Fluoglacial - Tendances Négatives

Jules Dassin (1947-1955) : Le film NOIR a son patron


Pendant ses premières années de réalisateur, Jules Dassin, père de Joe, se spécialise, non pas dans les petits pains au chocolat, mais dans les romances tragiques, avec notamment comme fond la seconde guerre mondiale (NAZI AGENT, REUNION IN FRANCE). Attiré aussi par la comédie (YOUNG IDEAS, A LETTER FOR EVIE), c’est en 1946 que sa carrière prend un tournant avec TWO SMART PEOPLE. Il s’essaie pour la première fois au crime et au film de genre, ce qui le poussera la décennie suivante, à réaliser 5 classiques du film NOIR. Chassé des USA (il est communiste), il se réfugie en Europe dans les années 50 et notamment en Grèce, où il poursuivra tranquillement sa carrière, dans une optique plutôt différente…




BRUTE FORCE (1947) - Les Démons de la Liberté

East Coast, pénitencier de Westgate. Dans la tradition d'Alcatraz, la prison est située sur une île et est hyper surveillée, jusque là, personne n'a réussi à s'en échapper vivant. Ce n'est pas l'avis de Joe Collins (Burt Lancaster). Lui et tous ses potes de la cellule R-17 rêvent à leur évasion depuis un petit moment déjà. Leur volonté de mettre les voiles est appuyée par un changement qui va faire fracas dans l’établissement. Le sadique Capitaine Munsey, s'adonnant aux sévices morales et physiques sur les prisonniers, va bientôt prendre la place du vieux directeur, aidé par un licenciement en douceur. Haït unanimement par tous les détenus et même le personnel, cette décision pousse Joe à s'activer.



Un plan est vaguement établi. Ce sera demain à 12h15. Le portail de la prison étant sous forme de pont-levis, actionné d'un mirador, si la tour n'est pas prise, il n’y a aucun moyen de s'enfuir. Film noir oblige, le plan échouera et tous les occupants de la cellule R-17 périront, sans exception. L'aspect social et acide est présent du début à la fin, agrémenté de nombreux dialogues choc et de réflexions sur l’enfermement, l'autorité et la liberté. On ne s’ennuie pas une seconde, rares dans les films de cette époque. C'est un classique à 100%.




THE NAKED CITY (1948) - La Cité sans Voiles

NYC, fin des années 40. La trame commence idéalement. Le narrateur passe en revue toutes les couches de la société New-Yorkaise d’après guerre. Nuit et jour, actifs et voyous. Mi-film, mi-documentaire. Puis, on suit l'inspecteur Irlandais Dan Muldoon, qui enquête sur la mort suspecte d’une mannequin (Jean Dexter) retrouvée morte dans un hôtel de luxe sur la 52ème. L'intrigue est longue, on peine un peu à suivre, le film avait trop bien commencé. C'est surtout une bonne occasion de voir New-York de haut en bas, et d'est en ouest. Les poursuites dans le metro ou sur le Williamsburg Bridge valent le détour. Dassin dresse un large panorama de la cité, du travail répétitif et sans fin d'enquêteur, ainsi que du train-train quotidien des citoyens américains moyens (métro, boulot, dodo), qui ont été filmés en caméra cachée pour être le plus proche possible de la réalité. Une belle odyssée. (Le film sera à l’origine d’une série TV de qualité diffusée entre 1958 à 1963)




THIEVES’ HIGHWAY (1949) - Les Bas-fonds de Frisco

San Francisco. Nick Garcos (héros grec, comme la femme de Dassin) est un jeune homme fougueux et courageux, décidé à venger son père, rendu impotent à la suite d’un accident (provoqué) de tchamtar. Il suit le chemin du daron, au volant d'un camion, et longe toute la côte ouest pour livrer des pommes à Figlia, le truand italien (pléonasme?) responsable du drame. La logistique et les transports routiers de l’époque n’étaient pas aussi fiables que maintenant, à l’image du SALAIRE DE LA PEUR (sorti quelques années plus tard), la vétusté des machines et les nombreuses embûches vont rendre le parcours interminable. Son collège Ed n'arrivera d'ailleurs pas à bon port et brûlera dans la taule froissée.



Sur place, dans les docks sombres et poisseux de la Bay Area, Figlia essaiera de lui voler sa marchandise, ignorant à qui il a à faire et usant des charmes de Polly, une prostituée. Mais la furie se retournera vite contre lui. Bon, ce n'est pas le film le plus attractif de la période NOIRE de Dassin. On met d'ailleurs du temps avant de déceler le crime. C'est en réalité plus vicieux que ça. Dassin s'attarde à nouveau sur le sort des petites gens, à qui on ne fait jamais de cadeau, et prouve une fois de plus, qu’une fortune ne se constitue jamais les mains propres (partout où il y a de l'argent, il y a du crime).




NIGHT AND THE CITY (1950) – Les Forbans de la Nuit

Londres. Pas de baskets, ni de rock’n’roll. Dassin change de continent mais pas de genre. Harry Fabian (Richard Widmark) est un margoulin des faubourgs (oui c'est la traduction du hustler ici!). Son activité principale se résume à tromper son monde et inventer des affaires qui ne marchent jamais. Il travaille comme rabatteur pour le club privé "Le Renard d'Argent", dirigé par le gros Nosseross et sa vénale femme, Helen. Ce renard de East End a le nez fin. Un soir, après un combat de catch, il réussit à se mettre dans la poche le champion de lutte gréco-romaine Gregorius The Great, feintant comme lui son dégoût de ce sport spectacle qui renie la discipline originelle.



Les combats de catch de la ville sont organisés par le fils de Gregorius, Kristo, sorte de parrain du quartier. Harry décide donc de monter son entreprise en organisant strictement des combats de lutte (Avec le père du Parrain de son côté, il devient intouchable). Mais c'est le début des emmerdes. Magouilles, vols, pots de vin… Harry se met dedans jusqu'au cou. Il se retrouve en cavale sur les quais brumeux de la ville, suite au décès accidentel de Gregorius (qui n'a pas résisté à la spectaculaire prise de l'Ours !), dans un combat contre le terrifiant Strangler, que finalement personne ne verra. Un film fin, ingénieux, du cinéma de patron synonyme d'une époque. Sombre, "insensé" et tragique, comme une vie de voyou.




RIFIFI (1955) – Du Rififi chez les Hommes

Paris, Paris. Et ses gangsters des années 50 affublés de délicieux pseudonymes, qui déambulent à Pigalle. Ce dernier film de la série noire de Dassin, tiré du roman d’Auguste Le Comte (qui, plus tard, sera adapté de nombreuses fois au cinéma avec succès) est sûrement sa plus belle réussite. Tony le Stéphanois (Jean Servais, le mec le plus froid de la Terre) sort de 5 ans de zonze. A peine a-t-il retrouvé son ex-femme, Mado, pour l’humilier et lui faire culpabiliser de son infidélité (elle est désormais sous la joute de Grutter, puissant ponte des nuits parisiennes), qu’il se voit proposer le braquage d’une bijouterie de renom par Jo le Suédois, son ex-pote. Alliés à Mario (Robert Manuel), le spécialiste des alarmes, et César le Milanais (Jules Dassin pour la 1ère fois devant la caméra), expert en bijoux, ils préparent le casse du siècle.



Évidemment, noirance oblige, le coup pourtant bien maîtrisé va mal tourner, à cause d’une femme, évidemment. César le charmeur, a offert une bague d’un million à une des danseuses de Grutter, celui-ci le découvre le jour du casse et avec son flair de truand, fait directement le rapprochement entre les 4 gusses. S’en suit une course haletante contre la montre, avec Tony en point de mire, une femme mourante et un enfant pris en otage. Le final, une lente descente en voiture vers la mort le long des rues de Paris, est somptueux. L’apparition de Robert Hossein en homme de main, complètement camé, est surprenante. Des décors urbains, gris et froids. Un scénario parfait. Les années 50 en plein effet.

Nerd! Nerd! Nerd! (1982-1985)

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Un nerd (prononcer neuwde), dans le domaine des stéréotypes de la culture populaire, est un terme anglais désignant une personne à la fois socialement handicapée et passionnée par des sujets liés à la science et aux techniques.

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Joël Séria (1971-1977) : Révolution sexuelle dans les chaumières

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Le cinéma français des années 70 dans toute sa splendeur. Politiquement incorrect, libre et sauvage. Joël Séria en est l'un des principaux artisans. Avec seulement 6 films à son actif, sa collaboration avec Jean-Pierre Marielle et ses dialogues surpuissants de type Audiard version sexe, il défonce les barrières morales tout juste bousculées en 68. Pas de nouvelle vague, pas de manières. Juste une réalité provinciale qui fait mal!

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Confessions intimes: Le "beatdown" français



...ou un voyage initiatique au coeur du fléau "bandana" qui frappe le hardcore français. Phénomène qui n'épargne aucune partie géographique du territoire, ce style musical agressif venu des USA possède plusieurs caractéristiques. L'esthétique y a son importance, elle nécessite d'abord le port du bandana (un peu partout sauf dans la poche arrière), de vêtements amples estampillés "streetwear" ainsi que de casquettes new era et tout accessoire dit "voyou" (tour de cou, chaine, gourmette, bonnet, logos agressifs représentant souvent armes à feu, poings américains, objets contendants, sang, etc...). Le petit plus étant bien sur la présence de tatouages pour crédibiliser l'étiquette "rue" qui se dégage de ce courant.

D'un point de vue musical, les chansons s'apparentent à un heavy metal primitif qui tournerait au ralenti, "chanté" dans un anglais approximatif. Le degré de présence scénique se mesurant au nombre de membres sur scène, ces groupes n'hésitent pas à faire appel à un 2ème guitariste et à 2 chanteurs (pour assurer l'alternance voix gutturale/voix aiguë). Le petit plus ce coup-ci étant une touche rap, dans le parler, la démarche ou les phrases d'entracte, pour ajouter toujours une approche "rue" à l'ensemble. Les textes pamphlétaires concernent surtout la vengeance, les représailles et l'esprit de revanche. Les concerts se déroulent face à une foule qui forme un U, laissant les danseurs s'exprimer de façon parfois violente ou "fun" entre eux, par l'intermédiaire de prises de kung-fu et autres tours de bras. Le chanteur n'hésitant pas à les haranguer violemment tout comme les guitaristes tenant leur instrument à la verticale.

Voici donc un large et actuel panel du genre. Les liens et vidéos se passent de commentaires.

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N.Y.H.C. : A DOCUMENTARY (1995-2008)

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Penelope Spheeris (1980-85) : La jeunesse américaine en déroute



Pas étonnant si ces dates coïncident avec la naissance et la mort du hardcore originel aux USA... Le documentaire "THE DECLINE OF WESTERN CIVILIZATION" est sorti en 1981 et a filmé la scène punk de L.A. de l'intérieur entre fin 79 et début 80. Le résultat est brut et réel. On y suit d'abord BLACK FLAG, avant l'arrivée d'Henry Rollins, qui boivent du mercurochrome au sous-sol de leur église, le mythique squat THE CHURCH. 3 lives violents sont performés, le controversé "White minority", l'excellent "Depression" et "Revenge". On passe à GERMS et leur décadent frontman, Darby Crash, pendant que leur manageuse blonde nous parle. Darby joue avec sa mygale. Darby cuit des oeufs. Darby mange son micro. Darby fait du théâtre. 2 lives merdiques de "Manimal" et "Shutdown", en karaoké pour ceux qui veulent suivre bien entendu. La partie de CATHOLIC DISCIPLINE est dominée par les préoccupations éditoriales du fanzine (SLASH) que rédigeait leur chanteur, Claude Bessy, et de toutes les insultes reçues par ses lecteurs. X prend le relais, on les voit se tatouer sous nos yeux, puis jouer "Beyond and back", "Johnny hit and run Paulene" et surtout le TUHUBE "We're desperate".



Le meilleur a été gardé pour la fin avec LE groupe de l'époque, CIRCLE JERKS, et son chanteur épileptique, Keith Morris. Il s'agit d'un temps où les figures de karaté n'existaient pas, seuls les gros pogos sauvages de patrons régnaient. L'ambiance violence est au rendez-vous au long des classiques du groupe, "Red tape", "Back against the wall", "I just want some skank", "Beverly Hills" et "Wasted". Ca se corse encore plus après la parenthèse ALICE BAG BAND (un groupe furtif et bien habillé) lorsque le doc finit avec le groupe le plus pété de l'époque, FEAR. Ceux-ci n'hésitent pas à provoquer la foule, à leur cracher dessus et à demander toutes les 30 secondes "how many homos are here tonight?" (15 ans avant Kickback fils!). Le résultat est immédiat, scène prise d'assaut, savatage en règle entre punks et bounceurs, Lee Ving se bave dessus et le concert commence. "I don't care about you", "Beef Bologna", "I love livin' in the city" pour finir sur "Let's have a war". Un doc puissant donc, où tout le monde parle (promoteurs, videurs, punks ou non, punkettes ou non, parents, etc.) de tout (anarchie, musique, business, bagarre, etc.). Vrai classique.




C'est 3 ans après, en 1984, que sort SUBURBIA, qui est en quelque sorte, la scénarisation du documentaire. La première scène est assez dérangeante et étrange, un chien dévore un enfant sous les yeux d'une adolescente désemparée. Celle-ci rejoindra une bande de punks nihilistes squattant une maison abandonnée dans une banlieue déserte où rôdent chiens sauvages et rednecks armés. Pas vraiment d'alternative pour ces jeunes rejets de la société, tous unis (de 10 à 25 ans, garçons et filles, skin nationaliste au milieu des punks anar) par l'énergie du désespoir et le chaos ambiant.



Ils pillent la nourriture dans les garages (la combine de l'époque pour tous les voyous des rues), moisissent devant la TV, vont pogoter au concert (on a droit à des prestations live de D.I., T.S.O.L. et THE VANDALS) tout en évitant le trouble avec les cowboys et les flics. Jusqu'au jour où leur présence finit par agaçer le voisinage et qu'un drame se produit. Une fiction à la fois grave et amusante qui en fait un téléfilm regardable.




Penelope laisse béton les punks (pas tant que ça finalement) l'année d'après pour son premier vrai film qui est une totale réussite. "THE BOYS NEXT DOOR" n'est pas un film gay mais un choc pour l'Amérique bien pensante de 1985. Bo (incarné par Charlie Sheen alors âgé de 21 ans) et Ray (Maxwell Caulfield) sont 2 lycéens paumés et cyniques. Ils aiment se pointer dans les fêtes pour foutre la merde, cruiser dans leur grosse cylindrée, draguer les filles de riche et boire des bières. C'est la fin de l'année et par une nuit chaude et éclaircie, les 2 potos décident de pousser la Pontiac pleine de gazoline jusqu'à L.A., la grosse cité de rêves, pour le week-end. C'est là que commence le massacre. Plus on avance dans le film et dans la ville, et plus les 2 acolytes ont LA HAINE. Pas la haine du con bourré du samedi soir, une haine viscérale et étouffante qui doit sortir coûte que coûte.



Ca commence par l'employé immigré de la station service, savaté devant ses pompes sur un malentendu, puis l'homosexuel moustachu tué froidement dans son salon... Là vous vous dites ça sent le fascimse, mais non, car le jeune couple blanc, heureux et bien dans son slip, sera traqué et abattu aussi, devant son domicile, comme les autres. Le cercle vicieux ne s'arrête plus jusqu'à ce que Ray, jaloux de la meuf que Bo est en train de pénétrer, fasse complètement n'importe quoi et que les cops les serrent lors d'un final tragique. Descente fulgurante au coeur du démon, vêtu de VANS 4 trous, de denim bleu moyen et de tshirt blanc coupe S, comme le bon style de 85 le voulait. Un road movie nihiliste à voir absolument.

Je m'arrête là car ce qu'a fait ensuite P. Spheeris n'a plus vraiment d'intérêt. Pour ceux qui veulent pousser l'extrême à fond, il y a eu un "DECLINE OF WESTERN CIVILIZATION II" sur les excès de la scène Metal dans les 80's, et un "DECLINE OF WESTERN CIVILIZATION III" sur la scène squat de L.A. à la fin des 90's. Elle est aussi l'auteur du succès mondial de 1992, WAYNE'S WORLD, pour ceux qui ne le savaient pas. Voilà.

OOUUAAAAAA : Queensbridge parle.

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Si vous aimez le rap, celui de New-York donc, vous n'avez pas pu passer à côté de ces cris de singe poussés par les voyous de Queensbridge. QB, c'est la plus grande cité HLM au monde et c'est aussi l'endroit auquel le rap doit le plus. Outre ces vociférations de mongos, la zone a accouché durant les années 80 de talents majeurs, de MC SHAN à KOOL G RAP en passant par le sombre BLAQ POET ou le petit génie TRAGEDY, tous sous la houlette du général MARLEY MARL, qui fonda avec d'autres rappeurs de Brooklyn et Long Island (BIZ MARKIE, MASTA ACE, ROXANNE SHANTE...) le fameux JUICE CREW.

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David Cronenberg (1988-2008) : Nos cerveaux sont malades



Après le succès de THE FLY en 1986, le cinéma de Cronenberg va prendre une tournure plus mentale et contemplative, à l’instar d’un David Lynch, et toucher d’autres domaines que la psychologie et la chair, comme l’ambivalence ou les mondes parallèles. DEAD RINGERS qui sort en 1988 en est le parfait exemple. Jeremy Irons incarne incroyablement 2 jumeaux, gynécologues de profession, partageant le même appartement et les mêmes conquêtes féminines jusqu’au jour où Claire, une patiente stérile de Beverly (oui l’un des frères a un nom de femme, là est la subtilité, l’autre s’appelle Elliot) vient bousculer leurs habitudes.


GYNECOLOGIE PREHISTORIQUE

Elliot, jaloux à l’extrême, séquestrera Beverly et sombrera volontairement la drogue, comme son frère, pour se rapprocher au maximum de Claire et tenter de la dominer. Bain de sang final obligé. Un film inquiétant et grave où se mêlent instruments de médecine barbares et esprits machiavéliques. On voit que Cronenberg a franchi un échelon dans l’horreur, plus subtile et profonde qu’elle ne l’a jamais été dans ses oeuvres.


LA CLARK NOVA, MACHINE A ÉCRIRE ORGANIQUE

En 1991, (après quelques trucs pour la TV) il relève le défi d’adapter à l’écran, le roman de William S. Burroughs, LE FESTIN NU. Vous n’avez jamais rien vu de pareil que NAKED LUNCH, sorte d’auto-biographie hallucinogène du séjour de Burroughs au Maroc dans les années 50. Peter Weller joue donc Bill Lee, junkie-écrivain devenu exterminateur de cafards. Seulement, la poudre dont il se sert pour tuer les insectes les a rendus, lui et sa femme, complètement accrocs. Il rend visite au docteur Benway (Roy Scheider) qui lui prescrit de la "Viande Noire", conçue à base de centipède, un insecte-reptile du Brésil, faisant passer la substance pour un vaccin. Un soir en rentrant, sa femme se faisant pénétré par ses 2 amis au salon comme si de rien n’était, voulant faire un numéro de cirque pour épater la galerie, il la tue accidentellement.


BILL AU BAR, AVEC SON POTO LE MUGWUMP

C’est le début du cauchemar. VIANDE NOIRE. Sa machine à écrire se transforme en cafard géant, son addiction à la viande noire le conduit à interzone, un paradis homosexuel en terre Arabe où il est sensé écrire des rapports à une société secrète, pour laquelle il a été désigné agent par un cafard qui parle. Vous me suivez ? Moi non plus. Je pense qu’il faut lire le livre déjà, puis à l’envers, et regarder le film une fois sous LSD, ensuite sous cocaïne et ainsi de suite. Cronen le barbare revient dans l’organique et la chair à pleines mains avec des bestioles infames, notamment la scène de sodomie avec le centipède mutant. Oubliez le pop corn. Un film absurde, dérangeant, complètement fou.


LE CENTIPEDE SUR LE DOS DU JEUNE ÉPHÈBE, IMMONDE

Concernant M.BUTTERFLY de 1993 je passe mon tour. Le réalisateur retrouve Jeremy Irons pour une romance impossible à Pékin, entre un petit comptable de l’ambassade et une diva. Manipulation, politique, amour. Typiquement le genre de film qui me fait ni chaud et encore moins froid.



Nouvelle adaptation en 1996, celle de CRASH (publié en 1973) par l’auteur de science-fiction anglais J. G. Ballard. Et Cronenberg dynamite tout encore une fois en projetant sur la toile les fantasmes sexuels d’un couple fasciné par les accidents de la route (James Spader et la sublime Deborah Unger). Un soir sur le highway, James Ballard tue accidentellement le mari de Helen (Holly Hunter) en fouinant bêtement dans sa boîte à gants. Ces deux là vont se lier d’amitié (et plus) et vont entrer dans le cercle d’initiés des passionnés d’accidents de voiture, mené par le viril et mystique Vaughan (Elias Koteas), fiancé de Gabrielle (Rosanna Arquette complètement pétée, avec des jambes en fer).



Vaughan donne dans la reconstitution de carambole célèbre (la mort de James Dean), la photographie de la taule fraîchement froissée après drame, et est vite pris d’érection en regardant des crash test au ralenti sur sa TV, assis dans son canapé. Le couple ensorcelé par ce diable ira jusqu’à commettre l’irréparable, voulant pousser le fantasme au plus loin. Film CHOC et grosse polémique, très proche de Lynch dans l’esthétique (et les longueurs!).


PARTIE D'eXistenZ EN BINOME

David prend un rythme plus croisière et sort maintenant un film tous les 3 ans. En 1999 arrive eXistenZ. eXistenZ est un jeu vidéo qui, à base d’un pod (une console faite de chair et d’organes) que l’on connecte à un port corporel situé dans le bas du dos sur la moelle épinière, entraîne l’individu dans des mondes virtuels auquel il devient très vite accroc. On peut rapprocher ça de nos jeux vidéos traditionnels ou depuis, de la révolution Internet.


RÉPARATION DU POD MALADE

Allegra Geller (aka la sexy Jennifer Jason Leigh) est la créatrice de ce jeu et à l’aide de Ted (Jude Law) elle devra échapper aux combattants de la réalité (vise le nom) qui souhaitent détruire son jeu et la dite sorcière. Retournements de situations, créatures hideuses, scènes grotesques, énigmes, érotisme, monde parallèle… les protagonistes et nous-mêmes ne savons plus où est le virtuel et où est la réalité, et finalement, quel monde doit triompher. Un film pas si inoffensif qu’il n’y parait et un gros succès encore une fois.



C’est avec les années 2000 que le cinéma de Cronenberg va complètement changer et se régénérer. SPIDER sort en 2002 et fini les cafards qui parlent ainsi que les objets contendants dans le ventre. On suit la vie d’un malade mental (Ralph Fiennes) dans l’East-London, fraichement sorti de l’hopital psychiatrique après plusieurs années d’internement. C’est là qu’il a grandi étant enfant et il se souvient. Alcool, prostitution, adultère puis meurtre. Le gamin introverti qui tendait des ficelles dans sa chambre (d’où le titre du film) devient fou. Il a imaginé que la patronne tyrannique du centre de malades qui l’accueille était jadis la prostituée qui fit sauter son cocon familial. Mais sa schizophrénie dépressive et ses troubles comportementaux (il porte 5 chemises) fausseront son enquête pour retrouver l’origine de son malaise. C’est sombre, lourd mais malheureusement affreusement lent. La mutation est en marche.



Et puis, A HISTORY OF VIOLENCE voit le jour en 2005. Ce film puissant et vrai va assurer une nouvelle renommée au réalisateur qui est désormais aussi à l’aise dans le film d’action que dans l’horreur ou la science-fiction. Tom Stall (joué à merveille par Viggo Mortensen) et sa femme (la belle Maria Bello) vivent tranquillement avec leur fils dans une petite ville canadienne reculée.



Jusqu’au jour où Tom derrière le comptoir de son bar-restaurant est victime d’un hold-up et abat froidement celui qui le menace. Aussitôt les médias en font un héros et son entourage se questionne sur son passé, qui le rattrape vite quand Carl (la tronche de cramée d’Ed Harris) et la mafia de son frère lui rend quelques visites musclées créant un climat de peur et de questionnement pendant toute l’intrigue. C’est une parfaite réussite, les 3 scènes violentes sont ultra brutales et ciselées, Viggo domine avec son démon intérieur et le suspense est constant.


On retrouve Mortensen dans EASTERN PROMISES, dernier film de Cronenberg en date (2007), après sa collaboration sur CHACUN SON CINEMA. Cette fois, Viggo est Nikolai, le chauffeur de Semyon, un riche restaurateur russe exilé à Londres. Il va aimer et aider Anna (jouée par Naomi Watts), une jeune sage femme qui après avoir fait accouché une prostituée (morte après la naissance) et après avoir fait traduire son journal intime par son oncle russe, remonte jusqu’à Semyon, cité dans les écrits de la jeune fille, pour viol, avec son fils alcoolique Kiril (rôle où Vincent Cassel excelle). Le paisible patron du Trans-Siberian va vite se rendre compte qu’Anna dans sa quête de la vérité fera remonter des affaires louches et inavouables et essaiera de se débarrasser d’elle et de ceux qui savent.


"MATE COMME ELLE EST BONNE NAOMI WALLAH"

Semyon va élever son simple chauffeur (habitué à faire disparaître les cadavres) à un maître de la pègre (scène du tatouage des 2 étoiles sur les épaules). Vont s’instituer des rapports ambigus entre tous ces personnages, notamment entre Viggo et Kiril, sur lequel court des rumeurs d’homosexualité (la scène avec les prostiputes ukrainiennes). Encore une fois, peu de scènes violentes pour augmenter l’intensité de l’action (le règlement de compte dans le sauna). D’un côté la mafia organisée, de l’autre l’humain, parfois les univers se mélangent, jusqu’au rebondissement final qui en étonnera plus d’un. Pas de morale, juste un pur impact.



Toujours cette dualité entre bien et mal, et cette réflexion poussée à l'extrême. David Cronenberg a 3 films sur le feu, retour vers la psychanalyse et les méandres du cerveau humain avec THE TALKING CURE et LONDON FIELDS (sa deuxième ville après Toronto?) et un drame Hollywoodien attendu, intitulé MAPS TO THE STARS. On attend.

David Cronenberg (1966-1986) : Tous les Canadiens sont fous

Je vous épargne une biographie redondante puisque vous pouvez la trouver partout ailleurs pour aller directement à l’essence. Fin des années 60, Creedence Clearwater Revival sort 50 albums et le jeune David, alors âgé de 23 ans, sort ses 2 premiers courts métrages (TRANSFER (1966), FROM THE DRAIN (1967)) suivis de ses 2 premiers longs (STEREO (1969), CRIMES OF THE FUTURE (1970)), très difficiles d’accès il faut le dire. Sexe, chair, psychanalyse et torture mentale sont déjà au programme de celui qui va élever le film d’horreur au rang de sur-genre.

Son 1er film réel sort en 1975. SHIVERS. Aussi appelé FRISSONS ou THE PARASITE MURDER selon les contrées. Rien à voir avec des mecs en teddy rouge qui roulent en 4X4 et boivent du lait, je vous rassure. Le démon est plus subtil ici. Il s’agit d’un nouveau complexe immobilier situé sur une île dans lequel un docteur fou se sert des nouveaux locataires comme cobayes. Hobbes (référence au philosophe, toi-même tu sais) a trouvé une parade à la greffe d’organe, remplacer les organes malades par des parasites, espèces de grosses sangsues qui s’adaptent à l’enveloppe corporel. En plus de gigoter dans le ventre des malades et de les faire vomir, ils ont un effet aphrodisiaque extrêmement puissant qui font se jeter sexuellement les patients sur tout ce qui bouge (hommes, femmes, mamies, enfants,…). Le parasite nage donc de corps en corps rappelant le SIDA, n’ayons pas peur des mots. Final zombie un peu décevant en orgie dans la piscine mais grosse sensation et grosse avance donc pour ce premier film, où déjà, malgré le côté ‘kitsch’, l’atmosphère malsaine plane.

RABID (RAGE) sort en 1977, et reprend la même recette. Suite à des greffes de peau douteuses dans un hôpital reculé, une patiente recousue (la 1ère porno star Marilyn Chambers, vraiment sexy pour l’époque) attrape un virus inconnu qui la met en transe. Plus puissant que la rage, les chirurgiens se trouvent vite débordés quand elle s’échappe de l’établissement et que toute la ville se transforme en proie. Le mode de contamination par un dard géant se trouvant sous l’aisselle de la mutante démontre bien toute l’ingéniosité de Dave. Une ambiance plus alarmiste et film catastrophe que SHIVERS, évoluant dans un périmètre plus grand forcément.

Il sort 2 films en 1979, FAST COMPANY, une histoire de courses de Dragster sans intérêt, et sûrement son meilleur film, THE BROOD, plus connu sous le nom de CHROMOSOME 3. Film complètement pété où la terreur n’est plus kitsch du tout contrairement à ses 2 premiers actes. Un homme tente de mener une vie banale avec sa fille, alors que sa femme, psychologiquement atteinte est mise en quarantaine et observée par un psychiatre démoniaque. Classique vous me direz. Seulement le mari de Nola et sa fille commencent à être fréquemment attaqués par des nains difformes et dotés d’une puissante force, les enfants de la rage, tous mis au monde de façon pas très catholique (scène de fin incroyable) suite aux expérimentations du psychiatre. Ils répondent par les actes à la moindre pensée négative de Nola. Télépathie, horreur, violence et angoisse perpétuelle. GROS CLASSIQUE.

La télépathie devient le nouveau fils sa bataille de Davy. SCANNERS sort en 1981, en respectant toujours cette frappe chirurgicale d’un film tous les 2 ans, plus précis que nazi. Une société secrète de produits chimiques cherche à regrouper les Scanners, des médiums aux pouvoirs surhumains. Bon, pour être franc, ce film m’a relativement saoulé et j’ai même du m’assoupir pendant le visionnage, entre les 2 explosions de têtes, scènes cultes de ce film un peu décevant où le mystère plane surtout dans l’intrigue…

En 1983, c’est la fête de l’hydroponique quand VIDEODROME starifié par James Woods et Debbie Harry (de Blondie) débarque dans les salles sombres. On met sa main dans son ventre, on fouette sa télé, on rêve ou on vit... qui fait les choses ? Un patron d’une chaîne de TV érotique croit capter sur le câble un programme de torture sexuelle encore jamais vu (snuff movie), son nom est Vidéodrome… Sa vie va devenir un enfer quand il va se rendre compte que ce programme était un piège attaquant son intégrité mentale… Cronie pointe un nouveau démon, les médias, et leur contrôle sur les hommes. Toutes les préoccupations majeures du maître sont réunies ici, sexe, déformation corporelle, altération de la réalité, folie… Le doute est constant dans le film, les ambiances folles à la Lynch et la fin parfaite. EXCELLENT.

Après James Woods, c’est un autre patron, Christopher Walken, qui incarne un professeur sortant de 5 ans de coma dans l’adaptation du roman de Stephen King, DEAD ZONE (en 1983 toujours). Encore une histoire de médium puisque Johnny, mélangeant les temps, arrive à voir et prévoir le futur. Ambiance froide mêlée au complot politique, encore une réussite. Cronenberg est instoppable. Je ne m’étale pas sur LA MOUCHE (1986), remake d’un film d’épouvante des années 50, son plus gros et discutable succès commercial, si tu l’as pas vu je peux rien faire pour toi. Fin de la première partie.