Fluoglacial - Tendances Négatives

VIVENZA: Bruit et Charbon



"Qui parle ? Jean-Marc Vivenza, musicologue et philosophe basé à Grenoble, peu médiatisé et souvent incompris. Au milieu des années 70, il créé GLACE, le premier groupe « industriel » au sens pur. Toujours actif malgré son sang froid, descendant direct du constructivisme russe et du futurisme italien, Vivenza fait chanter la matière afin de « restaurer le concret et révéler la réalité ». Très rare en interview, il a accepté de nous détailler sa démarche (en douze pages !), dont voici résumé le mode d’emploi." Ceci est l'intro de mon article sur VIVENZA pour le dossier Standard Magazine #37, "La Grande Classe Ouvrière", toujours en kiosques. Et voici ici sa démarche dans le détail, et l'entretien en intégralité qu'il a accepté de livrer en Août dernier. Merci à C. Rotorelief.

A lire au doux son asservissant de la PLAYLIST #33: LE TRAVAIL REND SOURD

Quelle formation musicale possédez-vous ?
J’ai suivi dans ma jeunesse des cours au conservatoire, puis me suis orienté très vite vers la musicologie et la création sonore expérimentale. A l’époque, on était en 1974, l’IRCAM/GRM avait créé des branches en province. C’est ainsi que je me suis retrouvé inscrit dans un cycle de composition sur la musique électro-acoustique. Puis vint GLACE, première formation de musique “industrielle” que j’ai fondée en 1976 à Grenoble avec deux autres amis participants des cylcles du GRM, un collectif qui cherchait vraiment à sortir des sentiers battus en musique en proposant un discours très novateur sur le plan sonore (synthés, bruits, appareils électroniques). Inutile de préciser que nous avons été regardés comme des extra-terrestres avec notre démarche vraiment peu conventionnelle, qui n’était ni de la musique savante ni du rock....une sorte d’ovni musical en somme !

Vous avez grandi dans quel environnement ?
Mon père travaillait dans les Usines Électriques Merlin-Gerin situées à Grenoble, qui donnèrent à la France des années 50/60 tout son réseau électrique. On habitait en HLM juste derrière l'usine où travaillait mon père (mère au foyer évidemment comme dans toutes les familles italiennes de cette époque !)

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THE HUNGER (1983)


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Postpassé



« Enfin, regardons en l'air, je veux dire chez les intellectuels: ce sont "des simulacres partout!", la postmodernité, la posthistoire, le posthumanisme, la postcritique, n'importe quoi pourvu que ce soit "post", et même maintenant "postpost". Certes, on peut sourire de cette forme de résignation élégante ("nous n'avons plus rien à espérer qu'une chaire d'université"); mais elle reflète à sa manière un état d'esprit largement répandu: le sentiment que même si rien ne va plus, les jeux sont faits, l'avenir est révolu, le conflit impossible. Si ce n'étaient l'extrême droite, les islamistes, les homophobes et les fumeurs, c'est-à-dire tout ce qui prétend encore incarner le monde d'hier, on se demande ce qui serait encore à même, aujourd'hui, de provoquer la colère publique. Une telle absence d'espoir n'est pas pour autant un désespoir; ce n'est pas non plus de l'inertie, bien au contraire: il faut que tout "bouge", toujours plus vite. C'est du nihilisme maniaco-dépressif. »

Éloge de la démotivation, Guillaume Paoli, 2008.
(Illustration: Gudmundur Erro, 1970)

So hot but so old



Qui écoute encore Kas Product en 2012 ? Visiblement beaucoup de monde. Enfin beaucoup d'anciens de 80 si on se fie au public RFM party venu voir le retour de Spatsz et Mona Soyoc mercredi dernier à La Machine. Pour rappel, le groupe originaire de Nancy (même si la chanteuse est née dans le Connecticut) fut dès 1980 l'un des premiers en France à utiliser des machines dans son rock pour en faire de la cold wave. A cette époque, Spatsz possédait cette longue mèche sombre qui caressait son synthé, que les frères Sirkis copieront lâchement plus tard, tandis que Soyoc tenait le rôle du garçon, cheveux courts et blouson.




Aujourd'hui, la maturité a atteint le duo qui, tous deux pourvus de cheveux longs, ont continué leur carrière dans la musique et le divertissement (pubs, films, danse, etc) chacun de leur côté depuis leur split en 1988, avant de se reformer une première fois vers 2005. L'année même où des compiles estampillées French New Wave commençaient à pulluler (sans oublier le couronnement en 2009, un livre sur leur carrière (internationale?) aux éditions Camion Blanc). Le revival synthétique est maintenant bien consommé et pourtant leurs deux premiers albums, Try Out et By Pass distribués par RCA en 82 et 83 viennent d'être rééditées. Pas Ego Eye par contre, celui qui leur valu des passage télé à Décibels ou aux Enfants du Rock, et on comprend pourquoi !



Bref. J'avais oublié qu'avant Kas Product, Mona Soyoc chantait dans les clubs de jazz et c'est un véritable one woman show sur scène. Le décalage entre la froideur du son et l'attitude de Spatsz et la chaleur dégagée par Mona est bien plus important que sur disque ! Le recul artistique faisant le reste... Celle-ci n'hésite pas à grimper la foule, à pole dancer sur le balcon ou bien à inviter tout Paris dans son lit (rien de blessant dans mon titre !). Malgré la bonne résonance de leurs titres phares, Never come back (acclamé par le public), Take me tonight ou So young but so cold (mais pas Man of time), trop de pistes trip-hop-jazzy et de minauderies fatiguent au bout d'un moment, même si l'on doit reconnaître l'énergie et l'envie employées. Rasoir, faux pistolet, mégaphone, daf, guitare sont venus s'ajouter à la fête joyeuse, et non triste, qui l'aurait cru !



Playlist #33: Arbeit macht taub !



01 - EDGARD VARESE - Déserts
02 - WOJCIECH KILAR - L'usine
03 - KRAFTWERK - Metall auf metall
04 - SPK - Mekano
05 - EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN - Arbeit
06 - DIE KRUPPS - Stahlwerksinfonie
07 - CRASH COURSE IN SCIENCE - Factory forehead
08 - OMD - ABC auto-industry
09 - CONTROLLED BLEEDING - In the factory
10 - VIVENZA - Essentialité métallique
11 - TEST DEPT - Shockwork
12 - LE SYNDICAT - Machefer
13 - MECANICA POPULAR - Baku:1922
14 - ENTRE VIFS - Le chantier de la gloire
15 - CHU ISHIKAWA - Broken line
16 - ALEXANDER MOSOLOV - The iron foundry
17 - LES JOYAUX DE LA PRINCESSE - Cantate de travailleurs
18 - THE HATERS - Truncated formica
19 - JEFF MILLS - Workers
20 - VLADIMIR COSMA - L'usine désaffectée

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La Loi de la Cause et de l'Effet



« Selon la conception indienne, tout homme naît avec une dette, mais la liberté d'en contracter de nouvelles. Son existence forme une longue série de paiements et d'emprunts dont la comptabilité n'est pas toujours apparente. Celui qui n'est pas totalement dénué d'intelligence peut supporter avec sérénité les souffrances, les douleurs, les coups qu'il reçoit, les injustices dont il est l'objet, etc., parce que chacune d'entre elles résout une équation karmique demeurée sans solution au cours d'une existence antérieure. Évidemment, la spéculation indienne a cherché et découvert de très bonne heure des moyens par lesquels l'homme peut se libérer de cette chaîne sans fin cause-effet-cause, etc. régie par la loi karmique. Mais de telles solutions n'infirment en rien le sens des souffrances; au contraire, elles le renforcent.

Tout comme le Yoga, le bouddhisme part du principe que l'existence entière est douleur, et il offre la possibilité de dépasser d'une manière concrète et définitive cette suite ininterrompue de souffrances à laquelle se réduit toute existence humaine en dernière analyse. Mais le bouddhisme, comme le Yoga et comme d'ailleurs n'importe quelle autre méthode indienne de conquête de la liberté, ne met pas en doute un seul instant la "normalité" de la douleur. Quant au Vedânta, pour lui la souffrance n'est "illusoire" que dans la mesure où l'est l'Univers entier; ni l'expérience humaine de la douleur, ni l'Univers ne sont des réalités au sens ontologique du terme. En dehors de l'exception constitué par les écoles matérialistes Lokâyata et Chârvâka - pour lesquelles ils n'existe ni "âme", ni "Dieu", et qui considèrent la fuite de la douleur et la recherche du plaisir comme le seul but sensé que puisse se proposer l'homme - l'Inde entière a accordé aux souffrances, de quelque nature qu'elles soient (cosmiques, psychologiques ou historiques), un sens et une fonction bien déterminés. Le karma garantit que tout ce qui se produit dans le monde a lieu en conformité avec la loi immuable de la cause et de l'effet. »

Le mythe de l'éternel retour, Mircea Eliade, 1949.

WHITE STAINS





NORWAY OF LIFE (2006)


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COLDGEIST: Nomenglaçura



Allez, oubliez un peu la French Touch. Ici on parle Gigolo, Gerald et Glaçon. Entre humain et robot, Rennes et Jupiter, bienvenue dans la tête de Coldgeist.

ENGLISH VERSION + EXCLUSIVE MIX

D'où viens-tu ? Depuis quand fais-tu de la musique ?
J'habite Rennes en Bretagne où je prépare un master en Informatique.
J'ai commencé en 2008 avec un séquenceur et un clavier maître, classique. A cette époque j'expérimentais pleins de choses, de styles différents, j'apprenais surtout à construire un morceau. A côté j'ai pris des cours de pianos pour avoir quelques bases, je n'avais jamais toucher d'instruments auparavant. Sinon j'ai tout appris seul, pas de musiciens ou de djs dans mon entourage. J'ai donc commencé par la composition, le djing est venu après. A un moment, j'ai voulu sortir de chez moi pour jouer devant un public, tenter l'expérience. Le son de l'époque était à la « turbine » et à l'electro putassière, je m'y suis essayé sous les pseudos «Kogura» puis «Kogura Mustache». J'ai joué dans plusieurs bars Rennais, puis il y a eu le tremplin du festival Astropolis, événement techno incontournable dans l'Ouest. Mes productions étaient pauvres, sans univers, un projet vide de sens, je sentais que je n'arrivais pas à m'exprimer, que je ne faisais pas ce que je voulais. Je ne transmettais rien. J'ai donc arrêté ce projet, qui m'aura néanmoins permis de mettre un premier pas dans le milieu electro et de comprendre pas mal de choses. Puis je suis reparti de zéro en puisant dans mes influences, les livres et films que j'avais lu et vu pour créer mon univers, mon son. J'avais trouvé dans la techno assez de puissance et d'espace pour m'exprimer.


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Sortons !



« Y a-t-il quelque chose de plus ridicule au monde que vingt hommes qui s'acharnent à redoubler le miaulement plaintif d'un violon? Ces franches déclarations feront bondir tous les maniaques de musique, ce qui réveillera un peu l'atmosphère somnolente des salles de concerts. Entrons-y ensemble, voulez-vous ? Entrons dans l'un de ces hôpitaux de sons anémiés. Tenez : la première mesure vous coule dans l'oreille l'ennui du déjà entendu et vous donne un avant-goût de l'ennui qui coulera de la mesure suivante. Nous sirotons ainsi, de mesure en mesure, deux ou trois qualités d'ennui en attendant toujours la sensation extraordinaire qui ne viendra jamais. Nous voyons en attendant s'opérer autour de nous un mélange écœurant formé par la monotonie des sensations et par la pâmoison stupide et religieuse des auditeurs, ivres de savourer pour la millième fois, avec la patience d'un bouddhiste, une extase élégante et à la mode. Pouah ! Sortons vite, car je ne puis guère réprimer trop longtemps mon désir fou de créer enfin une véritable réalité musicale en distribuant à droite et à gauche de belles gifles sonores, enjambant et culbutant violons et pianos, contrebasses et orgues gémissantes ! Sortons ! »

L'arte dei rumori, Luigi Russolo, 1913.
(Picture: La Rivolta, 1911)