'une classe d'âge via les fréquentations quotidiennes dans les établissements scolaires et dans les lieux de vie: MJC, cafés, points de rassemblement locaux des grands ensembles HLM. Mais l'impact de la culture populaire, qu'elle soit cinématographique ou musicale, est une constante à prendre en compte dans les années 1970, dans un univers où les vecteurs médiatiques restent limités. Les jeunes n'ont alors que peu de modèles d'identification provenant de cette culture populaire, la faible quantité de ces modèles est alors massivement reprise. Le modèle promulgué par Renaud en est l'un d'eux. En comparaison, les mass-médias d'aujourd'hui offrent une multitude de vecteurs culturels aux jeunes, et donc démultiplient les possibilités d'identification. Un jeune français peut, en 2010, se rattacher à d'innombrables sous-cultures provenant de l'ensemble de la planète."

Cette courte enquête de surface a le mérite de nous diriger vers beaucoup d'autres études, quelques films, et fait ressortir des terrains vagues un phénomène que finalement personne n'avait vraiment pris le temps de creuser. Ça a été imprimé en mars 2011, ça coûte 10 euros et c'est disponible sur l'Internet.
FLUOGLACIAL ET LES LOUBARDS:
La Rage au Poing (1973)
Série Noire (1979)
La Bande du Rex (1980)
Rue Barbare (1984)
Zone (1988)
Guerrier du Rêve (2003)
Made in la Rue (2009)
Bernard Lavilliers - Putain de Zone

" On a déboulé dans le centre et pris l'escalator pour l'étage. Tous les gadjos étaient déjà là: Chevilly, la Poterne, Chevaleret, Croulebarde, Glacière. On a fait le tour des potes en serrant les paluches. On était bien dans les quatre-vingt. Tous à leurs emplettes de dernière minute, les péquins qui passaient devant nous se demandaient ce qu'on foutait là. Mais ils cherchaient pas longtemps à savoir, vu notre genre. Ce qui les dissuadait le plus au fond c'était le noir, tous ces cuirs noirs. Des cuirs noirs avec des chaînes aux épaulettes, ornés sur le revers de badges de Cochran, Gégène, Elvis, Buddy Holly. Et des bolo tie avec des têtes de vaches mortes ou des motifs frappés sur du métal. Et les tiags noires qui allaient avec. Avec au bout leurs ailes de mouches en métal qui faisaient pas trop rêver de se prendre un coup de pied dans le cul. On faisait comme ça une masse compacte au milieu de l'allée principale et autour des escalators du centre commercial Galaxie... " (Classe dangereuse, Patrick Grenier De Lassagne)
Commentaires
1. Le mardi 2 août 2011 à 17:38, par Efferalgan 500
2. Le mardi 2 août 2011 à 18:10, par Le Patron
3. Le lundi 8 août 2011 à 23:56, par christelle oyiri
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